Milan KUNDERA, La Plaisanterie, in Oeuvre volume I, Préface et biographie de l'oeuvre par François RICARD, Bibliothèque de la Pléiade n° 567, Gallimard, Paris, 2011 (1479 pages).
Je n'ai que peu de discipline, et me laisse volontiers glisser sur ma pente naturelle à la procrastination. Témoin, cet article sur La plaisanterie que je remets incessamment au lendemain depuis un bon mois. Je me laisse grignoter les jours par ces petits aléas du quotidien, sans compter ce travers du butinage informatique : à croire que je m'assimile à mon fureteur, Firefox, et, succédant aux zappeurs du téléviseur, serais devenu un inconstant de la virtualité. Certes, tout n'est pas que tu temps perdu -- me mettrai-je un jour à sa recherche ? car je trouve, de journal en dictionnaire, de commentaire en critique de quoi y faire mon miel : ceci pour la lecture. Et pour l’ouïe, les podcasts, qui amènent à leur tour leur lot de clics. Oui, je suis devenu la souris : un agité du clic, et ma pile « d'à lire » ne diminue pas beaucoup.
Retour sur KUNDERA et La Plaisanterie (voir Le malentendu de la plaisanterie) dont l'entrée dans le monde littéraire parisien fut concomitante de celle dans la capitale tchécoslovaque des chars du pacte de Varsovie. Au grand dam de l'auteur, mais comment -- et pourquoi -- faire taire les trompettes de la renommée ? Quelques décennies plus tard, il est désormais loisible au lecteur de lire ce très bon roman pour ce qu'il est, et non pour ce qu'on voulait croire qu'il était : une grande œuvre.
Tenant que le style n'est pas une manière d'écrire, mais de représenter le monde, on découvre, sur sept partie et quatre personnages principaux, une vision d'un monde où l'enthousiasme d'une Révolution qui se cherche ne trouve que la cruauté de la rumeur et où l'invention de l'Homme nouveau ne fait pas l'impasse sur la mesquinerie des intérêts de l'individu.
Scripta manent regrettera Ludvik qu'une carte postale envoyée par dépit conduira aux travaux forcés et changera le cours de la vie -- voilà pour l'intrigue. Mais, contrairement à ce que l'on aime à croire, le roman ne se résumant pas à son histoire, sinon en quoi se distinguerait-il de la relation enjolivée d'un fait divers ? on ne peut que constater le pessimisme qui se dégage de celui-ci: à quoi bon ? (on me pardonnera cette digression, je sors à peine du MALRAUX de L'Homme précaire et la Littérature). Surprenant chez un auteur alors si jeune, quoiqu'il n'y a pas d'âge pour voir la vie en noir, ou plutôt ne pas se complaire dans une vie en rose aussi romanesque que fantasmée. Bref, citation latine pour citation latine, et pour résumer à l'extrème, le lecteur passe du Scripta manent au vanitas vanitatum et omnia vanitas de la Vulgate. Tout passe, en effet, et le lecteur sera en mesure de le constater avec l'une des chutes du roman.
Bonne lecture -- une fois que vous aurez fini votre petit quart d'heure avec le nouveau NOTHOMB.
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