« Jean Daniel, l'éditorialiste en chef du Nouvel Observateur - qui ne passe pas pour un rigolo -, commençait pourtant une de ses récentes chroniques en s'amusant du «grand événement culturel» de la rentrée: Michel Houellebecq.
» Je ne vois pas pourquoi, sourit Jean Daniel, je serais le seul à ignorer le plus grand événement de ces jours derniers...
» Moi aussi d'abord, je ne vois pas pourquoi je serais le seul à ignorer M. Houellebecq, très certainement le prochain Goncourt, j'ai fini ce matin son roman, un peu rasséréné par les dernières pages de l'épilogue, les plus inventives.
» Comment cela un peu rasséréné ? Étiez-vous donc agacé ? Ce ne serait pas le grand roman que la critique célèbre presque unanimement?
» Si, c'est un bon roman. Mais il serait encore meilleur s'il avait été écrit par quelqu'un d'autre.
» Vous voulez dire mieux écrit ?
» Non, je veux dire écrit tel qu'il est là, à la virgule près, mais par quelqu'un d'autre qui ne me chaufferait pas les oreilles, tandis que je le lis. Un auteur sans le brouhaha que nous apporte toujours M. Houellebecq avec ses livres, un auteur qui écrirait exactement le même roman sans que cela devienne un "événement". Un Américain tiens, Roth ou Moody, même Ford et je serais là à m'exclamer et à vous envoyer chez le libraire: courez acheter le dernier Moody, The Map and the Inland - La carte et le territoire.
» Un bon roman dont l'art est "l'objet" central, à moins que l'objet central soit M. Houellebecq lui-même, en grande conversation avec lui-même, sur l'art, l'amour, le travail, l'économie, la fonction des objets, etc. Il y a au moins trois ou quatre Houellebecq dans ce roman de Michel Houellebecq, si bien que lorsque Michel Houellebecq se fait assassiner, cela ne dérange pas du tout, il en reste tout de même deux ou trois pour terminer le livre.
» Le truc a beaucoup plu aux lecteurs et aux critiques: dans ce livre de Michel Houellebecq, il y a effectivement quelqu'un qui assassine Michel Houellebecq. Cela nous vaut 100 pages d'une enquête policière à la Maigret mais sans la pipe; franchement, je n'ai pas très bien compris le pourquoi de cet assassinat.
» Un bon roman mais qu'est-ce qu'il peut m'énerver à flatter ses amis (Beigbeder), à picosser les journalistes (ces nuls). Qu'est-ce qu'il m'énerve avec ses clins d'oeil aux initiés, comme ce flic qui lit Gérard de Nerval à la cafétéria, ben tiens! Pourquoi pas! Après tout, ma grande soeur, celle qui est toiletteuse pour chiens, a bien fait sa thèse sur Giambattista Tiepolo entre deux poodles. Et Emmanuel Bove bien sûr, qui traînait par hasard dans les rayons d'une bibliothèque. Vous savez qui est Emmanuel Bove ? Ah non ? Je vous le prêterai, vous allez tellement vous amuser.
» Il m'énerve surtout dans ses petits couplets libertariens, ainsi quand il rêve qu'un jour les Français seront "animés d'un vif appétit d'entreprise, aux convictions écologiques modérées, commercialisables", et qu'ils seront enfin pénétrés "d'une connaissance précise des lois du marché, lucidement acceptées".
» Lucidement. On dirait du Lucien Bouchard. »
mardi 12 octobre 2010
FOGLIA sur HOUELLEBECQ : « Y m'énarve »
Le jeudi 7 octobre, le billettiste de La Presse, Pierre FOGLIA, donnait, avec sa verve habituelle, son commentaire du nouveau roman de Michel HOUELLEBECQ, La carte et le territoire. J'ai pensé intéressant de partager avec vous. Un clic sur le titre de l'article vous ouvrira le texte intégral du billet en cause : « Y m'énarve ». J'en suis, pour ma part, arrivé à la moitié de l'ouvrage, et, si je ne suis pas en complet désaccord avec FOGLIA, je serais plus nuancé. À suivre dans quelques jours.
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