Pierre SAMSON, Arabesques, Les herbes rouges, Montréal, 2010 (505 pages).
« Toute bonne chose a une fin » déplore la sagesse populaire. En l'espèce, si l'on entend par là qu'elle doit avoir une limite, on remerciera le ciel que les moins bonnes en aient une aussi, dussent-elles se répandre sur plus de cinq cents pages. S'il s'agit d'un but, on s'en réjouira également, car l'auteur l'aura atteint en nous racontant comment des spéculateurs viennent à bout de la résistance des habitants d'un îlot du quartier Hochelaga à Montréal qui seront finalement expulsés de leur très sweet home.
On pourrait voir une métaphore de la société québécoise, renfermée sur elle-même et hostile tant au changement qu'aux étrangers, auquel cas, on pourra, vu la chute, s'étonner du pessimisme de l'auteur sur notre triste destin.
L'auteur, qui, avec sa bouillotte de scribe accroupi de la quatrième dynastie, nous lance depuis sa quatrième de couverture une œillade sardonique se préoccupe beaucoup de la forme -- ce qui ferait de lui un candidat idéal au Parnasse, si ce club littéraire est encore preneur -- d'où le titre et la construction de l'ouvrage en multiples méandres, qui feront voyager le lecteur, et dans l'espace, le conduisant jusqu'aux Indes et au Brésil, et dans le temps, avec des bribes sur l'histoire du quartier et des personnages.
Formel également le choix d'une certaine préciosité du vocabulaire; ce choix découle d'un commentaire d'un roman précédant affirmant que notre auteur écrivait comme s'il voulait se faire publier en France. Piqué, il en remet une couche, comme on dit en France, justement, estimant que les Québécois n'ont pas à se satisfaire d'un vocabulaire pauvre. Las, si l'on peut savoir gré à l'auteur de favoriser le recours au dictionnaire presque à chaque page, on doutera que son lecteur tirera quelque profit, hors les mots croisés et le Scrabble, fût-ce dans quelque salon ultramontain, à retenir ce que sont népanthès, senestrorsum, faldistoire, volvation et autres rudérations. Préciosité qui confine au ridicule, car elle équivaut à enfiler les termes rares, savants ou didactiques comme des billes de verre sur un collier de pacotille destiné à des touristes en mal d'exotisme. Encore lui faudrait-il se soucier un peu de la grammaire, laquelle est fort malmenée, et, avant de porter des coups de griffe à PROUST, ne pas confondre cuistrerie et style, vanité et littérature.
Ce qui est bien dommage, car pour peu qu'il s'oublie un peu, c'est à dire lorsqu'il qu'il ne se regarde pas écrire, l'auteur sait emporter son lecteur et susciter, de trop fugaces instants, un réel plaisir. Au lieu de quoi, il donne dans un pompiérisme (terme que devrait lui plaire) flamboyant et abandonne son lecteur, accablé, au bord du chemin. Enfin, si l'on peut aimer la technique de peinture des personnages l'un par l'autre, on n'arrive pas à les distinguer l'un de l'autre car tous partagent la même voix et le même style ampoulé et, partant, perdent leur identité dans un sirupeux magma : aurait-on affaire à des avatars de l'auteur, qui ne peut s'empêcher de nous sermonner au passage ?
On aura écrit ce commentaire d'autant plus librement que l'auteur, par la voix d'un des membres des son quatuor, récuse toute critique et envoie paître le contradicteur.
Cela étant, cher public, achetez ce livre, l'auteur, qui aime plaire, vous en sera reconnaissant. Et, accessoirement, lisez-le, ou mieux, le Trésor de la langue française.
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