Angelo RINALDI, Les souvenirs sont au comptoir, Fayard, Paris, février 2012 (376 pages) support papier et epub sous DRM.
Il
n'y a pas de difficulté de nature informatique, ou peu, qu'on ne puisse
résoudre pour peu qu'on accepte de fouiller dans Internet à la
recherche de l'âme sœur et virtuelle qui, l'ayant rencontrée, aura,
elle, trouvé la solution. Il faut un peu de patience, certes, mais en
cette époque d'agitation, n'est-ce pas une vertu qu'il faut songer à
développer ? surtout devant l'écran.
En l'espèce, grâce à
quelques manipulations, le nouveau Rinaldi est maintenant sauvegardé
dans mon ordinateur, ma tablette et ma liseuse (c'est de celle-ci dont
je me sers maintenant, qui me suit partout), et je le savoure désormais à
petites pages, vous souhaitant de pouvoir en faire autant, qui, foin
derechef de l'agitation, appelle une lecture lente, mais très goûteuse
-- pour filer la métaphore gustative.
On compare
souvent la prose rinaldienne à celle de Proust en raison de l'ampleur de
la phrase. S'il est vrai que chez les deux auteurs, elle coule en lents
méandres, je ne les vois pas tout à fait semblables. La proustienne
s'ouvre tel un origami, celle de Rinaldi me fait plutôt penser au
travail d'un peintre qui, de repentirs en repentirs, ajoute un détail à
sa toile, lui donnant, presqu'imperceptiblement, toujours plus de
profondeur et de relief, ce qui oblige le lecteur à la lenteur. On peut
accélérer chez l'un, rarement chez l'autre.
Qui plus
est, l'objet est différent, et la ressemblance du style à mon avis
trompeuse; il n'y a pas de recours à la mémoire involontaire chez
Rinaldi, pas de madeleine, pas de pavés inégaux, pas de tintements de
cuiller contre la porcelaine d'une tasse. Dans ce roman, le passé est
d'emblée présent -- regardez le titre -- mais se décompose en strates --
oserais-je la comparaison avec la pâtisserie appelée mille-feuilles ?
le souvenir d'un événement précis -- un repas dans un restaurant (le
Véfour ?) du Palais-Royal -- étant la glace marbrée du dessus, celui de
l'enfance, le bar café dont la mère du protagoniste avait la gérance
étant l'assisse du feuilletage. Ainsi le lecteur pénètre dans la phrase
comme la fourchette dans la pâtisserie.
Lire sur une liseuse est tout aussi agréable que lire un vrai
livre, à quelques différences près, qui sont de l'ordre de l'impression
: la liseuse -- encore plus que la tablette -- n'a pas d'épaisseur. Je
n'ai donc pas le sentiment d'entrer dans le texte, l'idée qu'on avance demeure une abstraction -- un numéro de page sur l'écran exprimé en fraction : x/nombre total de pages. C'est d'ailleurs ce que faisait remarquer, entre autres remarques pertinentes, François Bon dans son essai Après le livre: qu'est-ce que l'écriture numérique change au destin du livre et aux enjeux de la littérature ? --
un livre aussi intéressant qu'il est exaspérant, on se demande s'il a
été relu par un œil humain, ou bien celui-ci n'y voyait guère, tant on y
trouve de coquilles et de fautes d'orthographe et de syntaxe, sans
parler de ce style tarabiscoté et plein de tics -- j'y reviendrai.
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