Michel LEIRIS, Biffures, in La règle du jeu, Gallimard.
Voici un livre, je me répète, que je savoure avec lenteur. Voici un ouvrage qui nous change du narcissisme si fréquent dans l'autobiographie (égo-biographie ?)
Si PROUST a sa petite madeleine, ses pavés inégaux, le bruit d'une petite cuiller comme élément déclencheur de la mémoire involontaire et, partant, de son récit, LEIRIS, lui, par des mots et des de certaines locutions (Il était une fois, Du temps que les bêtes parlaient) pour réactiver un passé toujours vivant et nous faire partager sa vie. Un mot évoque une sonorité, en appelle une autre : Billancourt s'entent pour l'enfant LEIRIS « habillé-en-cour ». Gramophone et graphophone évoquent Perséphone.
J'ai, à cet égard, eu mon propre moment proustien avec ces deux mots de gramophone et graphophone. Il y avait au chalet de ma grand-mère paternelle un de ces appareils désuets -- on ne s'en débarrasse pas, ils quittent la ville, qui ne connaît plus le grenier, pour un exil définitif à la campagne -- et je jouais à écouter ces lourds disques restituer une voix passée dans son gros tube. Une de mes grand-tantes, soeur de mon grand-père, appelait l'appareil graphophone, que le reste de la famille désignait comme gramophone, ce dont je me moquais, l'appelant, par moquerie, tante graphophone. Et voici que, cinquante ans plus tard, j'apprends qu'il s'agissant en effet de deux appareils différents et que, pendant un temps, l'un et l'autre avaient coexisté.
Ne cherchez pas graphophone dans le dictionnaire, ni même dans Wikipedia, lisez plutôt LEIRIS...
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