Michel ONFRAY, Vies & mort d'un dandy - Construction d'un mythe, Galilée, Paris, septembre 2012 (87 pages).
Michel Onfray, on commence à le savoir, n'aime guère les statues, et de celles-ci il en aura bien déboulonnées depuis qu'il s'est, à son université populaire, attaqué à sa contre-histoire de la philosophie. Sous ces coups tombèrent de leur piédestal celles de Platon, Paul de Tarse (dit Saint Paul) et, plus récemment, de Freud et Sartre. Les allées des jardins de la Philosophie étant depuis fort dégarnies, le voici qui vise, à défaut de marbres illustres des bustes de sommités de moindre importance et, en l'espèce, remue des cendres de peu de conséquence, celles de George Bryan Brummell, dit Beau (1778-1840). On comprendra Onfray de vouloir dénoncer tel imposteur de l'hédonisme, dont la gloire, essentiellement posthume, est due à une affabulation littéraire de deux autres dandys, Jules Barbey D'Aurevilly et Charles Baudelaire; et, en conséquence, on voudra bien parcourir ces quelques quatre-vingts pages, d'un pas aussi leste que le ton l'est, promenade qui nous apprendra tout de la vie de ce personnage, et de la façon dont ce triste sire -- selon notre Onfray de philosophe, est devenu une notion.Par parenthèse et comme l'on est en territoire d'élégance, l'on aura remarqué l'usage de la perluète dans le titre : une petite coquetterie.
Présentation :
« Brummell fut le Prince des Dandys, dit-on. Il fut aussi et surtout un individu grossier, égoïste, agressif, ironique, cynique, malpoli, menteur, escroc, insultant, arrogant, suffisant, prétentieux et, bien sûr, content de lui, vivant de reprocher aux autres leur mauvais goût, leur inélégance, leur fatuité, leur manque d'éducation.
Ce personnage réel, recouvert par son mythe et sa légende, fut l'étoile brillante de la société mondaine anglaise pendant une vingtaine d'années, avant d'être, pendant un quart de siècle, sur le sol français, un pitoyable personnage, un raté minable, un pique-assiette mal élevé, un misanthrope syphilitique, un gâteux, puis un demi-fou enfermé à l'asile.
Comment un homme si détestable a-t-il pu devenir le personnage conceptuel du dandysme pensé comme une éthique de l'élégance et de l'aristocratie, du bon goût et de la singularité ? De quelle manière cet adulte, qui ne fut jamais qu'un gamin mal élevé, est-il devenu l'incarnation du poète de l'existence ?
Par la grâce d'un autre dandy, Jules Barbey d'Aurevilly, qui publie Du dandysme ou de George Brummell, et de Charles Baudelaire. Brummell fut un déchet; Barbey en fit un astre noir; Baudelaire, un feu latent qui pouvait rayonner, mais ne voulut pas... Le dandy a-t-il encore des choses à nous dire en ces temps nihilistes ? »
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