Daniel BOULANGER, Cache-cache, Le livre de poche, Paris, 2006 (183 pages).
Le
temps coulait naguère dans nos contrées au rythme lent du passage des saisons –
il n’y en a plus, dit-on, il n’y a qu’à regarder par la fenêtre, nous sommes en
juin –, marqué de fêtes religieuses, auxquelles succédèrent, dieu s’étant mis
en disponibilité, hormis dans les officines municipales du Lac, cela s’entend, les
festivals en tout genre. Il se précipite désormais d’un pic à l’autre selon
l’himalaya marchand : Noël, la Saint-Valentin, Pâques, la Fête des mères
et l’Halloween, sans compter quelques unes, nationales y compris, que j’oublie,
je n’ai guère le sens des affaires. Roulent les dollars.
Si
le temps du lecteur connaît pour l’essentiel deux moments, les rentrées où
sortent les livres, le mien, de temps, est ponctué des titres des auteurs qui
me sont chers et que j’attends avec impatience. Ainsi, longtemps, je savais
l’année bonne si le Boulanger nouveau arrivait, fût-ce en format de poche –
prose ou poésie. Encore que je craigne que ces plaisirs me soient comptés,
l’homme ayant franchi le cap des quatre-vingts dix printemps – qu’il en aie
bien d’autres, égoïstement, je me les lui nous souhaite.
Tiré
de ma bibliothèque ce matin qui nous fait mine grise, Cache-cache
donc, dont je vous donne d’entrée un extrait, qui campe les deux héros.
Elle
d’abord :
« Hélène est un peu distante, haute et souple, le cheveu
noir, les plus belles dents, l’œil bleu. Sa voix laisse un reflet à la fin de
ses phrases. Rare et rapide son rire est inattendu, tel un craquement de ces
meubles qui rendent les maisons vénérables. Une ombre à parfum de cire. Des
gestes d’image pieuse. La beauté l’accompagne. »
Et
lui :
« De mon côté, Philippe-Élie, je suis un bon garçon,
c’est-à-dire une personne assez limitée, plutôt effacée, le contraire d’un
personnage. Avec des qualités, certes : je sais me tenir à table, écouter,
distinguer haricot et bourdaloue… Que dire de mon physique ? Il est simple et
passe-partout. Si je ne la disais, soupçonnerait-on mon ascendance levantine ?
»
Inutile
de dire que j’ai craqué au « reflet à la fin de ses phrases ». Et allez donc
visiter le dico à haricot et bourdaloue.
Du
Levant, il sera question de tapis, dont celui-ci vend; pour le reste du roman,
d’amour et d’histoire de l’art, dont celle-là parle, un peintre venant signer
tel paysage, telle vue. Quoi d’autre ? Rencontre nocturne et éblouissante,
plaies et bosses, un peu d’Auvergne – pour la famille France profonde – et, ce
qui est moins fréquent chez l’auteur, quelques scènes parisiennes, mais avec
vue sur le Luxembourg. Sans oublier trois chats et un petit salut à Senlis (où
notre hôte a posé ses pénates).
Avec
le temps, Boulanger met de plus en plus dans ses romans, dont les paragraphes
s’épurent, l’art de ses retouches (l’amateur reconnaîtra ses recueils de
poèmes). Et quels dialogues ! Cela se lirait presque trop vite, si ça ne se
lisait si bien. Et comme cela va mieux en le disant, je vous le dit : faites
plaisir à votre libraire (mais fuyez les souks, allez chez un vrai), achetez
deux exemplaires de ce roman, un pour vous, charité bien ordonnée…, et l’autre
pour l’aimé.
Et
comme les héros, vous pourrez vous chacun le lire et vous aimer.
Présentation
" Ah, vous reprenez vos esprits, mais vous n'avez qu'un nom à la bouche : Hélène. Qui est-ce ? Votre femme ? Votre sœur ? Une amie ? Ou bien est-ce votre nom : Monsieur Hélène ? " Va-t-on pouvoir tirer autre chose de cet homme jeune que l'on vient de trouver assommé ? Oui, la mémoire, à colin-maillard, va lui revenir, et grain à grain le chapelet de ses amours. Hélène parle dans les amphithéâtres des chefs-d'œuvre de la peinture. Lui, Philippe-Elie, vend des tapis. Ils se déplacent ensemble à deux roues sur une grosse cylindrée, mais comme tout le monde, et dans les paysages qui en font autant, ils jouent à cache-cache. »
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