vendredi 30 septembre 2011

Voici un extrait du billet de Pierre FOGLIA publié dans la Presse du 29 septembre 2011 et intitulé Résister fatigue. Je me sens très proche de ce propos sur la critique et le marché de la culture.

« Je viens de voir un mauvais film québécois que les critiques, mes préférés comme les autres, ont encensé unanimement, pas forcément pour de mauvaises raisons - en fait, je soupçonne qu'ils ont aimé ce film par sympathie pour son auteur. Qu'importe. C'est un mauvais film.

Critiquer, c'est bien des affaires, mais c'est aussi, c'est d'abord un acte de résistance. Résistance à la mode, à la facilité, aux idéologies, à la morale, au milieu, à la pub. Résister pour ne pas devenir un singe.

Résister surtout aux techniques de plus en plus raffinées et efficaces de mise en marché de l'objet culturel et de la performance culturelle.

Ce qui est effrayant, dans la pub de McDo dont je vous parle, c'est le rapport entre le génie - j'exagère à peine - qu'on a montré pour la concevoir et la médiocrité de son objet: le hamburger en question. Pareil dans l'industrie de la culture. La big machine à produire des enthousiasmes en amont du produit culturel qu'on veut nous vendre est très souvent plus inventive, plus géniale que le putain de hamburger culturel qu'elle veut nous faire avaler.

J'ai parlé l'autre jour d'un presque mauvais livre que je venais de lire en vous soulignant avec quelle impatience je l'avais attendu comme le chef-d'oeuvre du siècle. Je ne me reconnais pas dans cet imbécile qui attend un nouveau livre avec impatience. J'en ai assez d'anciens à relire sur mes tablettes pour ne pas avoir à acheter un seul nouveau livre d'ici à ma mort. Il y a forcément quelqu'un quelque part qui m'a pris pour un singe, qui s'est mis à bouffer une banane devant moi, et j'ai marché à fond. Il faudra donner le Goncourt du livre étranger à l'auteur du plan, pas à l'auteur du livre.

Pour vous dire comme le mal est profond, depuis ce livre-là, j'ai déjà récidivé en achetant un autre mauvais livre dont la critique québécoise chouchoute l'auteur ces jours-ci. Un livre qu'on nous présente non pas comme un chef-d'oeuvre, mais comme l'événement sympathique de la rentrée littéraire au Québec. Qui n'a pas envie de lire un petit livre sympathique au lieu d'un gros chef-d'oeuvre? Au bout de 20 pages, j'ai compris que je venais encore de me faire fourrer. Il faut féliciter l'agent littéraire responsable de cette remarquable mise en marché, un cas d'école à enseigner dans les cours de marketing: le coup du petit livre sympathique.

Je sais que je vous énerve en ne vous nommant ni le film ni le livre qui m'ont servi de petit bois pour allumer cette chronique. C'est voulu. Pas de vous énerver. Le problème n'est pas un mauvais film, de mauvais livres. Le problème, c'est que nous sommes en train de devenir des singes. Le problème, c'est la «bananisation» de la culture. »

mercredi 28 septembre 2011

Hommage à Lucien Jerphagnon

Je ne saurais trop vous engager à écouter la rediffusion, dans le cadre de l'émission À voix nue, de ces entretiens avec Lucien Jerphagnon, récemment décédé, dont voici le premier : Hommage à Lucien Jerphagnon 1/5. Une petite demi-heure d'un grand bonheur.

lundi 26 septembre 2011

Le français sur les ondes

Encore sur France Culture, cette fois-ci l'émission Tire ta langue, où il est question de l'évolution de la prononciation du Français.


J'ai eu, il y a quelques semaines, un assez vif échange avec un ami qui me reprochait de dire Le Caravage au lieu de Caravaggio, pour l'exposition tenue récemment au Musée des Beaux-Arts du Canada. Notons, au passage, que les affiches maintiennent, comme en anglais, le nom, si j'ose dire, à l'italienne.

On apprend à l'écoute de l'émission, qu'il y a, en prononciation comme partout ailleurs, et des phénomènes de mode, et de l'afféterie, voire une idéologie de la prononciation. Il semblerait ainsi que, « si la tendance se maintient » on ne françiserait plus les mots étrangers, surtout les noms propres de personnes ou de pays. Tel le débat sur Bélarus ou Biélorussie. Pour moi, j'ai toujours été agacé d'entendre Hrouann Carlôss, nom espagnol du roi d'Espagne Jean Charles Ier; faudra-t-il renommer Charles-Quint ? Et, à ce compte, pourquoi pas Benedickt Ier ? Déjà que, rédacteur de lois, j'étais obligé d'écrire Elizabeth II au lieu de la graphie habituelle française d'Élisabeth II.

vendredi 23 septembre 2011

Citation : Malraux

Une phrase du philosophe Marcel GAUCHET a retenu mon attention il y a quelques jours, pour lui, parlant de littérature, le style n'est pas une manière d'écrire, mais une manière de voir le monde.  Impossible de ne pas la rapprocher de MALRAUX et de L’Homme précaire et la Littérature dans lequel je chemine comme dans un jardin enchanté. Oui, MALRAUX a du style -- irais-je jusqu'à dire qu'il est un style. Jugez-en par ce passage -- je rappelle que le livre date de 1977 -- où il est question des amateurs d'art -- la secte; je doute qu'on pourrait lire ce texte sous la plume de tels de nos ministres du Patrimoine ou de la Culture :
«  Ah ! si l'on découvrait que la passion de l'art est inséparable d'un gène supplémentaire ! Gène par lequel l'amateur -- de nouveau semblable en cela au créateur -- rapporte l'oeuvre d'art au monde de l'art, un tableau de modistes de Degas, à l’impressionnisme et non aux chapeaux, le sonnet de Mallarmé à la poésie et non à Cléopâtre. Bien plus qu'aux sociétés de collectionneurs, les sectes de l'art font penser aux homosexualités libres, où les homosexuels n'étaient ni élus ni maudits (alors que le mot sodomie s'inscrira sur un fond de bûchers). Leurs adeptes ne devenaient pas homosexuels parce qu'ils préféraient les garçons aux filles, ils les préféraient parce qu'ils étaient homosexuels. Las artistes n'attribuent pas leur art des valeurs des valeurs supérieures à celles de la vie, ils les éprouvent telles, comme ce qui concerne le Christ possède pour un chrétien une valeur irréductible du seul fait de le concerner. L'art partage d'ailleurs avec les religions la présence des morts. La littérature unit présent et passés littéraires, comme les grandes religions unissent le présent au passé sacré. Aux yeux des laïques, un livre est contemporain ou témoin d'un passé. Mais la secte lit-elle Eschyle, Shakespeare, Pascal, comme des témoins de leur temps ?

« Qu'appellons-nous donc un artiste, créateur ou non ? Sans le savoir, sans le savoir tout homme à qui un art est NÉCESSAIRE. »

Maintenant, lecteur, une grande respiration, une gorgée de thé. Dans le même paragraphe le pédé et le Christ pour définir ce qu'est un amateur d'art. Et, au passage, une définition de l'homosexualité -- toujours pas tranchée de nos jours, génétique ou acquise : l'est-on, ou le devient-on ? Ou, comme chez PROUST, en est-on ?

jeudi 22 septembre 2011

Rien à voir : souvenirs, souvenirs

Vies de Job IV

Pierre ASSOULINE, Vies de Job, Gallimard, Paris, janvier 2011 (491 pages).
Job - Georges de La Tour

Il est grand temps de refermer cette série de commentaires sur le livre d'ASSOULINE. Ayant écrit, en cours de lecture, que je ne comprenais pas en quoi il s'agissait d'un roman, je dois me raviser, même si l'argument de l'auteur ne me persuade pas complètement. Toute vie étant un roman, selon le cliché mille fois rebattu, écrire la biographie d'un personnage de la Bible, qui n'était vraisemblablement pas juif, qui tient du mythe ne peut que participer de la nature du roman, quelles que soient les données factuelles dont il est fait état dans l'ouvrage.

En fait, l'art d'ASSOULINE est de nous montrer la constante présence dans notre culture -- et l'on vise les trois religions dites « du Livre » -- que ce soit dans la peinture, ainsi chez Georges de La TOUR et même chez Anselm KIEFER; la littérature, ainsi que le cinéma, avec A Serious Man des frères COEN. Au passage, il règle la question de cet autre cliché « pauvre comme Job » et explique la façon dont chaque siècle aura eu « son » Job.

Un chapitre qui m'a particulièrement touché est celui où ASSOULINE parle de la mort accidentelle de son frère ainé, de laquelle il s'est toujours senti responsable, ainsi que celle, à un assez jeune âge, de son père.

En terminant, quelques citations glanées de ci, de là.

«  ... un monde où l'on connaît le prix de chaque chose et la valeur d'aucune. »  P. 269

« ne laissons pas les preuves fatiguer la vérité; il vaut mieux rester sur ses propres souvenirs, ses fantasmes, et ses rêves.» P. 327

« ... du temps où la marque des meilleurs faiseurs se sentait sans s'afficher. » P. 349

« Ce serait tellement mieux si on pouvait être mort sans avoir à mourir. » P. 370 Phrase qui nous rapproche de MALRAUX qui distinguait le trépas de la mort.

Comme on dit généralement, pardonnez moi la facilité de la formule : vivement recommandé.


Dostoïevski

Semaine faste sur les Nouveaux chemins  de France Culture consacrées aux œuvres majeures du grand écrivain russe. Moi qui voyage ces jours-ci en « Malraucie », dont il est un des auteurs phares, je suis servi. Encore une fois, une série d'émissions très intéressantes.

L'actualité des écrivains - Lucien Jerphagnon, érudit en toute simplicité - Newsletter du Magazine Littéraire

L'actualité des écrivains - Lucien Jerphagnon, érudit en toute simplicité - Newsletter du Magazine Littéraire

lundi 19 septembre 2011

Lucien Jerphagnon

On apprend aujourd'hui le décès le 16 septembre de l'historien Lucien JERPHAGNON, dont on a récemment commenté La sottise, Histoire de la pensée et Les dieux ne sont jamais loin.

Le lien qui suit ouvre l'hommage rendu, sur France Culture par Raphaël ENTHOVEN.

Un bref extrait de cet hommage [pour JERPHAGNON]: « le contraire de l'erreur n'est pas la vérité, mais le doute. »

vendredi 16 septembre 2011

L'Écume des flammes

Richard BURGIN, L'Écume des flammes, traduit par Guillaume Rebillon, 13e note éditions, Paris, février 2011 (352 pages). 

Ce recueil regroupe des nouvelles parues dans diverses publications, on y trouve aussi le texte d'un entretien avec Jorge Luis BORGES et quelques autres textes. Il comporte en outre une préface de l'auteur pour l'édition française et une postface d'Eric Miles WILLIAMSON.

Pour qui suit ces pages, ma dilection pour la nouvelle, mes auteurs favoris étant, pour la France, Daniel BOULANGER, Roger GRENIER et Marcel AYMÉ. L’Amérique compte aussi bon nombre de très grands « nouvellistes », Henry James au premier rang. Angelo RINALDI, mon modèle en critique -- si tant est que je fasse de la critique --, tient que le genre, pour la France, s'est éteint avec GOBINEAU, exception faite, concède-t-il de Paul MORAND, les autres donnant dans le récit, ce qui, selon lui, est tout autre chose : « La nouvelle est à la photographie d'un moment de crise, vers lequel chaque phrase nous achemine sans traîner ni prétendre, en route, épuiser tout ou partie du mystère des personnages, à l'inverse du roman. (1) »

En l'espèce, il n'y a aucun doute que les textes de Richard BURGIN sont bel et bien des nouvelles, et d'un vérisme sans concession. Pas de joliesse dans ces personnages, pas de délicatesse dans l'histoire, on est, à la limite du sordide : « La race humaine refuse généralement de reconnaître à quel point elle est effrayée et tourmentée », nous dit l'auteur. On est dans le tunnel, pas de sortie, partant, pas de lueur en vue; pourtant j'ai été tenu et, onze fois, surpris par la chute -- de la nouvelle. J'ai éprouvé avec ce recueil cette coupable délectation que l'on a quand on s'abandonne à quelque péché délicieux, comme la gourmandise, qui nous fait manger, contre toute raison, un bol complet de cerises ou tout une boîte de petits-beurre. Mais, pour moi, je finis toujours par m’accommoder de ce genre de culpabilité.

À lire d'une traite, donc. Ou avec retenue, au choix.

Un reproche toutefois : ce livre n'est pas un très bel objet, j'entends qu'il n'est pas d'une très belle facture. Et rien ne m'agace plus que de trouver un point d'interrogation au début d'une ligne. 


Présentation de l'éditeur :
« Richard Burgin est un conteur né. Grâce à sa science du « détail qui fait mouche », à une narration solide et sans fioritures, sans gymnastique avant-gardiste mais avec une grande finesse, Burgin est le chef d’orchestre sobre et magistral d’un opéra mettant en scène des personnages déçus et abîmés par la vie, en quête désespérée de sentiments réels. Suggérant des abîmes de perversité, distillant une angoisse d’autant plus intense que subtile, il sonde les profondeurs de la psyché américaine et nous révèle l’ampleur du désastre. Des récits sertis dans une prose singulière et élégante, par l’un des meilleurs storytellers contemporains.»
(1) Angelo RINALDI, Service de presse, p. 522.

mercredi 14 septembre 2011

Le malentendu de la plaisanterie I

Milan KUNDERA, La Plaisanterie, in Oeuvre volume I, Préface et biographie de l'oeuvre par François RICARD, Bibliothèque de la Pléiade n° 567, Gallimard, Paris, 2011 (1479 pages).


La lecture de ce roman, lecture terminée il y a déjà quelques semaines, mais j'en différais le commentaire,en plus de mon incorrigible pente à la procrastination, j'avoue que quelques péripéties personnelles -- je vois le clin d’œil amusé de mes amis --  m'ont tenu loin de mes notes et de mon clavier. Un autre aveu : c'est le premier roman de KUNDERA je lis. Je l'aborde, comme on entre au musée, lui qui, avec cette édition « définitive » de la Pléiade, y est un peu, au musée.

Il me semble qu'on aborde pas une telle œuvre comme celle de n'importe quel autre contemporain : un peu comme si elle était déjà posthume. De plus KUNDERA a un côté grantécrivain, avec ses zélotes et ses détracteurs, son silence ostentatoire, et la façon même dont il présente son œuvre.

Pourtant, s'il est vrai qu'on lit un tel roman comme on voit un tableau au musée, on évite, avec le recul des années, les malentendus inhérents à la notoriété et au succès de critique et de vente. Car La Plaisanterie a fait longtemps l'objet d'un malentendu, comme on l'apprend, dans la Pléiade, au chapitre Biographie de l’œuvre, ainsi que dans le livre d'Alain FINKIELKRAUT.

Achevé en décembre 1965, le roman est publié en avril 1967 sans avoir eu de difficultés avec la censure, laquelle était, à l'époque, moins rigoureuse que pendant les années staliniennes. C'est aussitôt un grand succès public et critique-- le livre reçoit au printemps 1968 le Prix le l'union des écrivains tchécoslovaques. C'est à l'automne 1968 qu'il sera publié en France : « On peut le dire tout net : c'est son aventure française qui a décidé du destin de La plaisanterie, c'est la France qui l'a fait connaître dans le monde entier. »

C'est ainsi que, peu après l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie, le livre de KUNDERA faisait la conquête de la France, puis de l'Occident, accompagné, excusez du peu, d'une préface de Louis ARAGON « le porte-parole officiel de l'intelligentsia communiste en France » et d'une quatrième de couverture sans équivoque : « Roman idéologique par excellence. L'écriture et l'action n'y représentent que peu de choses par rapport à la leçon que l'auteur tire de ce récent passé. »

Le malentendu de La Plaisanterie, acte I -- à suivre.

Voir aussi :
Alain FINKIELKRAUT, Le sage ne rit qu'en tremblant - Lecture de La Plaisanterie de Milan Kundera in Un coeur intelligent, Folio Gallimard, Paris 2009.

samedi 10 septembre 2011

Actualité littéraire

Ce n'est pas sans une certaine inquiétude -- mais qui, de nos jours vit dans la quiétude ? que je nous vois aux bords de la commémoration hystérique : nous allons vivre « en temps réel » un  passé cent fois ressassé. Qu'aurons-nous appris, qu'aurons-nous gagné ? L'obsession sécuritaire : voyez le gouvernement royal du Canada; dans l'ensemble, les libertés civiques rognées et un état de guerre permanent de tous contre tous. Constatons que ce passé est bien utile aux entreprises médiatiques, alors que le printemps arabe semble se diriger vers une glaciation certaine et l'économie vers le chaos, le souvenir des attentats va nous engluer dans une irréalité sentimentale et, surtout, faire vendre... La religion, l'opium du peuple : vous y croyez encore ?

Printemps arabe qui donne raison -- certes les Syriens doivent trouver le temps un peu long -- à TALLEYRAND et à son « On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s'asseoir dessus » et à ORTEGA y GASSET et à son avis que le pouvoir dépend du soutien de l'opinion.

Telle est mon actualité littéraire : un aristocrate français qui a servi la Révolution, le Directoire, le Consulat, l'Empire, la Restauration et la monarchie de Juillet (que de majuscules éphémères...) en faisant l'éloge de la paresse et un intellectuel espagnol bien oublié de nos jours.

vendredi 9 septembre 2011

Citation

« Je crois à la rencontre dans ce qu’elle a de plus improbable. Contrairement à ce qu’écrit Proust, on tombe amoureux de quelqu’un quand on sait qu’il n’est pas notre genre. La rencontre n’est jamais aussi forte que quand elle est déliée du monde social, avec cette force animale de l’étrangeté absolue,irrémédiable, de l’autre. Elle nous offre la chance de la chance,du désir,du désastre. La chance de perdre, au bout du compte. Il ne faut pas la laisser passer. La femme de ma vie, ce sera celle que je n’aurais pas dû rencontrer. Celle que rien, en elle, en moi, n’appelait à devenir le centre et le sens de quelques années de vie. Celle qui restera ma vie quand la vie nous aura séparés. »

Michel SCHNEIDER, Comme un ombre, Grasset, Paris, 2011 (336 pages).

Belle citation, mais je ne partage pas l'avis de son auteur sur l'idée que Proust de fait de l'amour : c'est tout le contraire; on ne peut aimer que quelqu'un qui n'est pas notre genre. Plus, on ne peut aimer que quelqu'un qui suscite la jalousie en nous. Voir Essai sur la jalousie - L'enfer proustien.

mardi 6 septembre 2011

Ménage d'automne

Il convient, parfois, chers lecteurs, de se refaire une beauté, tel change de lunettes, tel la coupe de ses cheveux. J'ai donc décidé, par quelques clics, de simplifier la mise en page du blog.

Vies de Job III

Pierre ASSOULINE, Vies de Job, Gallimard, Paris, janvier 2011 (491 pages).

La bibliothèque réserve parfois des surprises. Ce Job-là a séjourné chez un fumeur; un grand fumeur. Il s'est bien imprégné de l'odeur de la cigarette, ouvert, j'ai l'impression de tenir un cendrier. Plusieurs coins sont cornés. Pour certains, nulle différence entre bien public et bien privé.

Ensuite, il faut y revenir, plusieurs semaines ont passé depuis que je l'ai rapporté avant d'en avoir terminé la lecture. Si j'avais publié un bref commentaire, je n'ai pas pris de note : la mémoire me fait défaut : est-ce que je vais reprendre au début ? Non, je reprendrai où je m'étais arrêté, cela reviendra bien; et en effet cela revient. C'est que, oui, j'y étais « entré » dans ce roman, même si trois cents pages plus tard, je ne comprenne toujours pas cette désignation pour ce qui me semble davantage un récit. Le récit de la biographie en train de se faire d'un personnage, d'un mythe. Je comprends toutefois l'usage du pluriel pour le mot vie, car si le Job de l'Ancien Testament a sans doute deux mille cinq cents ans, chacune des religions du livre, chaque époque depuis a eu son Job. Et la mort de dieu n'y a rien changé : Job est aussi présent aujourd'hui qu'à l'esprit de son auteur -- ou son biographe originel -- et pas seulement dans le langage : pauvre comme Job. Job est celui qui demeure face à dieu, celui qui demeure face à l'autre, mais peut-être encore plus celui qui demeure face à lui-même. Job, c'est moi, et la condition humaine.

Voici ce qu'en dit l'éditeur :

« Job est l'un des personnages les plus fascinants et énigmatiques de la Bible. Couché nu sur son tas de cendres, couvert de blessures, privé des siens et dépossédé de ses biens, il est le symbole de l'homme arbitrairement condamné qui affronte seul la justice divine.
» Depuis que le Livre de Job a été écrit, cette histoire a passionné et intrigué plus qu'aucune autre. Pourquoi ? C'est la question à laquelle Pierre Assouline a voulu répondre en partant sur les traces de Job, remontant près de vingt-cinq siècles jusqu'aux sources de ce texte dont l'auteur est inconnu, puis interrogeant les innombrables commentaires et représentations qu'il a suscités.
» De cet immense parcours, qui l'a conduit dans les bibliothèques et musées du monde entier, et l'a fait partir à la rencontre d'êtres ordinaires et extraordinaires, est né un livre à mi-chemin entre biographie et roman. Déchiffrant les multiples visages de Job, Pierre Assouline en révèle l'importance dans notre civilisation, et surtout la manière dont l'histoire de Job nous aide à vivre.

» Vies de Job se lit en creux comme le récit d'une quête intérieure. Celle d'un écrivain hanté par son personnage.»