Romeo CASTELLUCI, Sur le concept du visage du fils de Dieu, Festival TransAmériques, Montréal, juin 2012.
Le cinéma est passé du muet au parlant, un certain théâtre parcourerait-il le chemin inverse ? Que des images, en un mot (il en faut bien), dans cette « pièce ». On dit que celles-ci valent mille mots; ne nous y trompons pas, l'image n'équivaut pas à mille mots, elle requiert mille mots, car sans mots, une elle ne veut rien dire; ou plutôt, elle peut tout dire. Pour mémoire, je rappelle les fameuses photos truquées du « massacre » de Timisoara en Roumanie. Témoin, le récent essai de Régis Debray Jeunesse du Sacré.Ce que l'on a vu au théatre (le spectacle ?) : une reproduction grand format du Salvator Mundi d'Antonello de Messine (peint en 1475) -- qui le connaît aujourd'hui ? un grand appartement tout blanc; un homme lave un vieillard qui ne peut s'empêcher de déféquer (innovation technique, la chose est en odorama); des enfants, sac au dos, jettent des grenades sur la toile. Ce qu'on peut en retenir : rien. Je tiens que, sans les commentaires de l'auteur diffusés et repris, selon le psittacisme de rigueur, par les médias nul ne peu tirer le moindre sens de ces images : pas d'interprétation possible sans contexte. Une variation sur le thème obligé de la transgression, la resucée obligatoire du théâtre actuel. Transgression que de s'attaquer à une image du Christ ? Allons donc ! le christianisme est devenu une religion aussi molle que les montres de Dali et toute dérision la visant aussi attendue que les portes qui claquent dans le Boulevard. Mettez une image du Prophète, là est la transgression; mais ce serait, au vrai, porter atteinte à l'ordre public et offenser. Moquer le Christ ? rien à signaler. Quand un directeur proposera le Mahomet de Voltaire, fût-il du lointain XVIIIe, on parlera de transgression. En attendant, on nous donne du bon frisson bourgeois.
Je vous donne deux images : aujourd'hui, l'obligatoire ovation debout de la salle pâmée; hier, l'enthousiasme délirant des foules assistant aux Fêtes Dieu. On a la culture qu'on mérite.
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