Benoît Vincent, Le revenant (sur Pascal Quignard), éditions publie.net, sur support électronique.
Lectures accessoires à celle du récent roman de Quignard, Les solidarités mystérieuses; tout d'abord, Tous les matins du monde, roman qui date de vingt ans déjà et dont l'adaptation au cinéma, par Alain Corneau, a, nul doute, fortement contribué à faire connaître l'auteur; un essai, Le Revenant (sur Pascal Quignard), de Benoît Vincent qui m'aide, rétrospectivement, à mieux saisir un auteur dont, je l'avoue, l’œuvre n'est pas toujours facile d'accès.
Il arrive que notre mémoire s'égare -- affaire d'âge, selon la crainte des vieillissants, volens nolens, poupons de la guerre, pour lesquels sénescence est synonyme de sénilité, ou encore d'inconscient, si l'on regarde du côté de Freud --, la mienne, s'agissant de la lecture, n'y échappe pas. Accoutumé à prendre des notes sur un carnet ou une tablette informatique, j'ai perdu l'habitude de me fier à ma mémoire, laquelle devient paresseuse, chacun le sait bien, et me voici fort dépourvu si je n'ai pas l'un ou l'autre sous la main. Ainsi, j'ai perdu la trace d'une phrase qui me sembla fort belle, et susceptible d'être citée céans, en dépit de ma certitude de la retrouver autour de la page 120, du côté gauche. Rien n'y fit, lecture ni relecture. Envolée donc. Elle m'avait fait penser à la phrase extraite du roman dont elle est, pour partie, le titre, et que j'avais alors beaucoup aimée : « Tous les matins du monde ne se ressemblent pas. ». Erreur, car elle se lit comme il suit : « Tous les matins du monde sont sans retour. » Ce qui est d'une toute autre eau. Mes souvenirs n'offrant, somme toute, qu'une variante de la célèbre « After all, tomorrow is another day » de Scarlett O'Hara, au lieu que celle de Quignard, poignante, atteste qu'on ne peut revenir sur le passé et que « Chaque aube défait le contemporain » commente Benoît Vincent dans son essai.
L'informatique m'a, par ailleurs, permis de découvrir la première occurrence de cette belle phrase, le moteur de recherche de ma liseuse me révélant qu'elle est l'incipit du premier volume des Petits traités, ce dont je ne me souvenais pas, et que j'ai pu parcourir à nouveau avec autant de plaisir : pourrait-on parler de lecture gigogne ?
Quoiqu'il en soit, j'ai redécouvert M. de Sainte Colombe, et constaté combien lui et la Claire des Solidarités mystérieuses ont, s'agissant de l'amour, des vues communes. Et, par parenthèse, de retrouver la musique de celui-ci interprétée par Jordi Savall.
« Il poussa la porte qui donnait sur la balustrade et le jardin de derrière et il vit soudain l'ombre de sa femme morte qui se tenait à ses côtés. Ils marchèrent sur la pelouse.
Il se prit de nouveau à pleurer doucement. Ils allèrent jusqu'à la barque. L'ombre de Madame de Sainte Colombe monta dans la barque blanche tandis qu'il en retenait le bord et la maintenait près de la rive. Elle avait retroussé sa robe pour poser le pied sur le plancher humide de la barque. Il se redressa. Les larmes glissaient sur ses joues. Il murmura :
- Je ne sais comment dire : Douze ans ont passé mais les draps de notre lit ne sont pas encore froids.»
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