The Red Room, Stephen Conroy, 1964 |
Le parcours du lecteur de livres électroniques n'est pas, quoiqu'en pense le bon monsieur Bon, dont il sera sous peu question en ces pages, un long fleuve tranquille, pour reprendre la scie naguère populaire, et il faut une bonne dose de ténacité et la patience d'un copiste médiéval, sans compter quelques deniers dont l'aumône à quelque start-up, pour l'aider à acquérir son premier million, sinon milliard, n'était pas prévue par l'impétrant, avant qu'il puisse faire, de son doigt, faire glisser sur l'écran de sa liseuse les pages de l'objet de son désir littéraire.
Le Rinaldi nouveau est arrivé, certes, dans mon ordinateur, mais pour le faire ensuite passer à la tablette, puis à la liseuse, je vous fais grâce de mon après-midi passé en clics et FAQ pour constater que je n'ai remporté qu'une demi-victoire contre la Fée informatique, qui n'a rien de virtuelle, vous me prenez dans un bon jour, car j'aurais tout aussi bien pu écrire demi-défaite.
Sachez seulement que si la version que vous achetée est munie de DRM, vous aurez à passer par le même chemin que moi avant que celle-ci puisse s'ouvrir dans votre liseuse, et frôler au passage l'illégalité, ce que la morale vous interdira peut-être. Le parcours est moins hasardeux si vous savez vous contenter de le lire sur la tablette, mais, pour moi, le rétro-éclairage d'icelle ne me convient pas s'agissant d'une lecture au long cours, je préfère donc l'encre électronique de la liseuse.
Bien fait, m'objecterez-vous, je n'avais qu'à attendre l'arrivée, à Pâques ou à la Trinité, de la version papier en librairie, ou « un jour, un jour » à la bibliothèque.
Dont acte.
Le commentaire suivra, soyez patients.
Présentation (notez le ton légèrement emphatique) :
« Les souvenirs sont au comptoir continuent l’autopsie d’une société qui n’a plus de hauteur que celle de ses étages, de ses liasses, de ses talons ou de ses prétentions, se repaissant de son propre spectacle quand, en contrechamp de ce théâtre, de ses poncifs et de ses trompe-l’œil, la remémoration d’une enfance humble autour d’un bistrot-lupanar de province jette les éclats d’une nostalgie relevée d’humour et de tendresse. Conti, qui fut cet enfant, est le célibataire vieillissant qui, entre les jardins du Palais Royal, l’entrée du théâtre, la terrasse d’un café, embrasse d’un ample maelström mémoriel un tourbillon de scènes trouvant son axe autour d’une cérémonie d’anniversaire donnée naguère dans un restaurant chic du quartier pour les quarante ans de son ami anglomane et homosexuel. Le fameux dîner est comme ces scènes d’opéra où, en prévision du baisser de rideau et du salut qui l’accompagne, l’auteur a fait se rassembler acteurs principaux, seconds rôles et figurants. La férocité rinaldienne s’en donne à cœur joie pour camper des types imaginaires aux traits, pour certains, assez reconnaissables, mais avec, en contrepoint, cousins parigots des figurants de province, le petit peuple des grooms, larbins, gigolos et filles du trottoir, pigistes à la manque et poètes sans œuvre. Rinaldi reste un des rares à entretenir la flamme d’une littérature digne de ce nom, celle qui ne paraphrase pas le monde, mais le pare, avec des mots frottés comme des silex, d’un éclat qu’il n’avait pas ou que notre œil casanier ne voyait plus. Angelo Rinaldi, romancier et critique littéraire, est membre de l’Académie française. Il a reçu pour l’ensemble de son œuvre le prix Prince-Pierre-de-Monaco. Son dernier ouvrage, Résidence des étoiles, a été publié aux éditions Fayard en 2008.»
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