Angelo RINALDI, Versailles : suivez le guide, in Service de presse, Plon, Paris, 1999 (577 pages).
Il convient d'épousseter les recoins de la mémoire aussi bien que les tablettes des bibliothèques, on y fait, outre un nécessaire tri du superflu, des rencontres devenues inattendues, l'oubli comme la poussière masquant tout, comme celle que je fis, préparant dans l'excitation la suite de mon article sur le Saint-Simon de Michel Delacomptée, dans Service de presse, le recueil réunissant 192 des critiques littéraires d'Angelo Rinaldi, écrivain, ci-devant de l'Express donnant depuis 2001 dans l'immortalité quai Conti, Paris, France, laquelle vous transmute pour l'éternité son homme, et parfois sa femme, en fauteuil, lui le vingtième, quinzième successeur de Paul Hay du Chastelet, -- j'entends quelques esprits fins assimiler l'Académie à un garde-meuble. Rinaldi, mon idole ès critique, moi le mécréant, y commente, le 28 janvier 1983, la publication dans la Pléiade du premier volume des Mémoires (1691-1701) du petit duc, que vous commencez à connaître, et dont -- pardonnez-moi la digression, mais si vous me fréquentez, vous êtes désormais au fait de mes déambulations --, on annonce la publication d'un nouveau recueil de critiques, celles qu'il donna du temps qu'il était au Figaro, sous le titre Le roman sans peine, lequel j'ai été, à la bibliothèque, le tout premier à réserver.
Esprit d'escalier mémoriel, donc, qui me conduit successivement de la première marche du degré avec Delacomptée, à Mona Ozouf (2001-1988), à Angelo Rinaldi (1999-1983) et -- nous voici au jardin -- last but not least, au portrait de Louis XIV par le mémorialiste :
Esprit d'escalier mémoriel, donc, qui me conduit successivement de la première marche du degré avec Delacomptée, à Mona Ozouf (2001-1988), à Angelo Rinaldi (1999-1983) et -- nous voici au jardin -- last but not least, au portrait de Louis XIV par le mémorialiste :
« On peut dire qu'au milieu de tous les autres hommes, sa taille, son port, les grâces, la beauté, et la grande mine qui succéda à la beauté, jusqu'au son de sa voix et à l'adresse et à la grâce naturelle et majestueuse de toute sa personne, le faisaient distinguer jusqu'à sa mort comme le roi des abeilles, et que, s'il ne fût né que particulier, il aurait eu également le talent des fêtes, des plaisirs, de la galanterie, et de faire les plus grands désordres d'amour.
» Rien n'était pareil à lui aux revues, aux fêtes, et partout où un air de galanterie pouvait avoir lieu par la présence des dames. Toujours majestueux, quoique quelquefois avec de la gaieté, et jamais devant le monde rien de déplacé ni de hasardé, mais jusqu'au moindre geste, son marcher, son port, toute sa contenance, tout mesuré, tout décent, noble, grand majestueux, et toutefois très-naturel, à quoi l'habitude et l'avantage incomparable et unique de toute sa figure donnait une grande facilité.
» Aussi, dans les choses sérieuses, les audiences d'ambassadeurs, les cérémonies, jamais homme n'a tant imposé; et il fallait commencer par s'accoutumer à le voir, si en le haranguant on ne voulait s'exposer à demeurer court. Ses réponses en ces occasions étaient toujours courtes, justes, pleines, et très-rarement sans quelque chose d'obligeant, quelquefois même de flatteur, quand le discours le méritait. Le respect aussi qu'apportait sa présence, en quelque lieu qu'il fût, imposait un silence, et jusqu'à une sorte de frayeur.
» Il était toujours vêtu de couleur plus ou moins brune avec une légère broderie, jamais sur les tailles, quelquefois rien qu'un bouton d'or, quelquefois du velours noir. Toujours une veste de drap ou de satin rouge, ou bleue ou verte, fort brodée. Jamais de bague, et jamais de pierreries qu'à ses boucles de souliers, de jarretières, et de chapeau toujours bordé de pont d'Espagne avec un plumet blanc. Toujours le cordon bleu dessous, excepté des noces ou autres fêtes pareilles qu'il le portait par dessus, fort long avec pour huit ou dix millions de pierreries. »
Avant de refermer cette trilogie saint-simonienne, je tiens à préciser, on m'en a fait le commentaire, que Louis XIV n'était pas -- tout à fait -- le triste sire que le mémorialiste laisse croire qu'il était. Il faut prendre garde d'oublier que, comme l'écrit si bien Rinaldi, « chez lui, hier a l'éclat d'aujourd'hui, et, comme en chacun de nous, le souvenir reste vivant jusqu'à la douleur, dans la mémoire des deuils et des échecs qui ne se cicatrise jamais. » Car, osons l'anachronisme, il était un réactionnaire entêté d'un passé imaginaire -- pourrait-on risquer l'analogie avec les tea parties américains ? dont le rôle politique n'aura jamais été celui qu'il aurait souhaité, sauf peut-être sous la Régence. Alors que Louis XIV aura permis et favorisé l'émergence de la bourgeoisie politique et réduit la noblesse -- simplifions -- à la fonction de courtisan et, de ce fait, contribué à l'émergence de cette classe moyenne qui, trois quarts de siècles après sa mort, les Lumières aidant, revendiquera pour elle-même les attributs de la souveraineté.
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