samedi 4 mai 2013

Dans la maison

François OZON, Dans la maison, scénario de François OZON, France, 2012 (lien Facebook).




Je viens de retrouver, ce soir, l'émerveillement que, de plus en plus rarement, le cinéma peut provoquer. Ce que François Truffaut avait réussi pour le cinéma avec La nuit américaine et pour le théâtre avec Le dernier métro, François Ozon le fait pour la littérature avec Dans la maison. Avec en plus une histoire de mœurs bourgeoises à la Chabrol, perversion et tout.

Tout fait sens dans ce film, l'image et le texte (celui qui est parlé, comme celui qui est lu) s'appuient l'un sur l'autre comme cela ne se fait plus. Le spectateur passe, comme dans un jeu de poupées russes, de la scène que les personnages vivent « dans leur vie » à celle qu'ils jouent au gré de ce qu'écrit le jeune protégé -- il a un don -- du personnage principal, professeur de littérature, M. Germain (tenu par Fabrice Luchini). Il leur arrive aussi d'intervenir en tant qu'eux-même dans le récit fictif. Ça c'est du cinéma : du faux qui fait du vrai en jouant du faux qui imagine du vrai. C'est comme dans un livre : le spectateur veut savoir comment ça va finir : comme quoi, avec de la littérature et une toute petite histoire, on peut aussi créer du suspense (et pas que fabriquer des briques pour émoustiller le bourge à la E. L. James -- lequel produit poursuivra, comme il se doit, sa carrière de navet au cinéma).

Du vrai cinéma, où l'image dit quelque chose. Ainsi au premier plan, M. Germain est assis, dans le lycée Gustave-Flaubert, dos à une large baie vitrée ouverte sur un vaste espace vide -- rien; au dernier plan, il est assis dans un parc face à un ensemble domiciliaire fait d'une multitude de fenêtre donnant sur des intérieurs où des personnages s'agitent -- il peut y voir autant de réalités et imaginer autant d'histoires, de scenarii : on est du côté d'Alfred Hitchcock avec Rear Window. Que dire des miroirs placés au fond des pièces devant lesquels les personnages vivent/jouent ? Certes le professeur nous récite un peu de Lafontaine, à la Luchini, comme il se doit, mais il sera assommé par un gros livre : le Voyage au bout de la nuit, lui qui a passé l'été à lire du Schopenhauer !

En plus, un coup de griffe coquin à l'art actuel.

Luchini tout en subtilité, enfin « dirigé »; Kristin Scott Thomas et Emmanuelle Seigner à la « peau douce » filmées comme par Truffaut, encore.

J'ai rédigé ce texte dans la hâte sitôt la projection terminée... Les repentirs viendront plus tard, en apostilles, mais l'enthousiasme pour le film ne faiblira pas (je n'ai pu m'empêcher de revoir aussitôt quelques scènes...) : on ne tombe pas en désamour d'une telle œuvre.

Maintenant, sortez, allez au cinéma... je vais, pour moi, poursuivre en rêve.


Synopsis

« Claude Garcia, un jeune lycéen passionné par l'écriture, remet à son professeur, M. Germain, le récit de sa visite dans la maison de son ami Rafa, auprès de la famille de ce dernier. De plus en plus indiscrets, les récits sont bientôt suivis par d'autres, alors que Claude se rapproche de plus en plus de la mère de son ami, Esther. Devant cette démonstration de talent littéraire, mais aussi devant le malaise causé par cette intrusion presque indécente, M. Germain donne des conseils au jeune auteur, et se découvre même une passion pour ses récits. Une passion que partage d'ailleurs sa femme, une galeriste en préparation d'une importante exposition. »

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