dimanche 20 avril 2008

En cours


Chantal THOMAS, Cafés de la mémoire, Seuil, Paris, 2008 (346 pages)

Présentation de l'éditeur :

Avec légèreté et mélancolie, ironie et émotion, Chantal Thomas met en scène sa jeunesse, ses études, ses errances. C'est à Nice, par une nuit de Carnaval, qu'elle commence son récit. Quelques huîtres, un verre de vin. L’œil aux aguets pour observer ses voisins. Et tous les cafés de la mémoire resurgissent, cafés-vitrines, cafés secrets, café des spectres et café des artistes… Entre le temps de l'enfance à Arcachon, Bordeaux, puis Paris, se raconte l’histoire d’une jeune fille qui, exaltée par l’exemple de Simone de Beauvoir, veut devenir philosophe, s’inventer une vie nouvelle. Mais, très vite, c’est dans le grand livre du monde qu’elle va faire son apprentissage. Alors elle accorde aux rencontres de hasard et aux ivresses qu’elles lui procurent l’entière confiance qu’elle accordait au savoir. Cette autobiographie librement menée se situe entre 1945 et 1969, entre la libération de la France et la démission du général de Gaulle, c’est dire qu’elle est aussi le tableau d’une génération, le récit du triomphe de la jeunesse, de son éclat d’insouciance et de fête.

La Culture du narcissisme – La vie américaine à un âge de déclin des espérances


Christopher LASCH, La Culture du narcissisme – La vie américaine à un âge de déclin des espérances, Champs Flammarion, Paris, 2006 (édition originale 1979), 332 pages.
Dans la foulée du livre L'empire du moindre de mal, de Jean-Claude MICHÉA (voir billets ci-dessous), j'ai décidé de me plonger dans le livre de Christopher LASCH, un de ceux sur lequel MICHÉA s'appuie. Ce n'est pas une lecture simple, mais, diantre, s'il y a le gym pour le tonus musculaire, quoi de mieux qu'une bonne lecture stimulante pour les synapses ?

Ce que je trouve tout simplement extraordinaire est que, à quelques passages près, cet essai n'a pas pris une ride : il a été publié en 1979 ! Tout y est, capitalisme, famille, individu. Ont essayé de le tirer de leur côté, tant la droite « c'était bien mieux dans les années 50, cheveux courts et respect de l'autorité », que la gauche « c'était bien mieux dans les années 60, flower power et peace & love ».

Oui, Narcisse se porte bien, et il nous tend un miroir.

Présentation de l'éditeur :
En se proposant de décrire « l'homme psychologique de notre temps » - avec sa peur de vieillir et son immaturité si caractéristique -, cet essai ne donne pas seulement à comprendre les tourments et les contradictions de la vie quotidienne, mais aussi - et surtout - les conditions politiques et culturelles qui en commandent le sens. A savoir, la montée en puissance - et en visibilité médiatique - de ces nouvelles catégories sociales, qui sont liées à la modernisation du capitalisme et dont la fausse conscience libérale-libertaire a fini par devenir l'esprit du temps.

Cet ouvrage de Lasch jette une lumière décisive sur le paradoxe politique le plus étonnant de ces trente dernières années : l'extension à toutes les sphères de la société - à commencer par les médias - d'un esprit de contestation permanente des « valeurs bourgeoises » dont chaque brillante intuition se révèle invariablement n'avoir été que la simple bande-annonce des figures suivantes de l'esprit capitaliste.
Table des matières :
  • L'INVASION DE LA SOCIETÉ PAR LE MOI
  • LA PERSONNALITÉ NARCISSIQUE DE NOTRE TEMPS
  • LA RÉUSSITE SOCIALE, HIER ET AUJOURD'HUI DU TRAVAIL À LA SÉDUCTION
  • LA BANALITÉ DE LA PSEUDO-CONNAISSANCE DE SOI : LE THÉATRALISME DE LA POLITIQUE ET DE L'EXISTENCE QUOTIDIENNE
  • DÉCLIN DE L'ESPRIT SPORTIF
  • DÉCADENCE DU SYSTEME ÉDUCATIF
  • L'ENFANT ET LE TRAVAILLEUR : DE L'AUTORITÉ TRADITIONNELLE AU CONTROLE THÉRAPEUTIQUE
  • LA FUITE DEVANT LES SENTIMENTS : SOCIOPSYCHOLOGIE DE LA GUERRE DES SEXES
  • L'AVENIR CONDAMNÉ : LA PEUR DE VIEILLIR
  • UN PATERNALISME SANS PÈRE
Christopher Lasch - Wikipédia
La Culture du narcissisme – La vie américaine à un âge de déclin des espérances

vendredi 18 avril 2008

L'empire du moindre mal - Suite

La recension du livre de Jean-Claude Michéa dans la Revue du MAUSS (mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales) explique bien mieux que je ne suis arrivé à le faire. Ceux que son analyse intéressent trouveront, en outre, sur le site du MAUSS une entrevue-dialogue avec Michéa.

Bonne lecture !

L’empire du moindre mal - Revue du Mauss permanente

lundi 14 avril 2008

Pierre SENGES


J'attends avec impatience le nouveau SENGES, Fragments de Lichtenberg Verticales Gallimard. En attendant qu'il franchisse l'Atlantique, vous pouvez rencontrer l'auteur dans le Matricule des anges, dont voici la couverture.

lundi 7 avril 2008

L'empire du moindre mal

Jean-Claude MICHÉA, L'empire du moindre mal --Essai sur la civilisation libérale, Climats Flammarion, Paris, 2007 (211 pages).

Voici un livre qui, je le crains, ne sera que peu lu. Les citoyens, s'il en reste, n'ont plus d'yeux que pour le spectacle, qu'il soit télévisuel ou de soi, et la presse, pour l'essentiel, n'est plus que le bras séculier de l'empire marchand. Nous vivons dans ce monde que Tocqueville a prévu, il est là. Michéa, avec un recul très intelligent, le décortique, l'analyse et pense à demain. Le libéralisme : un itinéraire.

Qui suis-je pour parler de ce livre ? Personne, un vague quiconque, un chacun anonyme, comme beaucoup d'entre nous qui fréquentent Internet; mais qui est inquiet du monde et de ne pas comprendre le discours, omniprésent, du tout-à-l'économie. Et ne se résout pas à n'être qu'un individu et non plus un citoyen. Mondialisation, globalisation, notre religion est, nous dit-on et redit-on partout, faite. Voire !

Or ce livre-ci permet de comprendre (il y en a d'autres, certes, mais ne divaguons pas). Et de prendre position.

Pas seulement utile, mais essentiel.

Il est usuel de faire remonter le libéralisme aux Lumières, mais Michéa, lui, en place l'origine aux guerres de religion qui ont déchiré l'Europe aux XVIe et XVIIe siècles : il a bien fallu trouver un moyen de mette fin à ces guerres « civiles » de tous contre tous, où chacun ayant Dieu dans son camp, il fallait purger le monde de l'autre, incarnation du mal. Des « politiques » -- ainsi nommait-on ces premiers pragmatiques -- ont donc imaginé de séparer politique et économie de la morale de façon à « privatiser » la religion. L'État n'aurait donc plus qu'à faciliter les échanges, et à canaliser les intérêts de chacuns. Bref, à défaut de convertir chacun à la vraie et unique religion, le moindre mal était de faire des affaires... Le Marché et le Droit règleront tout.

Depuis, le libéralisme a si bien fait qu'il est devenu comme un religion, et s'impose désormais à chacun, gauche et droite confondues. Il en serait même arrivé à un point, selon l'auteur, où il pourrait succomber à sa propre logique, instaurant à nouveau une guerre de tous contre tous, mais aussi la guerre de chacun contre soi. Le paroxisme de l'individualisme étant atteint-- chacun est égal à l'autre, chacun se vaut -- comment désormais pacifier les rapports entre les individus ? C'est ce qu'explique l'auteur, explication qui devrait en surprendre plusieurs et leur dessiller les yeux sur le monde, politique et économique confondus.

Le style de Michéa est simple et direct, ses arguments sont présentés avec clarté, les points nécessitants de plus ample développements, ou plus techniques, étant placés à la fin des chapitres.

Je le redis, une lecture non seulement utile, mais nécessaire.

Dans la foulée, je recommande aussi :

Christopher LASH, La culture du narcissisme et Le seul et vrai paradis, Champs Flammarion.

Olivier REY, Une folle solitude : le fantasme de l'homme auto-construit, Seuil

dimanche 6 avril 2008

Le boulevard périphérique

Henry BAUCHAU, Le boulevard périphérique, Actes Sud, Arles, 2008 (255 pages).

Le boulevard périphérique, c'est la basse continue de ce roman. Le périphérique, c'est ce qu'il y a autour de la ville, traversant les quartiers éloignés du centre de la ville, de part et d'autre de ses limites. Le plus court chemin entre deux points étant un cercle, car en automobile point de vol d'oiseau. Le plus court chemin en principe, car pour ce qui est du temps, l'anneau périphérique ne réserve qu'embarras, bouchons et lenteur. On peut aussi voyager à la périphérie d'une vie, de souvenirs : le roman devient alors le périphérique de la littérature. En attendant, il perment au narrateur de se rendre à l'hôpital.

Il s'y rend aussi en bus et en métro et, si le trajet n'est pas moins long, il laisse le narrateur libre de penser et de revenir plusieurs années en arrière. Le temps de lire aussi; que lit-il, lui le psychanalyste, en attendant l'autobus pour aller visiter l'épouse de son fils, mourante du cancer ? Histoire de la mort en Occident de Philippe Ariès : Les vivants étaient aussi familiers avec les morts que familiarisés avec leur mort. Ce roman est celui d'une familiarité avec la mort, où le narrateur est familier avec un mort : Sébastien. Le passé, lui, n'est pas mort, à la fois exaltant et douloureux, celui du temps de la guerre, et de la rencontre avec Sébastien.

Un autre personnage hante le roman, Shadow, celui qui, russe blanc au service des Nazis, sera le bourreau de Sébastien. Deux manières d'être, l'un ancré dans la terre, l'autre, alpiniste, tout à la verticale.

Pour le narrateur, l'ombre et la lumière. Une lumière qui l'a ébloui, dans sa nudité, et l'a touché au plus profond de son être. La mort est passé par là, autrefois, elle rôde encore, et se manifestera encore. Le périphérique, lui, nous rapproche, lentement, de ce qui n'a pas été dit, de ce qui est demeuré inconscient. Ce qui n'a pas été dit sera écrit, lentement. Longtemps après.

Que se serait-il passé si... ? Ce qui est fait est fait, pour le narrateur, une vie vécue en survivant avec le seul souvenir. Puis l'écriture, découlant du besoin d'écrire, sera le périphérique qui mènera le narrateur à sa vérité. La découvrir avec lui nous permettra de l'accompagner sur son chemin d'ombre et de lumière.

C'est un chemin qu'il est beau de faire.

Un enfant de l'amour


Doris LESSING, Un enfant de l'amour, traduit de l'anglais par Isabelle D. Philiippe, Flammarion, Paris, 2007 (187 pages).

Bref roman, et bien ficelé,même si la ficelle est un peu trop apparente, et dont la lecture a sans doute souffert de celle, trop récente, de Les grand-mères (voir la note de lecture). Les parallèles entre les deux nuisent peut-être à une lecture trop rapprochée. Certes, les dialogues sont vifs, on perçoit les difficiles rapports entre les classes sociales. Les hommes ne sont pas grand chose. Et pour qu'ils existent, encore faut-il qu'ils soient jeunes. Mariés et pères, ils deviennent caricatures, une tache sur le papier. Les femmes sont, comme dans l'autre roman, en paire d'amies. Jeunes, riches et belles. Oisives évidemmetnt.

Ici le héros, homme sans qualités s'engage dans l'armée au début de la Dernière Guerre. Après l'entraînement c'est le départ, non pas pour le front, mais pour une destination tenue secrète, qui se révèlera être, après une longue et pénible traversée, les Indes, où l'Empire vit ses derniers jours. À l'étape du Cap, une passion avec une de ces femmes, Daphné, peut-on dire une histoire d'amour, tant elle est brève et épidermique, d'où naîtra l'enfant de l'amour éponyme. Mais le héros ne l'apprendra que bien plus tard, une fois rendu aux Indes. Sa vie pourtant en sera changée, mais rien de changera, pourtant. La guerre finira, il reviendra en Angleterre. Il ne se sera pas battu, ayant tenu un poste subalterne dans « l'intendance ». Un emploi, un mariage. Un enfant. Le temps passera. Une photo de l'enfant de l'amour. Du temps. Le roman se termine.

Et l'amour dans tout cela ? Voilà qui laisse de marbre.

mardi 1 avril 2008

Le boulevard périphérique


Henry BAUCHAU, Le boulevard périphérique, Actes Sud, Arles, 2008 (255 pages).
« Quand je la vois, je me sens submergé. Submergé par l'admiration, par le désir, par le plaisir, par la tendresse, parfois par une étrange désespérance. À ces moments-là je sais que je ne la vois plus comme elle est. Je suis dans la vague, je ne la vis plus comme une personne, mais comme une légende parmi les saisons, les odeurs, les parfums, dans l'intense précarité de la jeunesse, du plaisir, du désir qui cherchent de plus grands qu'eux. »
Nonagénaire, Henry Bauchau est romancier, poète et dramaturge depuis une cinquantaine d'années : et je ne le découvre qu'aujourd'hui. Il était temps, car la lecture de son dernier roman -- j'en suis au tiers -- m'enchante. Illustration de la nécessité de la critique et, je l'avoue, de la réclame; c'est en effet une annonce dans Le Monde qui m'a attiré, puis la critique quelques semaines plus tard. Chose étrange, c'est le seul titre de lui disponible à la bibliothèque d'Ottawa.

J'y reviendrai.