vendredi 28 novembre 2008

Foucault - Sa pensée, sa personne


Paul VEYNE, Foucault -- Sa pensée, sa personne, Albin Michel - Bibliothèque Idées, Paris, 2008 (220 pages)

Je m'étais, naguère -- avant longtemps, je devrai écrire « jadis » -- lancé dans l'ascension de l'Histoire de la sexualité de Foucault. Puis lu la biographie que Didier Éribon a consacrée à celui-ci. Le passage à l'émission de France Culture Les nouveaux chemins de la connaissance, de l'historien Paul Veyne, ami de Foucault, et auteur de ce petit « Foucault pour les nuls », si on me permet cette audace, m'a donné le goût, par sa verve et son intelligence, d'y revenir. Ce n'est pas simple, mais ce n'est pas compliqué, bref, cela vaut la peine de s'y attarder.

Par exemple, aujourd'hui dans le train pour Ottawa.Italique

Lire Vialatte

Commentaire de Jérôme Garcin, du Nouvel Observateur, sur un recueil de chroniques du Grand Alexandre.

Et c'est ainsi que Vialatte est grand - La tendance de Jérôme Garcin

mardi 25 novembre 2008

Best Love Rosie


Nuala O'FAOLAIN, Best Love Rosie, traduit de l'anglais (Irlande) par Judith ROZE, Sabine Wespiser Éditeur, Paris, 2008 (531 pages).

A yant terminé la lecture de ce gros roman samedi, j'ai décidé de le laisser reposer un peu dans ma mémoire avant de rédiger mon commentaire. C'est que je n'ai pas été séduit, mais conquis à la longue. En général, je n'aime pas les romans qui comportent beaucoup de dialogues, je préfère la narration et, le plus souvent, le discours indirect. Mais, en l'instance, j'ai fini par passer outre.

Sans doute parce que le sujet a retenu mon intérêt.

Quelques mots tout d'abord de l'intrigue de cet ultime roman de Nuala O'Faolain, décédée à la suite d'un cancer en mai 2008.

Rosie, quinquagénaire tourmentée, revient en Irlande s'occuper de Min, la tante qui l'a élevée, laquelle semble vieillir prématurément dans l'abus d'alcool et la dépression. La cohabitation n'est pas facile, tant elles sont différentes : ce qu'on appelle souvent le choc des générations. Pour tromper sa frustration, Rosie décide d'écrire un manuel à l'intention des séniors, sur le modèle des nombreux How to qui fleurissent aux étals des libraires. Ce qui l'amènera aux États-Unis, où elle rencontrera une ancienne flamme qui travaille dans l'édition. Et ô surprise, Min débarque et, re-surprise, décide de s'installer aux États-Unis. Rosie, quant à elle, retourne en Irlande, avec une vague promesse de contrat d'édition. Le lecteur suivra dès lors le cheminement de l'une et de l'autre, la plus jeune remontant dans le passé de ses origines, l'ainée se lançant dans l'aventure.

Je suis rentrée à la fin de l’été et, pendant deux ou trois mois, je n’ai quasiment pas bougé de ma chaise devant la vieille table de la cuisine. Comme si j’avais pénétré dans une de ces forêts qui, dans les contes de fées, entourent le château où dort la princesse − des lieux où ne bouge aucune feuille et où ne chante aucun oiseau. Je pensais confusément : Tu as ce que tu voulais − et maintenant ? Je me sentais coupée de ma propre expérience, comme si la plupart des choses que j’avais apprises en trente ans de vie, d’amour et de travail autour du globe n’avaient aucune pertinence dans le lieu où j’avais abouti.

En dépit des nombreux dialogues, et d'une grande quantité de courriels, je me suis attaché à la psychologie de Rosie : qu'est-ce que vieillir ? Le corps, et son image, préoccupe Rosie, qui semble obsédée par la séduction et le sexe, mais aussi par l'amour : soi et l'autre. Et aussi par l'héritage qu'elle laissera. Son cheminement s'effectue au fur et à mesure qu'elle restaure une vieille maison qui, autrefois, à appartenu à son père, et dont Min a hérité, mais que Rosie n'a pas connue. Elle vit alors une sorte de retour d'adolescence, une nouvelle période d'apprentissage, comme si la vieillesse qui s'annonce constituait une « autre » vie. C'est ce qui, à mon avis, constitue la réussite du roman : serait-ce parce que j'ai le même âge qu'elle ? Au bout du compte, le voyage intérieur nous amène souvent bien plus loin que le voyage d'un lieu à un autre : ne sommes-nous pas terra incognita de nous-mêmes ?

« La cinquantaine, c’est l’adolescence qui revient de l’autre côté de la vie adulte. »

mercredi 19 novembre 2008

À toute alllure


Marie-Dominique LELIÈVRE, Sagan à toute allure, Denoël, Paris, 2008 (348 pages).

J'ai délaissé Nuala O'Faolain pour quelques heures ayant reçu de la bibliothèque cette espèce de biographie de Françoise Sagan qui se lit, en effet, à toute allure et qui, je crois, aurait servi à Diane Kurys, la réalisatrice du film Sagan récemment, et fort brièvement, sorti dans nos salles de cinéma. Que j'avais vu, ce n'est pas du grand cinéma, ni même, sans doute de la grande télé -- en existe-t-il seulement, il n'y a qu'à voir les académies successives ? mais c'est un autre débat.

J'ai toujours été du côté de Sagan, lecteur fidèle depuis les années soixante, et comme chacun le bruit de la rumeur saganesque me parvenait, entrevues, accidents, argent, drogue : bref, une vraie pipol, le bling-bling en moins. Ça c'était l'image. Mais j'aimais beaucoup la Sagan des Apostrophes et autres Bouillons de culture, y compris son ultime entrevue, donnée à Guillaume Durand. Sa fin m'a beaucoup chagriné, mais je garde précieussement ses livres -- fort difficiles à trouver dans le commerce au demeurant -- que je relis à l'occasion, et la sortie de ce film en fut une.

Je ne suis pas très « bio », mais j'aurai voulu en savoir quand même un peu plus, et, de fait, j'en sais un peu plus. Pas beaucoup, mais assez. Il faudra laisser à l'Histoire et à la Littérature le temps de le digérer, ce charmant petit monstre. Pour moi, je sors de ce livre avec une tristesse certaine. Au moins, elle a vécu, Sagan.

Si vous avez aimé ses livres, pourquoi pas ?

Citation

« Les esprits faibles sont aux esprits forts ce que les huitres sont aux tigres : elles ne sont pas féroces mais tuent beaucoup plus de monde. »

Philippe MEYER, L'esprit public, France Culture, le 16 novembre 2008.

Avait-il à l'esprit telle campagne électorale en Nouvelle-France ?

samedi 15 novembre 2008

En cours


Nuala O'FAOLAIN, Best Love Rosie, traduit de l'anglais (Irlande) par Judith ROZE, Sabine Wespiser Éditeur, Paris, 2008 (531 pages).

Présentation de l'éditeur :

BEST LOVE ROSIE. Dans ce roman lumineux, Nuala O'Faolain met en scène une femme généreuse, tourmentée et attachante, qui fait siennes toutes les interrogations de l'écrivain. Best love Rosie est un grand livre sur l'âge, la solitude, l'exil, le sentiment maternel et les chimères de l'amour.

Après avoir vécu et travaillé dans le monde entier, Rosie décide de rentrer à Dublin pour s'occuper de Min, la vieille tante qui l'a élevée. Rien n'a changé dans le quartier populaire où elle a grandi, et la cohabitation avec Min, dépressive et alcoolique, n'a rien d'exaltant. En feuilletant pour sa tante des ouvrages de développement personnel, l'idée vient à Rosie de s'occuper utilement en rédigeant un manuel pour les plus de cinquante ans. Sa seule relation dans l'édition vivant aux États-Unis, elle se frottera, non sans heurts, au marché américain...

Le roman s'emballe quand Rosie voit débarquer à New York la tante Min, qu'elle avait laissée, le temps d'un aller-retour, dans une maison de repos. La vieille dame est galva­nisée par sa découverte de l'Amérique : elle se fait des amies, trouve un travail, et pour rien au monde ne voudrait renouer avec son ancienne vie. Encore moins pour reprendre possession de la maison de son enfance, que l'armée veut lui restituer. Rosie, elle, tombe amoureuse de ce lieu magique de la côte irlandaise, et va, dans une osmose avec la nature enchanteresse et les animaux qu'elle adopte, s'y laisser pousser des racines.

La lucidité de Nuala O'Faolain, sa tendresse pour ses personnages, font merveille une fois de plus dans ce livre, où l'on suit avec jubilation souvent, le coeur serré parfois, les tribulations de ces deux femmes que lie toute la complexité d'un amour maternel qui ne dit pas son nom.

Née en Irlande en 1940, Nuala O'Faolain, auteur de cinq livres tous publiés chez Sabine Wespieser éditeur - parmi lesquels L'Histoire de Chicago May (Prix Femina étranger 2006) -, est morte à Dublin le 9 mai 2008.

Hiatus


Je ne lis pas moins, ô lecteur, mais de nombreux trajets entre Montréal et Gatineau m'empêchent de mettre par écrit les commentaires que j'aime à partager avec toi.

Je me suis permis une petite distraction amusante, la savoureuse Chronique du règne de Nicolas 1er de Patrick RAMBAUD. Bref narré des premiers mois au pouvoir de l'actuel Empereur de France, ce pastiche des Mémoires de SAINT-SIMON constitue un portrait plein d'esprit de la cour impériale et des courtisans qui s'agitent autour du Prince. Il nécessite toutefois une certaine connaissance de l'actualité politique de la France pour s'y retrouver, sinon un recours à Wikipedia sera utile. Pour mémoire, je rappelle le très savoureux pastiche de Marguerite DURAS, Mururoa mon amour, que RAMBAUD avait signé sous le pseudonyme de Marguerite DURAILLE en 1996...

Mot de l'éditeur :

« Même parvenu, Notre Précieux Souverain ne trouva point la paix en lui-même, tant il restait secoué en continu par des nervosités. Qui l’a vu fixe et arrêté ? Il ne bougeait que par ressorts. Si vous le retardiez dans sa course, vous démontiez la machine. Il marchait des épaules avec une façon personnelle de se dévisser le cou, remuant par courtes saccades comme s’il était engoncé dans un costume que lui taillait pourtant à sa mesure un artiste italien de renom. (…) Quand il parlait en public, plusieurs fois dans une même journée, il se rengorgeait ainsi qu’un pigeon et se livrait à de curieuses contorsions pour animer ses dires… » P.R.

Amusé, atterré, ébloui, agacé par la passion, l’amour et l’attention que suscite notre nouveau président – notre nouvel empereur, devrait-on dire –, Patrick Rambaud s’est lancé dans une chronique un peu particulière : conter, au jour le jour, l’éclosion de ce nouveau monarque, se fondant sur des faits vrais, mais dans l’esprit, avec la drôlerie et la cruauté de Saint-Simon… Dans cette chronique irrévérencieuse, on croise ainsi un souverain trépidant, une impératrice pincée qui règne sur son empereur, un dauphin de dix ans, des ministres empoudrés et fébriles, un duc de Bordeaux tragique, des barons à genoux… Rien n’échappe à la plume de notre chroniqueur, ni le short, ni le renouveau de la lampe Empire, ni les flagorneries des princes, ni les courbettes des petits marquis… ni, enfin, la folie amoureuse d’autres chroniqueurs et portraitistes un peu moins agacés.

Patrick RAMBAUD, Chronique du règne de Nicolas 1er, Grasset, Paris, 2008 (180 pages), maintenant disponible en format de poche.

vendredi 7 novembre 2008

L'excuse


Julie WOKLENSTEIN, L'Excuse, P.O.L., Paris, 2008 (345 pages).

Comme je j'écrivais dans un récent message, j'aimais bien ce roman; les cent premières pages environ; ensuite j'ai eu un long passage à vide pendant lequel je passais de l'agacement à l'exaspération, une autre grosse centaine de pages; puis, l'intrigue reprenant un peu de vigueur, j'ai filé allègrement jusqu'à la conclusion. La boucle est bouclée.

D'entrée de jeu, j'ai été séduit par l'idée qu'un personnage de roman, Nick, croie qu'un épisode de sa vie, ses rapports avec sa « cousine », Lise Beaufort, suit la trame d'un autre roman, Portrait de femme, d'Henry James, dont personnage principal, Isabel Archer, annonce, comme une prophétie, la vie de celle-ci.

L'histoire se passe de nombreuses années après la mort de Nick, quand Lise revient à Nantuket, après avoir hérité la propriété où ils se sont, jadis, rencontrés. Suit un jeu de piste, une sorte de chasse au trésor. Roman dans le roman, roman sur le roman, fiction et réalité. Tout va bien. C'est un très bon exemple de roman à tiroirs, les deux personnages s'affrontant au delà de la mort sur la fiction et la réalité. Encore qu'on pourrait bien dire que tout cela est très -- trop -- travaillé : l'auteur enseigne la littérature comparée et est une spécialiste d'Henry James...

Et pourquoi cette écriture « genre cool » toute dégingandée ? Cela fait très « parlé », mais vite on s'agace de ces phrases cousues d'inversions, aux relatives en suspens et à la grammaire approximative.

Pendant le passage à vide, je pensais, songeant au commentaire que je ferais, que je vous conseillerais d'ignorer le roman de Wolkenstein au profit de celui de James. Je n'irai pas, le livre lu, si loin : à cette réserve sur le style près, ce roman est étourdissant.

P.S. L'auteur utilise souvent le terme « persoc », emprunté à la science-fiction, pour désigner un téléphone portable. Devrait-t-on suivre son exemple ?

jeudi 6 novembre 2008

Citation

« Vous aussi, vous allez mourir, et ça ne me console pas. Votre mort n’est pas la mienne ; tout le monde y passe et personne à ma place. Vous allez mourir. Il a suffi d’un rien et vous voilà nez à néant. Si nous étions immortels, Dieu n’y survivrait pas. »

Raphaël ENTHOVEN, Les nouveaux chemins de la connaissance, France Culture