jeudi 30 décembre 2010

Programme double II : Soigner

Patrick AUTRÉAUX, Soigner, L'un et l'autre - Gallimard, Paris, septembre 2010 (94 pages).

« Soigner, c'est-à-dire soigner jusqu’au bout, c’est traverser un champ dont on ne connaît ni l’état du sol, ni la nature des herbes. C’est accepter les fleurs d’orties, la gadoue putride, les entorses et aussi les odeurs fraîches, l’ombre piquetée de soleil d’un arbre solitaire. C’est fatigant et dur. On se fait mal au dos, on en a marre, on voudrait que ça se termine vite, on se le reproche, on essaie de sourire et de ne pas se presser, et on pleure en cachette après l’avoir entendu appeler ce nom d’enfant que lui seul utilisait. »

Je vais refermer l'année 2010 sur l'autre livre de la collection L'un et l'autre que j'ai lu il y a maintenant quelques semaines. Ne craignez rien, lecteur, il n'y aura pas de bilan, ni de best of. Peut-être quelques résolutions, dont mieux lire, j'entends aller vers des livres essentiels, me tenir à l'écart de l'agitation provoquée par la réclame, laquelle, justement, réclame toujours beaucoup de temps. Toutes ces Pléiades acquises au fil des années « pour la retraite ». J'y suis. Écrire ? vaste projet, tant écrivent déjà.

Revenons à Soigner. Il s'agit d'un récit plus personnel, plus intime aussi, que ceux que l'on trouve dans la collection; au point que l'on peut -- certains critiques l'ont fait -- se demander qui est « l'autre » ici. Le grand-père ?  Assurément. Mais, pour moi, l'autre serait la maladie, celle qui change tout, celle qui marque un avant et un après, celle qui nous fait autre à nous même.

Pendant que je lisais ces quelques pages, fort touchantes, mais sans pathétique, une amie se voyait confrontée au plus près à la maladie de sa mère. Atteinte de la maladie d'Alzheimer, elle se voyait révéler un cancer, déjà fort avancé. Que faire : infliger d'autres soins pénibles à cette vieille dame, au prix de quelle douleur, et à quelle fin ? Le temps a décidé, en quelque sorte, pour l'une et l'autre. La mort est venue. Et maintenant mon amie se retrouve bien seule, qui prenait jour après jour soin de sa mère, dont la vie était réglée sur celle-ci : qui en somme, était devenue la mère de sa mère. Mais sans espoir. Voilà, mon amie a perdu son « autre ». Il lui reste bien des questions, et nul n'a la moindre réponse pour l'éclairer. Sans doute le temps deviendra-t-il cet autre, oubli et mémoire opéreront la métamorphose qui, à défaut de réponse lui donneront un peu de paix. Souhaitons-le.

Comment soigner ?

mardi 28 décembre 2010

Programme double I : connaissez-vous PIGAULT-LEBRUN ?

Stéphane AUDEGUY, L'enfant du carnaval, Gallimard : L'un et l'autre, Paris, octobre 2009 (135 pages).

Voici l'un des deux livres, toujours dans la belle collection L'un et l'autre, qui m'ont conduit jusqu'à la veille de Noël,  période de l'année qui, à première vue, propice à la lecture, mais en réalité remplie d'une frénésie, marchande pour l'essentiel, qui absorbe temps et énergie.
* * * 
L'enfant du carnaval raconte l'histoire, je n'ose écrire biographie, d'un fantôme : PIGAUT-LEBRUN (prénoms : Charles Antoine Guillaume) qui vécut de 1753 à 1835 et qui fut un temps célèbre comme dramaturge, romancier et essayiste. Un temps, car sa place se trouve reléguée aux banquettes arrières de la postérité littéraire, lui qu'admiraient FLAUBERT et quelques autres écrivains de conséquence du XIXe, comme en font foi les quelques lignes que lui consacrent -- encore -- les dictionnaires. Et sa disparition des librairies. Stéphane AUDEGUY qui, avec Fils unique, nous avait donné une vie de l'autre ROUSSEAU, François, autre beau fantôme historique. Le titre est celui d'un des romans les plus populaires de PIGAULT-LEBRUN, un des rares qu'on puisse encore trouver.
 
Il se dégage de ce livre une douce mélancolie : « la  disparition d'un auteur, avec armes et bagages, a de quoi laisser rêveur; la rêverie n'étant pas, on le sait, le plus mauvais moyen de se promener dans les jardins du XVIIIe siècle; et singulièrement dans ses allées les moins fréquentées. » Il y a la matière à réflexion sur ce qui reste et ce qui passe, la postérité, et surtout sur les voies mystérieuses de celle-ci; ce que MALRAUX appelait, pour les Beaux-Arts, la métamorphose. Pourquoi, en effet, un auteur, célèbre de son vivant et longtemps après sa mort physique disparait-il à nouveau, et pour de bon, assez brutalement ? Pourquoi tel, à peine reconnu de quelques happy few de son vivant surgira-t-il en pleine gloire cent ans plus tard ? Et pourquoi si la littérature exaltait Hubert AQUIN ou Marie-Claire BLAIS, l'histoire ne préférerait pas, comme document de la vie d'ici au siècle dernier, la prose académique des demoiselles BOMBARDIER, BROUILLET ou LABERGE ?
« PIGAULT-LEBRUN est l'un de ces vieillards des Lettres que tout le monde ou presque néglige. J'aime sa voix éraillée mais joyeuse, où passe encore un peu de cette folie française [...]; dans ce qu'aujourd'hui certains jugent, dans leur vocabulaire hésitant entre HEGEL et l'automobile, dépassé, on peut voir l'un des possibles du monde et de la littérature qui, après avoir connu son heure, en attend une autre. Et peut-être ne viendra-t-elle pas. »
Je vous souhaite de vouloir vous promener dans ce beau jardin, et vous laisse sur une phrase qui m'a laissé songeur :
« Toute écriture suppose une politesse, quelque geste machinal  signalant que, pendant un instant au moins, on fera passer l'autre avant soi. Alors nous prononçons ces mots que nous n'écoutons plus : après vous. »
* * *
     

jeudi 23 décembre 2010

Mon zombie et moi


Pierre CASSOU-NOGUÈS, Mon zombie et moi - La philosophie comme fiction, Seuil : L'ordre philosophique, Paris, septembre 2010 (341 pages).
Sur France Culture : La fabrique de l'humain

Début d'année sérieux avec cet essai qui a pour ambition « une façon nouvelle de faire de la philosophie, s'appuyant sur et passant par la fiction. » Bigre, si l'auteur s'appuie sur la fiction, l'éditeur écrase un peu la grammaire avec cette phrase bancale qui fleure l'anglais. En mon temps, on appelait ce genre de construction un solécisme. Mais, chacun le sait, non seulement l'année change, mais le temps et les mœurs aussi. J'ai déjà deux chapitres « derrière la cravate », et ce n'est pas très digeste. Me rendrai-je au bout avant le 12 janvier, date à laquelle je dois rapporter le livre à la bibliothèque ?

Mais, pour passer d'une année à l'autre, je me suis permis, j'en demande pardon d'avance à qui cela pourrait agacer, un grand plaisir proustien : la lecture de « l'exécution » du baron de Charlus chez les Verdurin dans La prisonnière. Quand on s'y penche, on retrouve dans ces quelques pages l'essentiel de la Recherche : l'illusion mondaine, la décadence d'une classe, son remplacement par une autre, les mœurs, la sexualité, la cruauté de l'homme pour l'homme dans la comédie/tragédie humaine.

Tintin au pays des philosophes


Il y a eu l'émission de France Culture Les nouveaux chemins, voici, en quelque sorte, la version écrite.

Citations

Dans la foulée de mon article du 1er décembre dernier sur Une saison avec Bernard Frank, je m'étais constitué un petit florilège que je ne puis m'empêcher de vous offrir et qui vous donnera une idée de son style et de sa verve. Pourrait-on dire qu'il y a en lui un moraliste qui sommeille ? On ne peut lui dénier en outre un talent de portraitiste, quiconque connaît Jean DANIEL ne pourra manquer de sourire à la lecture du commentaire de FRANK sur la fameuse émission d'Apostrophes.
 « En échappant à Paris... j'ai évité les aigreurs de la quarantaine, maladie typique de l'écrivain qui n'a pas franchi les petits tirages de sa jeunesse et qui voit arriver au galop une flopée d'écrivaillons qui seraient bien capables, les bougres, de lui dévorer au passage sa maigre pitance. »

« Il y a la littérature et les femmes, dans cet ordre. J'ai tout le temps vécu entre ces deux pôle : la littérature pour avoir les femmes et les femmes pour avoir la littérature. Je crois qu'on est plutôt choisi par les femmes mais on se donne l'illusion, surtout un écrivain. »

« La vraie littérature, les écrivains morts sont notre refuge, notre paix intérieure, notre prière du soir qui nous console de la petitesse de nos contemporains. Ma vraie nature, c'est l'étude des grands écrivains morts... Le contemporain est en critique le sujet le plus aride, le plus ingrat qui soit. Je ne vous en conseille pas la culture. »

« Du xérès : Les Français le boudent mais c'est l'un des meilleurs vins du monde. Stendhal n'avait pas tord de maudire notre vanité bourgeoise. Les Anglais, qui ne peuvent rien faire comme tout le monde, ont ridiculisé le xérès en le baptisant sherry : comme s'il s'agissait de leurs toutous ou de leurs bonnes femmes ! Voilà un vin noble par excellence réduit à l'état d'esclavage. »

« Les maris trompés ignorent leur bonheur. Ils sont peut-être trompés, mais ils restent des maris. Un amant n'a pas ce refuge, s'il est trompé, il n'est plus rien. »

« Il faut avoir entendu Jean Daniel interroger Soljenitsyne pour comprendre dans leurs beautés les tourments de l'anticommunisme noble. Quand Jean Daniel admire, il importe que l'objet de son admiration se le tienne pour dit et ne s'avise pas de les compromettre, lui et son journal par des fantaisies de langage intempestives. Autrement dit, lorsque quelqu'un de l'importance de Jean Daniel et sur les épaules de qui reposent tant d'espoir, tant de responsabilités -- car cela ne va pas toujours seul à l'intérieur d'une rédaction --, il en veut pour son argent. »

« Comme toute personne qui écrit, Modiano a un grain. Un grain rusé. Un grain fragile. Pourvu que ça dure ! Modiano a l'air tellement triste qu'on lui a accordé le talent sans confession. Drieu s'est suicidé. Nimier s'est tué en voiture, nous avions besoin d'un jeune homme qui passe. »

mardi 21 décembre 2010

Lecture onirique

... We are such stuff
As dreams are made on, and our little life
Is rounded with a sleep.

Prospero a bien raison dans la Tempête, mais voici que je lis, et rédige, même pendant mon sommeil. Il y a quelques jours, alors que, ayant terminé la lecture du roman de Patrick LAPEYRE, La vie est longue et le désir sans fin, je me suis mis, en rêve, à en rédiger le commentaire. La prose me semblait sèche, et comme j'essayais de formuler ma pensée, une pluie d'adjectifs et d'adverbes s'abat sur moi, et sur le roman, lequel n'en est, par ailleurs, pas dépourvu, et ruisselle en torrents sous mes pas.

Un cauchemar ? Allez psychologues, analysez.

La vie est brève et le désir sans fin

Patrick LAPEYRE, La vie est brève et le désir sans fin, P.O.L., Paris, août 2010 (348 pages).

Ce n'est pas tant le désir qui m'a paru sans fin que le roman. Encensé par la critique, on parlait même d'un Jules et Jim contemporain -- ce qui n'a pas manqué d'attirer mon attendtion--, distingué par le prix Femina et publié chez un « bon » éditeur : ce roman, comment aurais-je pu ne pas me le procurer ? D'autant plus que longue était la liste d'attente à la bibliothèque.

Bien sûr, il y a Manon Lescaut, le livre et l'opéra, comme l'explique l'auteur dans le vidéo; certes la phrase est vive, la construction et le traitement des dialogues audacieux et le style, marqué d'ellipses, donne dans le moderne (pour ne pas dire le jeune). Et pourtant, la référence au roman de Pierre-Henri ROCHÉ et au film de TRUFFAUT et une allusion aux Nuits de la pleine lune de mon cher ROHMER n'y ont rien changé : ce roman de « casuistique conjugale » m'a agacé et, pis, ennuyé.

Nora revient à Paris et dans la vie de Louis, puis elle retourne à Londres dans celle de Murphy. Et encore, et toujours. On remet cela, on déprime, on remet cela encore une fois jusqu'à la conclusion quantique où cela aurait tout aussi bien pu ne pas arriver, ou arriver simultanément, un peu comme dans l'expérience du chat de Schrödinger.

Quelques personnages secondaires dont on se demande ce qu'ils font là (ils semblent se le demander eux-même) : les parents de Louis : s'agit-il de prouver que dans le couple tout est perdu, souvent à cause de la femme ? Les collègues de Murphy, trader à Londres, bientôt réexpédié aux États-Unis sont la preuve de l'inflexibilité des lois du marché et de la cruauté du libéralisme. Même le personnage gay semble incapable de « s'encoupler ».

Ce n'est pas tous les auteurs qui ont le sens de l'onomastique pour leurs personnages, et en l'espèce LAPEYRE n'est pas MODIANO : Blomdale, Laumett, Dill, Meellow...

Étant, je l'avoue grammaticalement vieux jeu, je ne cesse de déplorer des phrases comme celles-ci :
« Il [Murphy] s'est contenté de la regarder pencher la tête en chipant des cerises dans un plat en grès blanc posé sur la table du jardin. » Où le participe se rapporte au sujet « il » du verbe et non au complément « la », ce qui n'est pas l'intention de l'auteur. On ne se refait pas, et je traîne mon passé de rédacteur de lois...

Alors que le Jules et Jim se concluait sur un « ni sans toi, ni avec toi », le roman de LAPEYRE semble, toujours le chat de Schrödinger, se conclure, au choix, sur un simultané « et avec Louis, et avec Murphy » ou sur un « ni avec l'un, ni avec l'autre » ou bien « ... il est probable aussi qu'il y a une infinité d'univers où ni l'un ni l'autre n'ont jamais existé. »

Pour moi, j'en arrive à souhaiter qu'il existe un univers où je n'aurais pas lu ce roman.

jeudi 16 décembre 2010

Sortir

On ne fait pas que lire, on va, notamment, au cinéma, où on l'a vue, dans Les amours imaginaires, Monia CHOKRI, et puis on aime fréquenter les restaurants et autres bars. Quel est son Montréal ?


Montréal par Monia Chokri from Ulysse, la culture du voyage on Vimeo.

mercredi 15 décembre 2010

Indignation

Philip ROTH, Indignation, traduit de l'anglais (É.-U.) par Marie-Claire PASQUIER (titre original Indignation), Du monde entier - Gallimard, Paris, septembre 2010 (195 pages).


Voici un roman de ROTH qui m'a, si j'ose dire, pris de court. Par sa relative brièveté certes. Et aussi parce qu'il m'a semblé assez différent des quelques ouvrages précédents, où les héros étaient des hommes vieillissants confrontés à la maladie et, assez directement, à leur propre fin.

Ici, Marcus MESSNER, est un jeune homme de dix-neuf ans, dominé par un son père, un boucher casher qui vit à Newark, dans le New Jersey, et dont le commerce -- nous sommes au début des années cinquante -- résiste mal à la concurrence des nouveaux supermarchés d'alimentation. Pour échapper à une atmosphère familiale étouffante, il décide de poursuivre ses études dans au Winesburg College, en Ohio. Il le fait aussi, et peut-être surtout, pour échapper à la conscription militaire qui le conduira en Corée, où il est certain qu'il périra. Le succès scolaire devant, selon lui, lui permettre d'accéder aux rangs plus élevés de la  hiérarchie et, partant, d'éviter le combat : il se voit donc condamné à réussir.

Et pourtant, rien n'est simple pour lui en dépit de son zèle et de ses efforts : si le roman est l'histoire de son apprentissage de la vie américaine, et de ses valeurs morales, il est avant tout, selon moi, le récit de son aliénation progressive. Ici, ROTH prend le contrepied de tout ce que l'on sait -- ou croit savoir -- des Trente Glorieuses. Peu d'espoir dans ces pages, guère de monde meilleur, matériel ou spirituel, que la grisaille d'une vie médiocre :
« Ma tâche ne consistait pas seulement à plumer les poulets, mais à les vider. On leur ouvre un peu le cul avec un couteau, on plonge la main, on attrape les viscères et on les extirpe. Je détestais faire cela. Écœurant, dégoutant, mais il fallait que ce soit fait. C'est cela que j'avais appris de mon père, et que j'avais aimé apprendre de lui : que ce qui doit être fait, on le fait. »
À défaut de réussir brillamment ses études, c'est à une autre boucherie, non moins sanglante et dégoutante, que Marcus est promis : celle de la guerre de Corée. Bel et radieux avenir ! Et pourtant, il aura travaillé d'arrache-pied Marcus, mais hors ses études, il ratera tout, ne parvenant pas à s'intégrer à la vie du collège, sa vie sexuelle même, et amoureuse, constituera pour lui un humiliant échec.

Le lecteur sera sans doute, comme je l'ai été, surpris, à mi-parcours du livre, par la révélation, par Marcus lui-même, qui est le narrateur, d'un fait le concernant qui vient bouleverser la lecture du roman, et que je vous laisse découvrir. À partir de cette révélation, je me suis senti comme prisonnier, sachant ce fait, comme Adam et Ève ont su après la tentation, du piège tendu par l'auteur. À dire le vrai, je ne m'en suis pas remis, et mon plaisir de lecture en a été affecté. En sera-t-il de même pour vous ?

lundi 13 décembre 2010

Soigner

Patrick AUTRÉAUX, Soigner, L'un et l'autre - Gallimard, Paris, septembre 2010 (94 pages).
« Soigner, c’est-à-dire soigner jusqu’au bout, c’est traverser un champ dont on ne connaît ni l’état du sol, ni la nature des herbes. C’est accepter les fleurs d’orties, la gadoue putride, les entorses et aussi les odeurs fraîches, l’ombre piquetée de soleil d’un arbre solitaire. C’est fatigant et dur. On se fait mal au dos, on en a marre, on voudrait que ça se termine vite, on se le reproche, on essaie de sourire et de ne pas se presser, et on pleure en cachette après l’avoir entendu appeler ce nom d’enfant que lui seul utilisait. »

Passant du roman assez triste de Philip ROTH à ce récit de Patrick AUTRÉAUX je demeure dans la littérature un peu ennuagée qui, somme toute, convient bien à notre mois de décembre. La tristesse douce qui en ressort fait un agréable contrepoids à l'agitation marchande.

samedi 11 décembre 2010

Carnet d'adresses

Didier BLONDE, Carnet d'adresses, L'un et l'autre - Gallimard, Paris, octobre 2010 (117 pages).

« Chaque fois que je rencontre dans un roman l'adresse d'un personnage, troublé, j'hésite, suspends ma lecture, m'arrête. J'examine dans tous les sens cette carte de visite qui m'est présentée, l'air de rien, comme une invitation. L'auteur me fait signe, c'est là qu'il me donne rendez-vous, il faut que j'aille y voir. »

Vous n'ignorez pas, qui me suivez sur ces pages éthérées, combien j'aime la collection L'un et l'autre. Cette brève suite de récits, autant d'adresses, autant de chapitres, est arrivée chez mon libraire il y a quelques semaines déjà, et m'a procurée de très bons moments de lecture. Cela valait bien, le soleil en moins, toutes les Caraïbes et tous les Pacifiques touristiques.

 Imaginez : vous découvrez que vous habitez à quelques numéros du  95, rue Charles-Lafitte, l'adresse Arsène LUPIN ! Plus tard, vous découvrez que dans la propriété qui jouxte, sur l'arrière, cet immeuble a vécu la sueur de l'auteur, Maurice LEBLANC. Le pavillon des muses, au 96, boulevard Maillot. Vous découvrez en outre qu'au moment même où LUPIN commençait sa carrière, vivait à cet endroit Robert de MONTESQUIOU, ami intime de Marcel PROUST, qui aurait servi de modèle au baron de CHARLUS. Réalité, littérature : l'imagination part au galop.

Qui dit adresses, à  Paris, dit Patrick MODIANO. Le 45, rue de Courcelles, où est passé Ambrose GUISE, le héros de Quartier perdu. Dans le même appartement où, de 1900 à 1906 a habité la famille PROUST. Là encore où emménage, dans le roman Du côté de Guermantes, le petit Marcel, le narrateur de la Recherche du temps perdu.

Autre adresse, que j'ai moi-même cherchée lors d'une de mes promenades du côté de la montagne Sainte-Geneviève, le 24, rue Neuve-Sainte-Geneviève : la pension VAUQUER. La rue s'appelle maintenant Tournefort, la maison, une pension bourgeoise, n'existe plus, mais vous retrouvez la description de BALZAC : « là où le terrain s'abaisse par une pente si brusque et si rude que les chevaux la montent ou la descendent rarement. ». Allez-y voir, grâce à Google Map : il faut bien que l'informatique soit utile.

Poursuivant votre parcours littéraire, vous trouverez l'adresse d'Alphonsine DUPLESSIS qui, demi-mondaine oubliée, survit sous les noms de Marguerite GAUTIER ou Violetta VALÉRY, selon que vous fréquentez DUMAS ou VERDI. Et combien d'autres...

N'hésitez pas à partir, vous aimerez votre promenade.

Écoutez quelques extraits sur France Culture : Fiction - micro-fiction

vendredi 10 décembre 2010

Sortie

Je me promenais sur le site de NPR et suis tombé sur ce clip d'une reprise du succès de David BOWIE par le groupe WARPAINT. En dehors de mes sentiers habituels, j'avoue.

mercredi 8 décembre 2010

En cours

Patrick LAPEYRE, La vie est brève et le désir sans fin, P.O.L., Paris, août 2010 (348 pages).
Philip ROTH, Indignation, traduit de l'anglais (É.U.) par Marie-Claire PASQUIER (Indignation), Du monde entier - Gallimard, Paris, septembre 2010 (195 pages).

Attiré par un sujet à la Jules et Jim, je m'étais procuré ce roman dès son arrivée chez mon libraire, ce qui fait que, contrairement à mon habitude, je lirai un « prix littéraire », en l'occurrence, le Femina. Ce n'est pas un style que, de prime abord, m'attire beaucoup, mais, après une cinquantaine de pages, je commence à m'attacher à l'histoire.

Entretemps, arrive de la bibliothèque le roman de ROTH; trois petites semaines devraient suffire, mais c'est sans compter sur la frénésie de vous savez quoi et autres falala-la-la. Je mets donc de côté le LAPEYRE et me lance dans cette Indignation. On n'est plus du tout dans la veine « vieillard décrépit et malade » dont Exit le fantôme était le plus récent exemple, mais dans une sorte de roman initiatique et identitaire. Les années cinquante, mais sans le glamour Man Men. Cela dit après à peine la même petite cinquantaine de pages.

Patience lecteur, j'y reviendrai.

Présentation des éditeurs :
« La vie est brève et le désir sans fin est un livre sur les affres de l’amour, vues du point de vue masculin. Il met en scène deux hommes, l’un marié, à Paris, l’autre pas, à Londres, tous les deux amoureux de la même femme, assez énigmatique, et qui va de l’un à l’autre. Il y a celui qui hésite, et celui qui attend, tous les deux souffrent. Comment choisir ? Qui choisir ? Ce roman est l’histoire d’une inépuisable et inéluctable souffrance amoureuse plus forte que tout. Et elle est racontée de l’inimitable manière qu’à Patrick Lapeyre de la vie comme elle ne va pas. Petites touches d’une acuité et d’une intelligence qui laissent confondu. Evénements apparemment anodins qui ne le sont en fait pas du tout. Poétique de la métaphore, métaphores tellement inattendues et qui sont en réalité rien moins, une à une et peu à peu, qu’une pensée du monde. Humour profondément lucide et humain, généreux. D’où vient, lisant ce livre d’une insondable mélancolie que l’on ne puisse faire autrement que sourire, constamment sourire. Peut-être du bonheur d’avoir été reconnu ? »


« Nous sommes en 1951, seconde année de la guerre de Corée. Marcus Messner, jeune homme de dix-neuf ans, intense et sérieux, d'origine juive, poursuit ses études au Winesburg College, dans le fin fond de l'Ohio. Il a quitté l'école de Newark, dans le New Jersey, où habite sa famille. Il espère par ce changement échapper à la domination de son père, boucher de sa profession, un homme honnête et travailleur, mais qui est depuis quelque temps la proie d'une véritable paranoïa au sujet de son fils bien-aimé. Fierté et amour, telles sont les sources de cette peur panique. Marcus, en s'éloignant de ses parents, va tenter sa chance dans une Amérique encore inconnue de lui, pleine d'embûches, de difficultés et de surprises.
» Indignation, le vingt-neuvième livre de Philip Roth, propose une forme de roman d'apprentissage : c'est une histoire d'audace et de folie, d'erreurs et de tâtonnements, de résistances et de révélations, tant sur le plan sexuel qu'intellectuel. Renonçant à sa description minutieuse de la vieillesse et de son cortège de maux, Philip Roth poursuit avec l'énergie habituelle son analyse de l'histoire de l'Amérique - celle des années cinquante, des tabous et des frustrations sexuelles - et de son impact sur la vie d'un homme jeune, isolé, vulnérable. »

lundi 6 décembre 2010

Le masque et la plume

Certes, on y parle de cinéma... mais voici une émission, light, comme on dit en France, que j'aime bien écouter pour cette si française façon de « discuter ».


Le masque et la plume
envoyé par franceinter. - L'actualité du moment en vidéo.

De la lecture

Un blog de lecture doit faire état de tout ce qui touche cette belle activité. Dans le cadre de l'émission de France Culture La grande table Pierre BAYARD, dont on se souvient du Comment parler des livres que l'on n'a pas lus et Charles DANTZIG parlent de ce qui nous intéresse, ainsi que de leurs plus récents ouvrages. Attention, c'est dans la deuxième partie de l'émission.

jeudi 2 décembre 2010

Marchez aux puces

Nous vivons, chacun le sait, une époque formidable. Et subissons une invasion que nulle loi sur l'immigration ni contrôle aux frontières ne saurait ralentir : les punaises.

Prochaines victimes : les bibliothèques et librairies d'occasion.

Car, selon des experts, américains il va sans dire, les petites bestioles peuvent se loger, et leurs œufs itou, sans discriminations aucune dans vos Pléiades ou Poches. Ils proposent, of course, des solutions pour enrayer le fléau : la congélation ou le micro-onde.

Il y a des jours, de plus en plus fréquents, où je me sens las, très las.

mercredi 1 décembre 2010

Une saison avec Bernard Frank -- portrait

Martine de RABAUDY, Une saison avec Bernard Frank -- portrait, Flammarion, Paris, avril 2101 (141 pages).

Si vous ne connaissez pas Bernard FRANK, vous pourriez commencer à le fréquenter avec Solde, dont j'ai parlé récemment, ce titre ayant été réédité cette année, puis avec Un siècle débordé. En tout état de cause, ce bref portrait pourrait précéder ou, à tout le moins, accompagner votre lecture car il vous dévoilera plusieurs aspects de ce personnage pour qui comptaient, dans l'ordre, la littérature et les femmes. Surtout le livre de Martine de RABAUDY vous présentera un monde littéraire déjà révolu, une cinquantaine d'années sur deux siècles, et ne peut pas ne pas vous donner le goût d'aller voir du côté de tous ces écrivains qui y sont mentionnés.

Pour moi, je ne résiste pas à la tentation de vous citer ces lignes de Virginia WOOLF, que FRANK aurait bien signées : « Mon esprit travaille quand je paresse. Ne rien faire est souvent pour moi la voie la plus profitable. »

lundi 29 novembre 2010

C'est comme les cheveux d'Éléonore

Charles BERNET et Pierre RÉZEAU, C'est comme les cheveux d'Éléonore - Expressions du français quotidien, Balland, Paris, octobre 2010 (945 pages).

J'ai toujours aimé les dictionnaires. C'est du voyage à peu de frais, pas besoin de vous déshabiller ni de vous faire palper à l'aéroport, pas de danger d'attraper quelque tourista et aucun risque de mouvement social vous laissant valise à la main à la porte de votre hôtel.

J'ai déjà commencé à me perdre dans celui-ci, dont la lecture est à la fois instructive et roborative. Un regret, toutefois : c'est très hexagonal.  Invitation est donc lancée à quelque retraité d'ici pour nous offrir d'ici peu un Prendre son gaz égal ou autre Péter sa coche. Un reproche, l'index n'est pas très lisible : il vous sera impossible de trouver l'expression à l'origine du titre sauf, comme moi, par hasard, sous l'entrée Encore comme « variante développée » de l'expression Quand (il) n'y en a plus, (il) y en a encore : C'est comme les cheveux d'Éléonore, quand il n'y en a plus, il y en a encore.

vendredi 26 novembre 2010

Une saison avec Bernard Frank -- portrait

Martine de RABAUDY, Une saison avec Bernard Frank -- portrait, Flammarion, Paris, avril 2101 (141 pages).
En exergue de ce bref portrait de Bernard FRANK, disparu en novembre 2006, et dont j'ai récemment lu Solde, en attendant de poursuivre avec les divers recueils de ses chroniques, cette citation de Vladimir NABOKOV :
« Ce qu'il y a de meilleur dans la biographie d'un auteur, ce n'est pas le récit de ses aventures mais l'histoire de son style. »

FRANK, c'était sans conteste un style. C'est un peu bizarre de traiter d'un livre sur un auteur que peu de gens connaissent, dont l'œuvre est constituée principalement de chroniques (L'Express, Le Matin, Le Monde, Le Nouvel Observateur), outre quelques romans et essais, d'ailleurs difficiles à trouver, même en bibliothèque. Pour une fois, il n'est pas question de PROUST, se réjouiront tels de mes amis, qui me sont très chers (on le sait, l'amitié n'a pas de prix), membres du très large club des lecteurs « qui ont commencé, mais qui n'arrivent pas à poursuivre, c'est de la littérature pour retraités... » et qu'irritent mes allers-retours incessants dans la Recherche, dont je sais qu'ils ne la liront jamais, le cliché est tellement plus pratique et confortable. Mais Bernard FRANK, allons donc, ce n'est pas sérieux, et pis encore, un livre sur Bernard FRANK ! Mais comme je les lisais, ces chroniques de l'Obs, souvent avec délectation, parfois avec irritation, mais toujours avec intérêt, que j'ai lu, sans beaucoup les aimer, deux de ses romans, et que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire Solde, ce sera ma façon, muette et inutile, de lui rendre hommage.
Présentation de l'éditeur :
« Qu'il soit attablé dans un grand restaurant parisien, installé avec son whisky en Normandie chez l'inséparable Françoise Sagan, ou reclus dans la campagne varoise pour écrire auprès d'une belle anglaise, Bernard Frank tour à tour fascine, charme, agace voire exaspère. II suscite des jalousies littéraires, éveille des passions féminines, porte des jugements iconoclastes dans ses chroniques pour L'Express, Le Matin, Le Monde, Le Nouvel Observateur, un demi-siècle durant. Enfin et surtout, ce dilettante éclairé laisse une oeuvre inimitable de mémorialiste où perce son amour fou de la littérature et des femmes, " dans cet ordre ", comme il aime à le préciser, et où il assume avec une grâce égale à son ironie cette contradiction de la peur de mourir et de l'angoisse de vivre.
» Martine de Rabaudy prend, elle, le temps d'écouter Frank et ses amis, Florence Malraux, Claude Perdriel, Frédéric Vitoux, Jean-Paul Kauffmann, Eric Neuhoff ou Raphaël Sorin, pour brosser un portrait de l'homme personnel et généreux, débordant d'humour et de finesse ; un portrait d'écrivain. »

mercredi 24 novembre 2010

Bibliothèques de nuit

Thierry LAGET, Bibliothèques de nuit, L'un et l'autre, Gallimard, mai 2010 (83 pages).

Plutôt que de tenter de résumer ces beaux récits de Thierry LAGET, dans la très belle collection L'un et l'autre, dont je fais, justement, collection, j'ai pensé à vous en donner quelques phrases, avec l'espoir qu'elles vous donneront le goût d'accompagner les rêveries nocturnes et bibliophiles de l'auteur.

« L'enfance flotte en notre souvenir comme une abeille dans une larme d'ambre. Ses jours continuent de bourdonner dans les siècles, quoique désormais nous ne contemplions plus que leur vol pétrifié. » Les yeux au ciel

« Un jour, les archéologues découvriront l'art sur les boîtes de chocolat comme ils ont exhumé de Palmyre ou Ninive après des années de fouilles au désert, et ils tomberont à la renverse. » Hiver de chocolat

« On vieillit. La terre boit les jours qui débordent comme un verre de mousseux qu'on a versé trop vite...» Parques de Sceaux

« Un bateau s'est posé sur le lac : c'est un petit navire aigu, caparaçonné de fer, boutonné de rivets, portant un collier de hublots, deux ponts et une cheminée à peine plus haute qu'un carton à chapeaux. » Paysage de Dalécarlie

« La nuit, pour peu qu'on laisse la fenêtre ouverte, le parfum des fleurs d'oranger s'insinue dans les chambres... » Le songe de Polyphème

lundi 22 novembre 2010

À quoi servent les prix littéraires ?

Une entrevue réalisée par le Nouvel Observateur avec Sylvie DUCAS, maître de conférence et auteur de plusieurs travaux portant sur les prix littéraires (cliquez sur le titre de l'article).

Magique étude du bonheur

Vincent CESPEDES, Magique étude du bonheur, Larousse, Paris, avril 2010 (238 pages).

Ayant entendu l'auteur lors d'une récente émission de France Culture Du grain à moudre, j'ai réservé ce livre à la bibliothèque et, l'ayant reçu à temps, j'ai pu le prendre avec moi à Cayo Largo. Quoi de mieux que de lire sur le bonheur les pieds dans le sable ?

Une étude qui, la chose est rare, n'est pas un livre de recette. Ni sur le bonheur, ni sur l'amour. Le travail de l'auteur porte sur ce qu'il appelle « les institutions », le bonheur constituant pour lui une des valeurs construites par la société. Une idéologie, en quelque sorte.

L'auteur a recours à la figure d'un génie qui lui offre de réaliser un vœu. Et sa réflexion, et la nôtre, de ce fait, suit le dialogue qui s'établit entre l'un et l'autre. Des choix purement égoïstes (être riche) ou narcissiques (être beau) on passe à des choix altruistes (fin de l'injustice, de la pauvreté), fussent-ils utopiques. Ce qui lui permet de peaufiner sa définition de la notion de bonheur.

La figure de RIMBAUD occupe une place importante dans l'essai. Il serait, selon l'auteur, l'incarnation de la pensée, très années soixante-dix, que  le bonheur c'est l'être. Or, on peut très bien être dans l'être et ne pas être heureux, ce qui, selon l'auteur, serait le cas du poète lequel s'est montré, en dépit de son génie, de la subversion, de la spontanéité, de son sens de l'aventure incapable d'entrer en contact avec l'autre ou de communiquer avec lui. La thèse de l'auteur est que le bonheur est dans le « rendre » : la meilleure façon d'être heureux est de rendre l'autre heureux. Et l'auteur oppose le poète au personnage principal du film Happy Go Lucky de Mike LEIGH, qui, en dépit d'un quotidien souvent difficile, s'intéresse aux autres, pas tant en ce qu'elle veut leur bonheur -- la volonté de bonheur, ou le bonheur obligatoire, étant, on le sait, une des caractéristiques des totalitarismes, religieux ou politiques, mais que sa simplicité, son attitude face à la vie contribue à rendre les autres heureux : une onde de bonheur.

Mais, il y a un mais : voilà l'exemple même du livre que j'adore détester (ou, inversement, que je déteste aimer). Pas question, certes, de tenir rigueur à l'auteur de sa jeunesse; mais je lui fais grief du style jeuniste et branchouillard. Ce qui a complètement ruiné ma lecture, et c'est bien dommage, car j'ai adhéré au propos de l'auteur, notamment dans sa dénonciation du « bonheurisme » forcené de la société de consommation occidentale et des donneurs de recettes (qu'à l'évidence il n'est pas). Et, pour donner dans son style, son djinn tonique m'a plutôt agacé.

Si vous y tenez, écoutez une entrevue d'une vingtaine de minutes avec l'auteur à la SRC. Pour une fois, la dame du micro parvient à lui laisser la parole.

samedi 20 novembre 2010

Salon du livre

C'est un titre trompeur : en fait, je ne vais pas au salon du livre. Je n'aime pas les foires commerciales, et surtout les commerciales qui s'affirment culturelles; je n'aime pas les foules qui les fréquentent et encore moins les agités qui s'y agitent. Surtout que Mlle B***, la dame de Très Grande Vertu hypermédiatique y est sûrement. Je suis de la vieille école (dans tous les sens du terme : j'ai appris à lire, à écrire et à compter) : ce que l'on appelle dans les médias si importants un élitiste. Pour moi, le salon du livre (pas besoin de majuscule) est à la librairie ce que le Costco est au commerce en général. Je n'aime pas.

Si je savais écrire, j'aurais écrit l'article de FOGLIA : Un roman juif.

vendredi 19 novembre 2010

Ainsi vivent les morts

Will SELF, Ainsi vivent les morts, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Francis Kerline, titre original : How the Dead Live, Éditions de l’Olivier, Paris, 2001 (438 pages).

Will SELF est de ces auteurs, encore jeunes, qui secouent la baraque, tant dans leur vie privée, torrentueuse, que dans les Lettres. Et dont les sujets et le style ne sauraient laisser indifférent. Attention, il n’est pas de ceux que le narcissisme, à défaut de talent, pousse à exhiber sur papier les génitoires et les prouesses de trottoir ou d’alcôve. On aurait tord de ne pas essayer de faire sa connaissance, d’autant plus qu’on sort du roman un peu secoué par l’audace du propos et de la forme. Voici qu’il est question de mort ou, plutôt – que l’oxymore nous soit pardonné – , de la vie de la mort, c’est à dire une fois passé le seuil du trépas. Le tout dans un roman qu’on pourrait dire d’eau de javel et fleur artificielle comme d’autres sont à l’eau de rose et fleur bleue.

1988. Lily Bloom, la soixantaine, juive antisémite et fausse goy, américaine mais établie en Angleterre, se meurt du cancer du sein. Les curieux compareront la fin du roman à celle du Ulysses de James JOYCE. Le roman s’ouvre par l’épilogue – quand on conduit à gauche, on peut bien commencer par la fin... et comporte trois parties : Mourante, Morte, Encore plus morte. Le ton est donné. De vieilles rancœurs en acrimonies mesquines, Lily vit ses derniers jours entre un corridor d’hôpital et les souvenirs rances de sa médiocre existence. Haine de la maladie qui la ronge, des médecins à la langue de bois, de sa propre condition de loque pourrissante. Deux filles, Charlotte, aspirante bourgeoise, et Natasha droguée séduisante. Le souvenir d’un fils mort dans un stupide accident. Deux maris, morts évidemment. Toute une vie pour rien ?

Le lecteur apprendra que, une fois poussé le dernier râle, la morte ne quitte pas vraiment l’univers réel. Elle devient seulement moins tangible, mais dépourvue de sensibilité. Elle ne fait que déménager en somme: un sordide sous-sol dans une non moins sordide banlieue de Londres, semblable au quartier où elle a vécu. Londres où l’on trouve deux sortes de restaurants : « les mauvais et les pire ». Lily y est menée dans un taxi conduit par un Chypriote grec, successeur de Charon, et prise en charge par un autochtone australien du nom de Phar Lap Jones, un ange gardien, en quelque sorte. Les jours passent, il lui faut assister aux séances d’initiation à la mort. Apprendre les douze étapes et les douze traditions des « Personnellement Morts ». Prendre un emploi. Et surtout s’habituer à la bureaucratie tatillonne des défunts, la « mortocratie ». Lily ne peut se faire aux plaintes de trois ectoplasmes, constitués de toutes les graisses qu’elle a perdues et reprises de son vivant,! et qui ne la quittent plus. Ce qui ne contribuera pas à améliorer son caractère. Et puis, il y a toujours des nouveaux, expédiés par les nombreux attentats que connaît le Londres des années quatre-vingt-dix. Une fois installée dans ses meubles, l’épicerie et le ménage faits, Lily ne pourra pas s’empêcher d’observer de près ses filles. Elle n’est pas un fantôme, qu’on ne se méprenne pas, elle ne peut tout simplement pas laisser les vivants vivre leur vie. Comprendra-t-elle, comme le lui suggère Phar Lap Jones, qu’elle doit faire le deuil de sa propre vie ? Si elle veut enfin, qui sait, revenir. Au fait, le myosotis n’est-il pas aussi appelé « ne m’oubliez pas » ?

Will SELF a déjà, dans nouvelle publiée en 2000, Le livre des morts de Londres-nord, exploré le thème de la vie après la mort, où le narrateur rencontrait feu sa mère. Comme dans ses autres romans, il met en scène un univers parallèle qu’on sait n’être que fiction, hallucinée, mais qui semble si réaliste. Et s’il prête la voix à Lily, il ne se départit pas, dans les digressions où elle amène le lecteur – au risque parfois de le perdre – de l’ironie acide qui rend le roman tout sauf lugubre. Une vie, une mort peuvent-elles se résumer en cette succession de frustrations ? Cette rage accumulée ? On l’avouera, devant tant de haine, le lecteur pourrait se lasser. Mais il devra persévérer, « la colère, c’est aussi ce qui me maintient en vie » dit Lily. Au bout du compte, elle n’est pas différente des héroïnes de romans Harlequin, où tout est pastel. Elle en est simplement le négatif glauque. ARAGON a écrit, et FERRÉ chanté: Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Question toujours actuelle.

Je ne lirai pas

Will SELF, Le livre de Dave -- Une révélation du passé récent et de l'avenir lointain, traduit de l'anglais (Grande-Bretagne) par Robert DAVREU, titre original : The Book of Dave, Éditions de l'Olivier, Paris, août 2010, (539 pages).
J'ai, il y a une dizaine d'années, suivi Will SELF, quand il commençait à être connu en France, notamment avec La théorie quantitative de la démence (recueil de nouvelles), Ainsi vivent les morts (dont je reprends le commentaire de lecture dans un article séparé) et Dorian (tous ces livres ont été repris au Seuil dans la collection de poche Points; je l'ai, par la suite, un peu perdu de vue. C'est un auteur dont j'aime le style et les thèmes qu'il aborde, et dont je me faisais une joie de lire le nouveau roman, que je viens d'aller prendre à la bibliothèque.

Un clic sur le titre de l'article ouvre le commentaire publié en anglais dans Wikipedia sur Le livre de Dave.

Rappelons que ce livre a été publié en anglais en 2006 et paraît en français après No Smoking, traduction de The Butt, qui date de 2009. Je crois que c'est la difficulté à traduire ce roman qui explique ce retard de publication.

C'est un fort volume que ce roman, plus de cinq-cents pages. Ce qui, le plus souvent, ne me détourne pas, moi qui suis habitué aux longueurs proustiennes ! Mais ici, j'avoue qu'après une petite dizaine de pages, je renonce à pousser plus avant la promenade... ou, plus précisément, l'escalade. Je m'arrête parce que je suis un peu rebuté par la langue, créée par l'auteur, dont on peut admirer l'inventivité, et qu'il donne à ce monde de Ham, ville de « l'Ingleterre », où se déroule, dans deux mille ans, une partie de l'intrigue, alors que des survivants à un cataclysme ont découvert le livre de Dave, et en ont fait leur référence spirituelle. Cette langue, le mokni est une sorte d'argot modelé sur le jargon de Dave Rudman, un chauffeur de taxi de notre époque, dont l'histoire constitue l'autre partie du roman. Est annexé  à l'ouvrage, un Glossaire français analogique du dialecte mokni parlé à Ham.

Tour de force d'écriture, certes, et de traduction, c'est évident.

Lâcheté ou paresse ? Une grosse fatigue s'est emparé de moi, devant la perspective d'incessants allers-retours au glossaire pour mieux comprendre ce que je lisais. Très grosse fatigue, même. J'ai donc décidé de surseoir à la lecture et, partant, au commentaire de ce roman. Partie remise, je vous l'assure, ce genre de roman étant, en général, fort de mon goût.

Vous y risquerez vous ?

Présentation de l'éditeur :
« Et si le pire des hommes devenait le Messie ? Dave Rudman, chauffeur de taxi londonien, passe son temps, à fulminer contre les Noirs, les Juifs, les Arabes, les bourgeois ou les touristes. Il déverse son fiel dans des écrits qu'il enterre dans le jardin de son ex-femme, Michelle. Cinq siècles plus tard, après un terrible déluge, ses élucubrations sont retrouvées. Le " Livre de Dave " devient la référence spirituelle du Nouveau Monde. Dans l'archipel d'Ingleterre, en l'an 500 après Dave, la vie s'organise selon les paroles du prophète. Les hommes et les femmes vivent séparément, et parlent le mokni, argot modelé sur le jargon du chauffeur de taxi.
» Cet " Evangile selon Self " est une satire de la vie moderne. Les religions, le capitalisme, l'Histoire, le mariage, rien n'échappe à l'auteur de Mon idée du plaisir. Vrai-faux roman d'anticipation ou d'aventures, Le Livre de Dave est surtout un tour de force littéraire. Will Self invente une langue, un monde, mélange les genres et les influences avec une virtuosité impressionnante. »

jeudi 18 novembre 2010

En être ou ne pas en être

France Culture, Les nouveaux chemins, une émission de Raphaël ENTHOVEN.

Dans le cadre d'un semaine sur le snobisme, l'émission consacrée au snobisme de PROUST, ou plus précisément, au snobisme dans la Recherche du temps perdu. Brillamment exposé par Donatien GRAU, enseignant à l'École normale supérieure (ENS) et membre de l'équipe Proust du Centre national de la Recherche scientifique (CNRS).

Même si vous n'êtes pas familiers avec l'œuvre, écoutez (un clic sur le titre de l'article) cette émission, ne serait-ce que pour les citations qui en sont faites.

lundi 15 novembre 2010

L'été de la vie

J. M. COETZEE, L'été de la vie, traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Catherine Lauga du Plessis, Seuil, 2010, titre original Summertime, (320 pages).

Je ne croyais pas, en le plaçant dans ma valise, pouvoir trouver un meilleur livre pour ma semaine à Cayo Largo, moi dont la concentration est, telle l'écoute freudienne, flottante, surtout à la plage. En revanche, difficile d'y apporter son nécessaire de lecture, dictionnaire, cahier de notes, crayons, et impossible d'annoter un livre emprunté à la bibliothèque, qu'on ne veut pas, de surcroît, tacher de crème solaire.Faisons donc confiance à la mémoire.

Je n'ai rien lu de COETZEE depuis une dizaine d'années, depuis Disgrace.


À l'heure où la fiction française souffre encore des pires débordements de « l'auto-fiction », -- sujet d'une récente émission de Répliques, Littérature et vérité, sur France Culture -- il est intéressant de constater comment un auteur anglophone s'y prend pour se raconter tout en se mettant délibérément en fiction. Je le dis d'entrée de jeu : la technique de l'auteur est stupéfiante, et pourtant coule comme de source. Un magnifique travail d'écriture.


Le récit/roman s'ouvre sur une série de fragments de carnets tenus par J. M. COETZEE (l'auteur ou le personnage ?) dans les années 70 dont on saisit mal ce qui les unit. Suivent cinq entretiens menés par un jeune universitaire qui travaille à la biographie du romancier dont on apprend qu'il est décédé (donc le personnage) avec cinq personnes qui ont connu celui-ci dans ces mêmes années. Cinq personnalités très différentes dont la perception de COETZEE l'est également. Le regard de la maîtresse insatisfaite n'est en effet pas le même que celui de la cousine, de la collègue de travail , d'un ancien rival à un poste universitaire ou de la mère d'une de ses élèves. D'autant plus que leurs rapports ont tous été relativement limités dans le temps, d'une part, et, d'autre part, remontent à plusieurs années. Ce qui, au passage, en dit beaucoup sur l'objectivité du travail biographique, mais c'est là un tout autre débat. L'ouvrage se referme sur une nouvelle série de fragments, mais non datés cette fois.

Le chapitre le plus achevé, selon moi, superbe mise en abîme, est celui où l'auteur COETZEE fait lire par son biographe (un personnage fictif) à Margot (peut-être un personnage réel), sa cousine, lors d'une rencontre, la retranscription des enregistrements des conversations qu'ils ont eues, laquelle a été retravaillée « afin que cette prose se lise comme un récit continu de [sa] seule voix » et rédigée à la troisième personne. Ici, la subjectivité du biographe s'ajoute à celle de la cousine, avec en prime le commentaire que celle-ci en fait en cours de lecture. On peut difficilement faire mieux. Ce chapitre m'a paru le plus révélateur de la personnalité du personnage COETZEE; ou plutôt de celle que l'auteur COETZEE souhaiterait nous présenter comme la plus proche de sa propre vérité, de sa propre perception de lui-même. Comme on dit : si non è vero, è bene trovato.

On a beaucoup parlé, à propos du roman de Michel HOUELLEBECQ, La carte et le territoire, de la façon dont il traitait les relations père/fils. Eh bien, quoique je ne vous encourage pas plus que de nécessaire à lire ce dernier roman, lisez L'été de la vie pour voir comment un écrivain s'y prend.

Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce livre. Et je vous suggère de ne pas ajourner sa lecture à vos prochaines vacances sous les palétuviers.



Présentation de l'éditeur :
« Après Scènes de la vie d'un jeune garçon et Vers l'âge d'homme, voici le troisième volet de l'entreprise autobiographique de Coetzee : il a atteint la trentaine et, de retour au pays natal, partage avec son père vieillissant une maison délabrée dans la banlieue du Cap. Autobiographie fictive puisque l'auteur confie la tâche d'un portrait posthume à un jeune universitaire anglais qui recueille les témoignages de quatre femmes et d'un collègue qui auraient compté pour l'écrivain en gestation dans les années 1970.
Ce quintette de voix laisse entrevoir un homme maladroit, mal à l'aise, brebis galeuse de la famille afrikaner qui peine à ouvrir son coeur. La femme adultère, la danseuse brésilienne, la cousine chérie, l'universitaire et la maîtresse française s'accordent à faire de lui un amant sans chaleur, un amoureux indésirable, un enseignant sans charisme. Ces entretiens sont encadrés de notes et fragments extraits de carnets où l'écrivain s'interroge et se cherche.
Dans ce récit où se mêlent le comique et le ridicule, la mélancolie et le désespoir, Coetzee se livre avec prudence et dévoile peu à peu un coeur en souffrance sous la cuirasse. Il invite une nouvelle fois le lecteur à une superbe méditation sur la condition humaine.»

HOUELLEBECQ post-scriptum

Laure ADLER reçoit Michel HOUELLEBECQ dans le cadre de l'émission Hors champ sur France Culture le 12 novembre dernier. À écouter. Par parenthèse, il est plaisant d'écouter une émission où l'animatrice connaît son sujet et, surtout, le laisse parler; on comprendra que je songe ici à la bavarde dame du matin de la SRC.

L'esprit de ruelle

Benedetta CRAVERI, L’âge de la conversation, Gallimard, collection Tel, Paris, 2005 (680 pages).

On pourrait se demander pourquoi on voudrait lire près de sept cents pages sur la conversation en France entre 1630 et 1789. Si ce n’est quelques universitaires ou francophiles irréductibles (en reste-t-il ?). Les Français ont, comme chacun sait, toujours parlé (« cause toujours… ») ; on sait moins, en revanche, qu’ils n’ont pas toujours su comment le faire. D’aucuns affirment qu’ils ne le savent plus guère, mais c’est un autre débat.

C’est donc l’histoire de cet apprentissage de l’art de la conversation que nous révèle Benedetta CRAVERI dans son captivant ouvrage où nous ferons, sur un siècle et demi, la connaissance de personnalités, pour la plupart, certes, tombées dans l’oubli, mais dont le rôle, même si nous n’en soupçonnons guère l’importance, a été capital dans l’évolution des mœurs et de notre langue.

Nous voici conviés à visiter une remarquable galerie de portraits et introduits dans ce que nous appelons aujourd’hui – en dépit de l’anachronisme – les salons. Car, à l’époque, on reçoit dans la ruelle, laquelle est munie de toutes les commodités de la conversation, chères aux Précieuses et non ce lieu urbain qui l’est si peu.

On verra l’évolution du salon, la durée de vie d’un « genre » de salon couvrant généralement une trentaine d’année, chaque génération y apportant  son élément distinctif, sans oublier les rivalités entre salons « montants » et  « descendants », ni celles qui opposent ces dames pour obtenir la présence de telle ou telle sommité de l’heure. Madame GEOFFRIN, Madame DUDEFFAND, Madame de TENCIN et Julie de LESPINASSE, chacune connaîtra, avec son public, son heure de gloire, puis son déclin.

Cette évolution ne vise pas que la forme, le fond aussi change. Ainsi, il était inconcevable, et du dernier vulgaire, que l’on parlât de politique chez Madame de RAMBOUILLET, la célèbre ARTHÉNICE, – un des tous premiers salons –, ou même de romans, alors que, un siècle plus tard, toute la fleur des Lumières se pressera chez Madame GEOFFRIN – un des premiers salons bourgeois –,  véritable lieu de contre-pouvoir, où les premiers « intellectuels » parleront de liberté et d’égalité et où se feront les élections à l’Académie.

On découvre enfin la double importance de l’institution du salon. Par celle-ci, les femmes assumaient une mission éducatrice tant sur le plan de la langue : c’est principalement grâce au salon que la langue française a connu un si large rayonnement en Europe et, plus tard, en Amérique, notamment dans la diplomatie, alors que sur le plan des mœurs et de la sociabilité,  chacun, noble ou bourgeois, voudra atteindre le même niveau de raffinement qu’il y rencontrait.

Commentaire de VOLTAIRE : « Le langage français est de toutes les langues celle qui exprime avec le plus de facilité, de netteté et de délicatesse, tous les objets de la conversation des honnêtes gens ; et par là elle contribue dans toute l’Europe à un des plus grands agréments de la vie. » .

Les temps ont bien changé et je me permettrai un sic transit gloria mundi.

Une anecdote, enfin, pour les lecteurs de Nouvelle-France. La Grande Mademoiselle – il ne s’agit pas d’un éphèbe officiant sur les planches de tel établissement du Village à Montréal, mais de la cousine de Louis, quatorzième du nom – payait de la relégation ses choix politiques du temps de la Fronde. Elle transforma Saint-Fargeau, sinistre château médiéval, en un lieu où chacun voulait être reçu. L’accompagnaient dans son exil quelques jeunes et jolies dames, et SAINT-SIMON écrira sur l’une de celles-ci  : « Madame de FRONTENAC n’avait que vingt ans et cherchait par tous les moyens à se débarrasser de son mari. Le comte était “aimable”, “spirituel” et “pas dépourvu d’usage du monde”, mais cela ne suffisait pas pour que la jeune femme l’accueillît dans le lit conjugal et cédât à ces instances. » On aura reconnu dans le mari le bouillant gouverneur du Canada.



samedi 13 novembre 2010

Proust à la plage

J'ai passé la dernière semaine d'octobre sur l'île de Cayo Largo avec quelques amis. Plage et mer, une coupure totale du monde, ni journaux, ni télé. J'ai donc beaucoup lu. Mais je n'ai pas fait que lire : sous mon palapa, j'ai fini d'écouter la série de treize podcasts du Collège de France retransmission des cours d'Antoine COMPAGNON intitulés Morales de Proust. Si vous visitez le site, armez vous de patience, il est très français, c'est à dire assez user hostile, car conçu par des gens qui, à l'évidence, ne se servent pas beaucoup d'un ordinateur. Mieux vaut passer par iTunes.

Quoiqu'il en soit, j'ai beaucoup aimé ces conférences qui ont jeté un nouvel éclairage sur certains thèmes de la Recherche du Temps perdu et, bien entendu, m'ont donné le goût de relire certains passages de l'œuvre, dont la très célèbre exécution du baron de CHARLUS chez les VERDURIN dans le roman La prisonnière.

J'ai même appris un nouveau mot lequel, je n'en doute pas, me permettra de briller dans les dîners et les salons : épicaricacie. Nul dictionnaire ne vous en donnera la définition, formé de trois mots grecs (autour+joie+mal) : il s'agit de la « joie mauvaise » que l'on éprouve, par exemple, devant le malheur qui frappe autrui, et qui occasionne un ricanement fort peu charitable. Tel pipole voit quelque contrariété rapportée par les médias et sa gloire écornée et c'est le « il l'a bien mérité » populaire.

Dommage cependant que ce terme soit trop long pour me servir au Scrabble. Vous vous en réjouissez pensant in petto « quel cuistre » : voilà mon second exemple d'épicaricacie.

La carte et le territoire II

Michel HOUELLEBECQ, La carte et le territoire, Flammarion, Paris, septembre 2010 (428 pages).

Trêve d'atermoiements, je ne parlerai pas, ou seulement un peu, du HOUELLEBECQ : à quoi bon en rajouter au concert d'éloges ou aux diatribes ?

Au rang des « contre », j'ai bien aimé l'éreintement de Pierre JOURDE  You Know What? Houellebecq is the hero dans son blog du Nouvel Observateur. Du côté des « pour », je n'ai pas beaucoup aimé la quasi générale glose sur la quatrième de couverture. Et à quand, de part et d'autre, un véritable commentaire sur le style, sur l'écriture ?

Si je tiens encore l'auteur pour une sorte de BALZAC contemporain, ce roman m'a semblé assez moyen. Les deux premières parties tiennent la route, pour peu qu'on ne soit pas allergiques aux descriptions détaillées -- telles celle du Samsung ZRT-AV2 (page 162)  ou sa dissertation sur la langue de modes d'emplois (page 163) -- dont voici un exemple :
« Le Sushi Warehouse de Roissy 2 proposait un choix exceptionnel d'eaux minérales norvégiennes. Jed se décida pour la Husqvarna, plutôt une eau du centre de la Norvège, qui pétillait avec discrétion. Elle était extrêmement pure -- quoique, en réalité, pas davantage que les autres. Toutes ces eaux minérales ne se distinguaient que par un pétillement, une texture en bouche légèrement différents; aucune d'entre elles n'était si peu que soit salée, ni ferrugineuse; le point commun des eaux minérales norvégiennes semblait être la modération. Des hédonistes subtils, ces Norvégiens, se dit Jed en payant sa Husqvarna; il était agréable, se dit-il encore, qu'il puisse exister tant de formes différentes de pureté. »
On s'amusera peut-être d'entendre Frédéric BEIGBEDER, qualifié de SARTRE des années 2010, entonner le Blues du businessman des PLAMONDON/BERGER (page 77). On appréciera sans doute la construction du récit de la vie et de la carrière du personnage principal, Jed MARTIN. On sourira vraisemblablement du commentaire de la société médiatique et libérale. Mais quid de la troisième partie, sorte de polar, où HOUELLEBECQ se voit assassiné et son corps dispersé telle une toile de Jakson POLLOCK ? Et de la conclusion téléphonée ?

Ma conclusion : bon divertissement, mais comme les bons livres ne manquent pas, je songe ici au dernier COETZEE, on ne perdra rien à faire l'impasse sur La carte et le territoire.

vendredi 12 novembre 2010

De retour

Régis DEBRAY, Éloge des frontières, Gallimard, Paris 2010 (pas encore disponible au Canada).

Une semaine à la mer, propice certes à la lecture mais pas à l'écriture, avec une saine coupure médiatique, puis, au retour, une brève mais contrariante révolution interne m'auront tenu éloigné de mon clavier. J'ai manqué l'émotion médiatique de l'attribution du Goncourt à HOUELLEBECQ, pourtant unanimement prévue par les mêmes médias, alors que mon billet sur icelui est encore, si j'ose dire, en souffrance. Au passage ce matin, cette entrevue de Régis DEBRAY sur son nouvel essai.

À venir, outre l'article sur La carte et le territoire, le récent L'été de la vie de J. M. COETZEE et Magique étude du Bonheur de Vincent CESPEDES.


Les Matins- Régis Debray
envoyé par franceculture. - L'actualité du moment en vidéo.

jeudi 28 octobre 2010

La nuit juste avant la forêt

J'ai vu, il y a une dizaine d'années, cette pièce de KOLTÈS, également mise en scène par Brigitte HAENTJENS, mais interprétée par James HYNDMAN, puis à Ottawa en 2008, dans une mise en scène hallucinante, comme dirait LUCHINI, de Kristian FRÉDRIK, avec Denis LAVANT. Sébastien RICARD reprend maintenant le rôle.

Je n'hésite pas à recommander la pièce, le texte de KOLTÈS est vraiment très puissant.

lundi 25 octobre 2010

Un peu de sérieux

Ma petite crise littéraire dans mon dernier billet faite, je reviens, chassez le naturel, à mes lectures « prises de tête ». Voici donc les livres, un roman et un essai, que j'apporterai avec moi la semaine prochaine à Cuba :

J. M. COETZEE, L'été de la vie, traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Catherine Lauga du Plessis, Seuil, 2010, titre original Summertime, (320 pages).

 Présentation de l'éditeur :
« Après Scènes de la vie d'un jeune garçon et Vers l'âge d'homme, voici le troisième volet de l'entreprise autobiographique de Coetzee : il a atteint la trentaine et, de retour au pays natal, partage avec son père vieillissant une maison délabrée dans la banlieue du Cap. Autobiographie fictive puisque l'auteur confie la tâche d'un portrait posthume à un jeune universitaire anglais qui recueille les témoignages de quatre femmes et d'un collègue qui auraient compté pour l'écrivain en gestation dans les années 1970. Ce quintette de voix laisse entrevoir un homme maladroit, mal à l'aise, brebis galeuse de la famille afrikaner qui peine à ouvrir son cœur. La femme adultère, la danseuse brésilienne, la cousine chérie, l'universitaire et la maîtresse française s'accordent à faire de lui un amant sans chaleur, un amoureux indésirable, un enseignant sans charisme. Ces entretiens sont encadrés de notes et fragments extraits de carnets où l'écrivain s'interroge et se cherche. Dans ce récit où se mêlent le comique et le ridicule, la mélancolie et le désespoir, Coetzee se livre avec prudence et dévoile peu à peu un coeur en souffrance sous la cuirasse. Il invite une nouvelle fois le lecteur à une superbe méditation sur la condition humaine. »
Vincent CESPEDES, Magique étude du bonheur, Larousse, Paris, avril 2010 (238 pages).

Présentation de l'éditeur :
« Malgré nos déclarations et nos déplorations, nous avons peur du bonheur. Il nous fait peur parce qu'il est subversif par essence, et doublement : il bouleverse continûment notre rapport aux autres et il nous transforme sans cesse. Rien à voir avec l'hébétude éthérée que l'on nous vend, étiquetée « bonheur ». Le bonheur est une bonne « digestion » du monde et des autres, qui entrent en nous et se mélangent facilement avec notre mythologie intime, nos émotions, nos profondeurs. Tout lui est « aliment », la peine comme la joie. Le signe du bonheur ne serait donc pas le sourire (qui peut être factice), mais la bienfaisance, la bonté qui jaillit naturellement d'un être heureux. »

dimanche 24 octobre 2010

La maison des morts étranges

Margery ALLINGHAM, La maison des morts étranges et autres aventures d'Albert Campion, préface de François RIVIÈRE, Police at the Funeral, traduction de P. SAUREL complétée par Gabriel REPATTATI, 1931, Omnibus, Paris, mai 2010 (1015 pages).
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On me reproche parfois d'avoir des lectures, comment dire, qui prennent la tête. Comme SAGAN avec la vitesse et l'argent, je laisse courir, il est trop tard, toute dénégation entraînant des sourires entendus. Il est vrai que je me méfie des listes « coups de cœur » des marchands, qui nous vantent des produits culturels d'élevage. Et que j'ai, la messe est dite, un faible pour PROUST. Ce qui m'irrite le plus c'est qu'il n'y a rien à faire contre les clichés et rien à dire aux Bouvard et Pécuchet contemporains.

Cela dit, comme beaucoup, j'ai un faible pour les romans policiers, dont j'aime à admirer l'architecture et, surtout, pour l'univers parallèle qu'ils créent et où tout doit se résoudre. Un article du Monde m'a, récemment, mis sur la piste du recueil, publié chez Omnibus, des principaux romans de Margery ALLINGHAM, dont je termine la lecture de La maison des morts étranges. On dit qu'elle fut la rivale d'Agatha CHRISTIE et de quelques autres dames un peu oubliées du genre. Il n'en demeure pas moins que si elle n'a plus la renommée de celle-ci, elle possède ce style si incisif qui fait le charme des ces vieilles dames indignes (je reconnais volontiers qu'elles n'ont pas toujours été vieilles...) de la littérature britannique.

À quoi bon parler de l'intrigue ou de son héros, le détective Albert Campion, elle est convenue, comporte assez de retournements pour égarer le lecteur et, à la fin, le coupable sera châtié; et lui réunit toutes les caractéristiques indispensables de l'emploi. Mais quel style, jugez-en par ces quelques extraits :
« Il semblait trouver tout naturel d'être appelé pour résoudre un drame et d'être reçu avec un morceau de jambon froid. »

« Il s'agit d'un meurtre, mon garçon !... Un meurtre tout ce qu'il y a de plus contrariant. »

« Toute la demeure respirait cette magnificence collet monté qui marquait le bon ton sous le règne de la reine Victoria. [...] un foyer de vices où se reproduisent ces sombres rejetons de l'esprit civilisé que les scientifiques décrivent comme le résultat naturel de frustrations et d'inhibitions, et, à présent, un volcan en ébullition [...].»

Un clic sur le tire ouvre l'article (en anglais) de Wikipedia sur le roman.

Le commentaire sur La carte et le territoire est toujours en gestation...

lundi 18 octobre 2010

Une forme de vie

Amélie NOTHOMB, Une forme de vie, Albin Michel, Paris, août 2010 (169 pages).

Avant de mettre en ligne le commentaire sur La carte et le territoire, je vais expédier celui du NOTHOMB 2010, petit cru de l'annuelle récolte de belge romancière. Expédié, pour la lecture, en un peu plus de deux  petites heures, allegro sostenuto, mais sans me presser, entre deux films du Festival du Nouveau Cinéma, que je fréquente avec assiduité cette année ayant gagné un laissez-passer, je crois l'avoir déjà mentionné.

On se demande s'il y a un rapport quelconque entre le titre et la photo de la couverture, tant celle-ci évoque pour moi, par le traitement de l'image et de la couleur, les undead chers au cinéma d'horreur américain. De quelle forme de vie peut-il en effet s'agir ?

Je renoue avec l'auteur, que j'avais fréquenté, naguère, en même temps qu'un romancier d'ici, amoureux que j'étais, alors, de l'idée d'être amoureux d'un littéraire -- j'en suis revenu assez rapidement, de l'idée et du scribe, lequel est, par la suite, pardonnez la digression, devenu le nègre d'une personnalité politique -- et dont j'avais lu les premiers ouvrages jusqu'à la Métaphysique des tubes. NOTHOMB ne provoquait pas alors l'agacement qu'elle a suscité depuis dans le milieu littéraire parisien, et on pouvait encore la lire, et en parler, sans passer pour un plouc. Elle était toutefois sortie de ma vie et de ma bibliothèque, passée par pertes et profits de ma brève liaison littéraire.

Roman en partie épistolaire, donc, que je qualifierais davantage de longue nouvelle. Surtout avec la chute, une espèce de pirouette, de la fin.  Comme nous n'avions qu'un tout petit sujet pour notre opus de la rentrée, nous y ajoutâmes notre commentaire sur notre imposante correspondance d'auteur célèbre, et le tour fut joué. Un salut à la Princesse de Clèves, actualité oblige, ainsi qu'une petite digression sur la prétérition, l'Académie appréciera si jamais nous songions à devenir le deuxième fauteuil belge, et ite missa est. En tout état de cause, le lecteur s'y laissera prendre, encore qu'il puisse trouver la métaphore de l'obésité -- filons celle-ci un peu plus -- un peu lourde.

Un clic sur le titre vous ouvrira la page Wikipedia sur Amélie NOTHOMB.

samedi 16 octobre 2010

La carte et le territoire I

Michel HOUELLEBECQ, La carte et le territoire, Flammarion, Paris, Septembre 2010 (428 pages).
HOUELLEBECQ auteur et personnage de ce roman, déjà propulsé dans la stratosphère des ventes (en France du moins) et promis au Goncourt (c'est le tour de Flammarion). Cela dit, je n'ai vu personne en train de le lire dans le bus ou le métro, ni dans aucun café, ni même à la bibliothèque. Quand on achète un livre : le lit-on ?

Mon commentaire sera pour le prochain billet, mais, d'entrée, regardez la photo de la quatrième de couverture. Peut-on photo plus « anti-photo » ? Lucide, HOUELLEBECQ se décrit, dans le roman, comme « une vieille tortue malade ». On ne peut que corroborer.

vendredi 15 octobre 2010

Pause

J'ai terminé la lecture du HOUELLEBECQ, et commencé celle du NOTHOMB, mais voici que je viens de gagner un laissez-passer pour le Festival du Nouveau Cinéma et je vais sans doute passer beaucoup de temps dans la pénombre. Ce soir j'ai vu Mammuth à l'Impérial, en voici la bande annonce.

mardi 12 octobre 2010

FOGLIA sur HOUELLEBECQ : « Y m'énarve »

Le jeudi 7 octobre, le billettiste de La Presse, Pierre FOGLIA, donnait, avec sa verve habituelle, son commentaire du nouveau roman de Michel HOUELLEBECQ, La carte et le territoire. J'ai pensé intéressant de partager avec vous. Un clic sur le titre de l'article vous ouvrira le texte intégral du billet en cause : « Y m'énarve ». J'en suis, pour ma part, arrivé à la moitié de l'ouvrage, et, si je ne suis pas en complet désaccord avec FOGLIA, je serais plus nuancé. À suivre dans quelques jours.
« Jean Daniel, l'éditorialiste en chef du Nouvel Observateur - qui ne passe pas pour un rigolo -, commençait pourtant une de ses récentes chroniques en s'amusant du «grand événement culturel» de la rentrée: Michel Houellebecq.

» Je ne vois pas pourquoi, sourit Jean Daniel, je serais le seul à ignorer le plus grand événement de ces jours derniers...

» Moi aussi d'abord, je ne vois pas pourquoi je serais le seul à ignorer M. Houellebecq, très certainement le prochain Goncourt, j'ai fini ce matin son roman, un peu rasséréné par les dernières pages de l'épilogue, les plus inventives.

» Comment cela un peu rasséréné ? Étiez-vous donc agacé ? Ce ne serait pas le grand roman que la critique célèbre presque unanimement?

» Si, c'est un bon roman. Mais il serait encore meilleur s'il avait été écrit par quelqu'un d'autre.

» Vous voulez dire mieux écrit ?

» Non, je veux dire écrit tel qu'il est là, à la virgule près, mais par quelqu'un d'autre qui ne me chaufferait pas les oreilles, tandis que je le lis. Un auteur sans le brouhaha que nous apporte toujours M. Houellebecq avec ses livres, un auteur qui écrirait exactement le même roman sans que cela devienne un "événement". Un Américain tiens, Roth ou Moody, même Ford et je serais là à m'exclamer et à vous envoyer chez le libraire: courez acheter le dernier Moody, The Map and the Inland - La carte et le territoire.

» Un bon roman dont l'art est "l'objet" central, à moins que l'objet central soit M. Houellebecq lui-même, en grande conversation avec lui-même, sur l'art, l'amour, le travail, l'économie, la fonction des objets, etc. Il y a au moins trois ou quatre Houellebecq dans ce roman de Michel Houellebecq, si bien que lorsque Michel Houellebecq se fait assassiner, cela ne dérange pas du tout, il en reste tout de même deux ou trois pour terminer le livre.

» Le truc a beaucoup plu aux lecteurs et aux critiques: dans ce livre de Michel Houellebecq, il y a effectivement quelqu'un qui assassine Michel Houellebecq. Cela nous vaut 100 pages d'une enquête policière à la Maigret mais sans la pipe; franchement, je n'ai pas très bien compris le pourquoi de cet assassinat.

» Un bon roman mais qu'est-ce qu'il peut m'énerver à flatter ses amis (Beigbeder), à picosser les journalistes (ces nuls). Qu'est-ce qu'il m'énerve avec ses clins d'oeil aux initiés, comme ce flic qui lit Gérard de Nerval à la cafétéria, ben tiens! Pourquoi pas! Après tout, ma grande soeur, celle qui est toiletteuse pour chiens, a bien fait sa thèse sur Giambattista Tiepolo entre deux poodles. Et Emmanuel Bove bien sûr, qui traînait par hasard dans les rayons d'une bibliothèque. Vous savez qui est Emmanuel Bove ? Ah non ? Je vous le prêterai, vous allez tellement vous amuser.

» Il m'énerve surtout dans ses petits couplets libertariens, ainsi quand il rêve qu'un jour les Français seront "animés d'un vif appétit d'entreprise, aux convictions écologiques modérées, commercialisables", et qu'ils seront enfin pénétrés "d'une connaissance précise des lois du marché, lucidement acceptées".

» Lucidement. On dirait du Lucien Bouchard. »

jeudi 7 octobre 2010

Présentation

Tout compte fait, je préfère revenir à l'ancienne présentation. Merci à ceux et celles qui m'ont communiqué leurs commentaires. En revanche, vous aurez désormais la possibilité de vous inscrire à mon blog à l'aide d'un lecteur de flux.

mercredi 6 octobre 2010

Présentation

Tout compte fait, je préfère revenir à l'ancienne présentation. Merci à ceux et celles qui m'ont communiqué leurs commentaires.

Présentation

Je viens de modifier la présentation du chapeau en y plaçant, en arrière plan, une photographie de ma bibliothèque. Cela rend-il le texte difficile à lire ? Lecteurs, prononcez-vous.

Éclectisme

Le hasard des réservations à la bibliothèque fait qu'arrivent le même jour sur ma table deux ouvrages phares de la rentrée littéraire en France. Les nouveaux HOUELLEBECQ et NOTHOMB. Et un court délai de trois semaines. Le premier comptant plus de 400 pages, j'ai décidé de commencer par lui. Je compte aussi profiter des trois heures du trajet en train de Montréal à Québec, où je me rends pour quelques jours, pour bien l'avancer.

Je puis vous dire, déjà, qu'après une cinquantaine de pages so far, so good. Comme dirait Marguerite DURAS.