mardi 26 février 2013

Aline




Charles-Ferdinand RAMUZ, Aline, Les Cahiers Rouges - Grasset, avril 2002, éd. originale 1905 (144 pages) --  support papier + électronique.

La campagne dans le canton de Vaud, en Suisse, au début du XXe siècle, c'est en 1905 peut-être, mais ça aurait bien pu être en 1705 ou en 1505. C'est ainsi : les homme sont les hommes, et forts, les femmes parlent et sont les choses des hommes, les saisons vont et reviennent, comme le service à l'église le dimanche, les semailles et les moissons.

Quand un homme voit une jeune fille sur son chemin, et qu'il est le Julien Damon, et qu'elle est l'Aline, la fille de la veuve Henriette, il peut lui parler. Et s'il lui parle, c'est qu'il veut la voir. La voir et l'avoir. Même qu'il lui donne de belles boucles d'oreilles, mais qu'elle ne pourra porter, vu que sa mère, à elle, ne comprendrait pas.

C'était si bon l'amour pour elle : « Quand on aime, le temps où on ne s'est pas aimé est comme une belle robe qu'on n'a pas mise. » Elle, l'Aline, pour le Julien elle était un peu comme un nouveau jouet, mais dont il se lasse bientôt. « Il était pareil à un homme qui s'est assis à une table servie et se lève quand il n'a plus faim. Il se lève et on voit qu'il va s'en aller et qu'on ne peut plus le retenir, parce que l'amour qu'il avait était une faim qui passe, comme la faim passe. »

C'est ainsi depuis toujours.

Une nuit, il ne vint pas. « D'abord elle crut seulement que Julien était en retard. On ne fait pas toujours ce qu'on veut; voilà ce qu'elle se disait. Mais, à mesure que le temps passait, elle devenait plus agitée, à cause de ses imaginations. On pense à la maladie, on pense à la mort : elle ne pensait pas à la seule chose véritable, qui est la cruauté des hommes. » D'autant plus que l'Aline, elle n'était pas bonne à marier, elle n'avait pas de biens la fille de la veuve Henriette. 

C'est ainsi depuis toujours.

Et puis, peu après : « Il faisait un petit temps gris un peu frais, et il soufflait un rien de bise. Le ciel avait des nuages blancs tout ronds qui se touchaient comme les pavés devant les écuries. Les vaches dans les champs branlaient leurs sonnailles de tous les côtés. » Elle lui montra son ventre, c'est vrai; « fiche moi le camp », dit le Julien à l'Aline. C'est dire que ce n'était pas une bonne fille, maintenant tout le village savait.« Les choses viennent, on ne peut pas les empêcher. » Julien, lui, est en bonne santé et content de vivre, les gens disaient : « Celui-là, il a eu au moins une femme qui l'a aimée. » Mais ne disaient rien d'autre. Le malheur, un vrai malheur, finira bien par arriver.

C'est ainsi depuis toujours.

Cela finira bien au cimetière : « C'est un endroit plein d'oiseaux, de fleurs et d'ombre. Il y a un vieux mur qui croule pierre à pierre parmi les orties et les coquelicots. Des ifs et des saules pleureurs ombragent les tombes aux noms effacés; les couronnes de verre, suspendues aux croix de bois, tintent quand il fait du vent. Il y a aussi des tombes oubliées, pleines de mousse et de pervenches. Les fauvettes, les mésanges qui sont farouches et les chardonnerets qui sont verts et gris, avec un petit peu de rouge, nichent dans les branches. Et les marguerites, l'esparcette, la sauge, le trèfle, fleurs des champs semées là par la brise, s'ouvrent parmi les hautes graminées. »

Il y a les hommes, il y a les fauvettes, les mésanges qui sont farouches. C'est pourquoi on lit Ramuz, pas pour les cinquante nuances de gris des pavés de saison, pour les fauvettes, les mésanges qui sont farouches.

C'est ainsi depuis toujours.

Présentation

« Une jeune paysanne est attirée par Julien Damon, le coq du village. Son amour grandit, mais il s'éteint vite chez Julien. Aline (1905) est un chef-d'oeuvre de jeunesse, une "symphonie pastorale" où Ramuz décrit avec subtilité la passion et le revirement des cœurs. »

dimanche 24 février 2013

Répliques : la République et les écrivains

Alain FINKIELKRAUT, Répliques, France Culture, samedi 23 février 2013.


Rencontre et dialogue aux sommets. Nul cri, nulle agitation, l'on discute, côté gauche, côté droite, de littérature; l'auditeur en sort instruit.



Invités : Mona OZOUF, La cause des livres, et Alain-Gérard SLAMA, Les écrivains qui ont fait la République.

Écouter aussi l'émission Répliques, où Mona OZOUF parle de La cause des livres, récemment reparu dans la collection Folio-Gallimard.

samedi 23 février 2013

Citation

« J'ai remarqué, bien souvent, que certains personnages de roman prennent à  nos yeux un relief que ne posséderont jamais nos amis ou nos connaissances, tous ceux qui nous parlent et qui nous écoutent dans la vie réelle. »
Fernando Pessoa, Livre de l'intranquilité, cité par Michel Cournot in De livre en livre.

vendredi 22 février 2013

De livre en livre

Michel COURNOT, De livre en livre, L'un et l'autre -  Gallimard, Paris, avril 2012 (296 pages).

J. B. Pontalis, le directeur de la collection L'un et l'autre, décédé en janvier, a, pour notre bonheur, assemblé un florilège d'articles -- peut-on vraiment parler de critiques ? de Michel Cournot, disparu quant à lui en février 2007. Ils sont regroupés autour de quelques thèmes : Autour de la NRF, Paulhan et Michaux, Éditer, Le marquis et la comtesse, Couples, Surréalisme, Du monde entier, Dictionnaires.

L'on n'ira pas jusqu'à affirmer que la qualité de ces articles est telle que l'on pourrait se dispenser de lire les ouvrages visés, mais quelle plume que celle de Cournot, dont on se souviendra qu'il aura travaillé au Nouvel Observateur puis au Monde comme critique de cinéma, de littérature et de théâtre.

Je ne résiste pas -- le fais-je jamais, cher Wilde -- à la tentation de vous communiquer sa vision de son métier :
« J'ai été journaliste, ce qui est quand même très spécial, parce que ce n'est pas de la littérature. Il faut écrire très vite, les articles sont coupés, ils sont plein de fautes d'impression, c'est du papier journal, ça dure un jour. Écrire dans les journaux, qu'est-ce que c'est ? C'est tout simplement faire que n'importe qui puisse lire. Il faut que le moment de lecture -- parce que la lecture, c'est formidable, c'est une activité de l'esprit qui empêche de devenir complètement abruti -- ne suscite pas une déception, une irritation, ou surtout -- c'est le plus grave -- un sentiment de tristesse lié à l'infériorité.

Toutes les lignes doivent être complètement accessibles à la personne qui lit, même un petit morceau de journal. Il faut transsubstantier un compte rendu -- car c'est toujours d'un compte rendu qu'il s'agit, quoi qu'on écrive -- en une lecture qui ne suscite aucun de ces désagréments, aucune de ces douleurs. »

On imagine mal au vu de la grisaille de la réclame qui a aujourd'hui pour nom critique dans nos tristes quotidiens qu'un journaliste pouvait avoir du style -- un style -- et de la passion. Je vous entends moquer ma pente « hier encore... » « il n'y a plus... »; certes, mais je vous mets au défi de prendre n'importe quelle page livre du Devoir ou de La Presse : toujours le même moule, le même formatage, la même langue de bois digne du plus pur stalinisme. Comparez la maintenant avec un paragraphe de Cournot : le texte ne sert pas d'illustration à une photographie, ni de remplissage entre deux publicités. Introduction, développement, conclusion. Il dit, il nous parle.Brillant, je vous le promets, tant qu'on en redemande.

Témoin les quelques extraits qui suivent.

Sur Michaux :
« Chaque livre de  Michaux est un olibrius. Il déjoue en nous l'habitude de lire. Il arrive toujours hors saison, comme un rossignol en décembre, ou la neige au mois d'août.

Ils se ressemblent pourtant, les livres de Michaux. Ils font penser à des quidams immatériels, fine peau de tambour ivoire tendue sur des rochers d'air, immobiles, modestes, d'une diction silencieuse, traversée d'ondes ultracourtes volantes non identifiées. »
Sur Vers libres de Radiguet :
« Presque tous les poètes sont pris, un jour ou l'autre, pas seulement lorsqu'ils sont gâteux, de la démangeaison d'écrire, en lignes soigneusement scandées et soigneusement rimées, des cochonneries pas méchantes. Presque toujours à mots couverts, à grand renfort de comparaisons compliquées. Comme si la prosodie était quand même une servitude, un carcan irrespirable à la longue, et comme s'il fallait faire une pause, casser la baraque en contraignant cette dame respectable et âgée, la poésie, à montrer son popotin et faire des choses défendues. »
Sur la comtesse de Ségur :
« Sophie Rostopchine, soit par le biais de la cruauté des enfants, soit « de plein fouet » par des histoires d'adultes, a en fait porté témoignage, d'une voix plus précise, plus directe qu'un Hugo ou qu'un Balzac (mais avec moins d' "art"), sur les oppressions, les injustices, et les haines d'une société. [...] ... la comtesse de Ségur balaie tous les foyers, tous les idiomes, et elle est le vrai témoin de ce que Marx, par sa phrase célèbre, avait appelé "les eaux glacées du calcul égoïste". »
Sur von Hofmannsthal :
« La prose d'Hugo van Hofmannsthal est l'une des plus belles écrites de main d'homme. C'est une prose d'après la pluie, qui avance au pas, les mains nues, face à ses assassins, faisant taire, à mesure, le brouhaha des alentours, et redonnant aux roses du jour une pureté de premier matin. C'est bouleversant de beauté, de vérité, un point c'est tout. Cette prose n'a qu'un défaut : elle donne froid. Avant d'ouvrir Andréas, on mettra un chandail de plus. Hofmannsthal disait qu'avant le retour des bourgeons, seul le froid neutralise la boue. »
Sur Ramuz :
 « Et, tout de même, oui, prenez un livre de Ramuz. Cet homme était inguérissablement solitaire, et personne au monde n'est plus ouvert au monde que les solitaires, eux seuls ont le temps de vous faire asseoir, de vous écouter, et c'est pour cela aussi que Ramuz est si grand : ses livres écoutent le lecteur, d'un cœur infini. »
Tout est de la même eau.

Si, pour la critique, je place encore et toujours Rinaldi, désormais retranché dans son académicienne  immortalité, hormis pour un billet, parfois, dans la République des livres, pour donner le goût de lire, ce sera désormais Cournot, dont j'aimerais bien émuler la verve et l'enthousiasme, et tenterai d'en faire mon modèle -- trop tard pour une résolution du Nouvel An ?

Un point c'est tout.

Présentation

« Laissez-vous aller, respirez lentement et à fond. Laissez-vous tomber, en douceur. Tombez dans l'enfance, c'est le soir. La lecture est un acte de tout l'être, qui met en feu tous les sens, toutes les facultés. La lecture, c'est la vie de l'esprit, la vie tout court. »

Citation

Régis DEBRAY, Modernes catacombes, Gallimard, Paris, janvier 2013 (320 pages) version ePub.

Après la légèreté des romans d'Alexandre Vialatte et de Jean Forton, on aborde aujourd'hui la plume plus dense mais non moins brillante de Debray, que l'on aime à fréquenter ce cher vieux grognon de gauche.

« On a beau faire des efforts pour se mettre à jour et en conformité avec le dernier cri, on se sent un peu frustré avec le genre d’écriture qui se dit elle-même au lieu de dire le monde, les autoportraits habillés en romans, et tant d’autres acrobaties verbales avec filet. Qu’on ne s’étonne pas si ces exilés de l’intérieur se tournent d’instinct vers un passé littéraire qui, pour eux du moins, ne passe pas, vers des fantômes peut-être démodés, mais dont je ne peux m’empêcher de penser qu’ils en savaient sur nous-mêmes plus que nous. »

mercredi 20 février 2013

Les temps désaccordés de la modernité - La Vie des idées

« Comment, et à quels rythmes, la modernité s’est-elle imposée comme un nouvelle ère historique ? Pour répondre à cette question classique, Christophe Charle met en œuvre une véritable fresque sociale. »

Les temps désaccordés de la modernité - La Vie des idées

Réduire la dette publique, une priorité ? - La Vie des idées

« La priorité est, nous dit-on, de réduire les dettes publiques, pour rétablir la confiance, faire baisser les impôts, relancer la croissance. Selon H. Sterdyniak, une politique générale de restriction budgétaire se traduirait au contraire par une chute de la production, une baisse des recettes fiscales, une dégradation du ratio d’endettement, sans pour autant rassurer les marchés. La crise n’en serait que prolongée. »

la dette publique, une priorité ? - La Vie des idées

La vraie vie est ailleurs

Jean, FORTON, La vraie vie est ailleurs, Le dilettante, Paris, 2012 (version ePub).

 Tout d'abord, fermer les yeux; attendre quelques instants, quelques minutes, juste assez pour que s'évanouissent les vicissitudes du quotidien; puis les rouvrir sur un monde révolu : si c'est un film, ce serait les Quatre cents coups de Truffaut, ou ce serait une photo de Doisneau.

Les années soixante en noir et blanc, comme dans les premiers temps de la Nouvelle vague. Une ville qui ne peut être que Bordeaux, elle aussi en noir et blanc. Voici où nous mène la machine à voyager dans le temps qu'est le petit roman de Jean Forton. C'était hier -- du moins pour qui est au moins quinquagénaire, pour les autres « je vous parle d'un temps que les moins de... » --, et pourtant déjà autrefois, encore que la littérature -- la bonne, s'entend -- appelle une intemporalité où Quichotte, d'Artagnan, la Bovary et Roquentin se côtoient sans anachronisme aucun. Le jours heureux, pour l'essentiel, où l'enfance devient l'adolescence, ceux même où l'on perçoit l'étroitesse du cadre familial, de l'école, de l'innocence :
« La vraie vie était ailleurs. La vraie vie n’existait qu’au cœur de la nuit, quelque part dans cette ville si bien aménagée pour les plaisirs défendus, avec ses recoins d’ombre, ses cachettes, ses lieux complices. »
Soit, au collège, le petit Augustin Lajus, soit, à peine plus âgé, Juredieu, l'ado qui connaît la vie, la vraie vie, soit, enfin, l'attirance du premier pour le second en raison d'une fascination qui tourne à l'admiration, lequel deviendra son mentor en aventures :
« À cet âge charnière, j’étais encore tourné vers l’enfance, occupé à des jeux puérils, étranger à tout ce qui est la réalité de la vie. Juredieu, lui, avait franchi la frontière. Il débouchait sur un monde adulte, encore lointain, certes, mais chaque jour marquait un progrès dans son approche. »
Et que fait-on, adolescent, sinon les quatre cents coups ? Les nuits folles, les filles qu'on drague, les secrets, les jalousies, les envies, les ivresses... La sortie de l'enfance et la découverte de ce que sont, pour de vrai, le bien et le mal, les fidélités, les trahisons, grandes et petites, la mauvaise conscience...
« Nous étions du même âge et de taille à peu près semblable, mais alors qu’en moi tout évoquait l’enfance, à ma grande honte, mes côtes saillantes et mes jambes fluettes, lui-même avait déjà l’apparence d’un homme, il se rasait, portait un soupçon de moustache et avançait dans la vie avec cette assurance de qui a fait définitivement sa mue. À la fois puissant et souple, on le devinait habile à tous les exercices du corps. Son visage allongé était beau : joues creuses, yeux gris comme embués, cils trop longs. »
Bref, l'âge où l'on apprend -- le jeune Augustin le fera -- qu'il faut choisir, décider, et que, désormais, les choix, les décisions ont des conséquences : on devient responsable.

Roman à la première personne, qui pourrait agacer par un côté un peu convenu, notamment dans sa trame, mais d'une plume toujours agile, et d'une grande finesse psychologique. Surtout quand l'auteur s'émancipe du narrateur, ce qui nous vaut d'intéressants aller-retours entre le passé de la narration et le présent de l'écriture. Et qui nous valent des réflexions, souvent empreintes de mélancolie : « L’imagination chez moi rompait délibérément avec le réel, je ne cherchais pas à embellir ma propre vérité, mais au contraire à lui tourner le dos. » ou encore : « Il y avait en moi une insatisfaction tenace, et que je n’aurais pu seulement formuler. L’ennui était en moi, mais sous sa forme la plus vague, la moins exprimable. Et je ne m’en plaignais jamais. »

 De la bien belle ouvrage, donc. Une bonne introduction à l’œuvre d'un auteur oublié et sans conteste méconnu.



Présentation :
« Ne pas s'y fier, surtout ! Sous son aspect discret d'auteur provincial, marié et père de famille, son apparence lisse de libraire bordelais spécialisé dans les ouvrages de droit, le romancier Jean Forton (1930-1982) tire un plaisir patient, une joie sourde, à nous mener dans des zones d'enlisement, à nous perdre au cœur d'espaces de souffrances rentrées, acide rongeur qui affleure dans certains titres de ces huit romans qu'il publia chez Gallimard entre 1954 et 1966. Quelque chose d'acéré et de morbide mine et lacère le monde de Forton, un mal que l'on retrouve dans ce roman inédit que publie le Dilettante : La vraie vie est ailleurs. La maxime rimbaldienne prend là des allures de credo cynique, d'espoir trahi. Ailleurs, certes, mais où ? Ailleurs qu'autour de la table familiale où soupent à heure fixe les Lajus, dont le fils, Augustin, est le héros narrateur; ailleurs que chez les Juredieu, dont le fils aîné, grand drille bringueur et culbuteur de filles, est l'ami d'Augustin, mauvais ange et corsaire en chambre; ailleurs que chez Bérenger et Cléo, oncle et tante d'Augustin, masques d'un carnaval sinistre, ailleurs que dans les bistrots banals où les deux adolescents racolent et picolent, ailleurs que dans les cinémas mués en baisoirs furtifs, ailleurs que dans les chambrettes d'occasion où se font les initiations amoureuses. Ailleurs que dans cette ville placide que secoue soudain la pétarade en chaîne de bombes artisanales. Sans doute un peu dans cet ancien wagon transformé en utopie garçonnière et dénommé Le Nautilus. Une vraie vie possible, un temps, dans la chambre de Vinca, l'amour-phare d'Augustin. Voici donc La vraie vie est ailleurs, roman d'apprentissage provincial et jeu de massacre sans concession où le désir de révolte s'écrase contre le quotidien, la pesanteur d'être comme moucheron sur la vitre. Alors, "Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud !" (René Char)

Jean Forton est né (en 1930), a vécu et est mort (en 1982) à Bordeaux. Après huit romans tous parus chez Gallimard, il cesse de publier en 1966 mais continue d'écrire. La vraie vie est ailleurs est le second roman inédit publié aux éditions Le Dilettante après L'Enfant roi en 1995. »

vendredi 15 février 2013

Congé

Moi rétabli, l'ordinateur s'y met, et passera le week-end aux soins intensifs en raison du décès, après quatre ans de bons services, du disque dur.

En conséquence, pause publication.

jeudi 14 février 2013

Citation

Michel COURNOT, De livre en livre, L'un et l'autre - Gallimard, Paris, avril 2012 (296 pages).

Sur un caractère d'imprimerie, l'Antique Univers 55, à propos du volume I des Oeuvres complètes de Jean Paulhan (1966) :
« Ce caractère lourd, sans déliés, tout d'un bloc, ces lettres qui n'ont pas de jambes ni de pieds mais des piliers, de ciment ces a de scaphandriers, ces s de métallurgie, ces p de marteaux-pilons, tout cet armement n'est pas fait pour exprimer une pensée libre, vivante, mais tout au plus des mots d'ordre, et il est vrai que l'Univers, sur les affiches, lave les cerveaux avec force. Les lettres Univers sont de petites brutes, de petites frappes. Elles font penser aux doigts des types qui ont fait vingt ans de karaté : de la pierre, on peut cogner avec, mais pas écrire une carte postale ou manger des petits pois.

Le caractère Univers n'a que deux dimensions, comme tous les graphismes fabriqués en Suisse. Il lui manque la troisième dimension, la plus décisive : celle de l'esprit, de la culture, du cœur, du hasard. Celle de l'humour.[...] L'Univers fait partie du monde de la technique, pas du monde de la poésie, et je considère que la tentative actuelle d'aliéner les aventures du langage dans des caractères Univers ou consorts est l'une des manigances les plus sournoises des technocrates contre les ferments de l'esprit. »
Univers 55 Font Lowercase Preview 
Univers 55 Font All Caps Preview

dimanche 3 février 2013

Vies & mort d'un dandy - Construction d'un mythe

Michel ONFRAY, Vies & mort d'un dandy - Construction d'un mythe, Galilée, Paris, septembre 2012 (87 pages).

Michel Onfray, on commence à le savoir, n'aime guère les statues, et de celles-ci il en aura bien déboulonnées depuis qu'il s'est, à son université populaire, attaqué à sa contre-histoire de la philosophie. Sous ces coups tombèrent de leur piédestal celles de Platon, Paul de Tarse (dit Saint Paul) et, plus récemment, de Freud et Sartre. Les allées des jardins de la Philosophie étant depuis fort dégarnies, le voici qui vise, à défaut de marbres illustres des bustes de sommités de moindre importance et, en l'espèce, remue des cendres de peu de conséquence, celles de George Bryan Brummell, dit Beau (1778-1840). On comprendra Onfray de vouloir dénoncer tel imposteur de l'hédonisme, dont la gloire, essentiellement posthume, est due à une affabulation littéraire de deux autres dandys, Jules Barbey D'Aurevilly et Charles Baudelaire; et, en conséquence, on voudra bien parcourir ces quelques quatre-vingts pages, d'un pas aussi leste que le ton l'est, promenade qui nous apprendra tout de la vie de ce personnage, et de la façon dont ce triste sire -- selon notre Onfray de philosophe, est devenu une notion.

Par parenthèse et comme l'on est en territoire d'élégance, l'on aura remarqué l'usage de la perluète dans le titre : une petite coquetterie.

Présentation :
« Brummell fut le Prince des Dandys, dit-on. Il fut aussi et surtout un individu grossier, égoïste, agressif, ironique, cynique, malpoli, menteur, escroc, insultant, arrogant, suffisant, prétentieux et, bien sûr, content de lui, vivant de reprocher aux autres leur mauvais goût, leur inélégance, leur fatuité, leur manque d'éducation.

Ce personnage réel, recouvert par son mythe et sa légende, fut l'étoile brillante de la société mondaine anglaise pendant une vingtaine d'années, avant d'être, pendant un quart de siècle, sur le sol français, un pitoyable personnage, un raté minable, un pique-assiette mal élevé, un misanthrope syphilitique, un gâteux, puis un demi-fou enfermé à l'asile.

Comment un homme si détestable a-t-il pu devenir le personnage conceptuel du dandysme pensé comme une éthique de l'élégance et de l'aristocratie, du bon goût et de la singularité ? De quelle manière cet adulte, qui ne fut jamais qu'un gamin mal élevé, est-il devenu l'incarnation du poète de l'existence ?

Par la grâce d'un autre dandy, Jules Barbey d'Aurevilly, qui publie Du dandysme ou de George Brummell, et de Charles Baudelaire. Brummell fut un déchet; Barbey en fit un astre noir; Baudelaire, un feu latent qui pouvait rayonner, mais ne voulut pas... Le dandy a-t-il encore des choses à nous dire en ces temps nihilistes ? »