samedi 30 avril 2011

Citation - Daniel MENDELSOHN

"Distinguer l'œuvre, la vraie, celle qui agrandit la conscience de soi" - LeMonde.fr:

Propos recueillis par Florence Noiville, du Monde (22 avril 2011). Ayant lu, à sa sortie, la version originale de Si beau, si fragile, How Beautiful it is and How Easily it can be Broken, je compte bien y revenir. « Chacun peut se prendre pour un critique » : n'est-ce pas ce que je fais ? Je n'en ai pas la prétention toutefois, mais suffit-il de ne pas vouloir ? Sans posséder l'érudition, ni la culture, de Mendelsohn, je m'applique -- le plus souvent -- à mettre en œuvre la méthode qui est la sienne. Conscient toutefois de contribuer, volens nolens, au bavardage médiatique. Aime, aime pas : quelle importance au fond ?

« Avec Internet, chacun a une opinion, chacun peut se prendre pour un critique. Tout cela a bien sûr des implications positives. Mais on perd de vue que ce métier n'est pas seulement affaire de goût ou d'émotion. Autrefois, les critiques avaient mon profil : une formation, une plume, une personnalité. C'est cela qu'il faut remettre au goût du jour. Trop souvent, les journaux sont dirigés par des hommes d'affaires qui font un mauvais calcul : ils limitent l'espace alors que le public a de plus en plus soif de longues analyses. Mon job à moi consiste à écrire pour des gens ordinaires, mais en combinant passion, style et érudition. C'est cela qui me distingue. C'est pour cela qu'on vient vers moi. Pas forcément parce que j'en sais plus au départ. Mais parce que j'ai travaillé. Et les lecteurs le sentent. Ils voient que j'ai bien "fait mes devoirs" avant de leur expliquer pourquoi telle œuvre vaut la peine ou non. »


– Envoyé à l'aide de la barre d'outils Google"

Les lettres de refus, ou l'art de dire non - LeMonde.fr

Les lettres de refus, ou l'art de dire non - LeMonde.fr: "– Envoyé à l'aide de la barre d'outils Google"

Un genre littéraire peu susceptible de déchaîner l'enthousiasme des foules, la lettre de refus. Je retiens, de l'article du Monde du 15 avril dernier sur ce sujet, celle d'Yves Berger, directeur littéraire chez Grasset de 1960 à 2000 :
«Vous êtes à la littérature ce qu'un cul-de-jatte est à la course à pied. »

samedi 23 avril 2011

Pastiche

Patrick RAMBAUD, Quatrième chronique du règne de Nicolas Ier, Grasset, Paris, janvier 2011 (182) pages.

Le pastiche est devenu un genre trop rare qu'on ne doit pas se priver quand une perle nous passe entre les mains, et qu'on ne jettera pas aux pourceaux. Dût-on prendre congé du très beau roman que, par ailleurs, on l'a dit, on savoure quotidiennement.

Cette quatrième chronique, toujours dans un style à la duc de Saint-Simon, s'étend de l'été 2009 à l'été 2010, et suit les déboires nombreux de Nicolas le Névrosé (il y a bien eu un Louis le Gros et un Charles le Chauve) et de son parti impérial.

Nicolas Ier ou, de la France, le Chatouilleux, l'Intense, le Mirobolant, le Népotique Leader; le Nerveux, le Fantasque, le Sautillant, le Frémissant Souverain; le Grand Rusé, l'Adorable Autocrate, le Précieux, le Délicieux Monarque; le Truculent, l'Essentiel Potentat; l'Universel Despote; le Truculent Tyranneau; on en passe, et des meilleurs.

On retiendra en particulier le narré de la vilaine grippe aviaire et l'affaire Polanski. Et les nombreux crayons des ministres et courtisans du Prince.

vendredi 22 avril 2011

Les jardins statuaires





Jacques ABEILLE,
Les jardins statuaires, dessins de François SCHUITEN, Éditions Attila, Paris, 2010, première édition aux éditions Flammarion en 1982 (473 pages).

Quand on parle de « beaux livres », c'est généralement que, Noël approchant, les éditeurs et marchands nous proposent de lourdes galettes et briques richement illustrées, érudites ou non, qui finiront en décoration de la table à café du salon. Les Éditions Attila font de beaux livres à l'année. Témoin la nouvelle édition de ce roman, et qui marque mes débuts en photo : voici, avec une petite mise en espace, les deux couvertures ouvertes.

Mais il y a plus, et j'y reviendrai, un magnifique roman, que je me hâte de savourer lentement depuis trois semaines et qui me laisse, page après page, complètement ravi. N'attendez pas ma bafouille pour vous le procurer en librairie ou à la bibliothèque; pour moi, il me réconcilie avec le roman, avec lequel le pavé, aussi suffisant qu'insuffisant, d'un certain scribe d'ici m'avait brouillé.

Présentation de l'éditeur

« Que dire d'une oeuvre si ample qu'elle échappe aux catégories littéraires ? Les Jardins statuaires, c'est à la fois une fable, un roman d'aventure, un récit de voyage, un conte philosophique. À une époque indéterminée, un voyageur découvre un monde mystérieux où, dans des domaines protégés par de vastes enceintes, les hommes cultivent des statues...

» Nourri à la lecture des surréalistes, mais aussi des romans populaires, Jacques Abeille (né en 1942) a créé une oeuvre qui rejoint celles de Mervyn Peake, de Julien Gracq, de Tolkien, mais dont le destin dessine une légende noire : tapuscrit égaré, faillites d'éditeurs, incendies et malchances ont concouru pendant trente ans à l'occultation de ce roman sans équivalent dans la littérature française. »


samedi 16 avril 2011

Retour parmi les hommes

Philippe BESSON, Retour parmi les hommes, Julliard, Paris, janvier 2011 (213 pages).

Étrange paradoxe que ces suites données aux romans -- certes la vie est généralement paradoxale, pour tout a donné, il y a un anti-a, mais c'est là un autre sujet --, le lecteur qui a en apprécié un désire en savoir plus sur les personnages qui l'ont fait sortir du temps. Un plaisir à répétition ? C'est dire que le roman devient pour lui une biographie. Prenez les mousquetaires de DUMAS ou le Holmes de CONAN DOYLE; c'est qu'il en redemande le lecteur, au point que, pour les second, l'auteur a dû ressusciter son héros, dont il voulait s'affranchir. Pourtant, si les suites ont pu connaître un succès public, se pose la question de la valeur littéraire de celles-ci.

Pour ce qui est de l'histoire, le roman de BESSON s'ouvre sept ans après la fin de En l'absence des hommes. La présentation de l'éditeur résume très bien le récit que fait Vincent, le narrateur, de son errance dans le chagrin et de sa rencontre avec le jeune RADIGUET. Si jeune, Vincent, et pourtant captif d'Eros et de Thanatos, la vie se répète tragiquement.

Bref, ce retour ne m'aura séduit qu'à moitié : est-ce l'impression de mièvrerie qui se dégage de l'écriture de ce jeune homme (celle du narrateur, ou bien celle de l'auteur) ? Une espèce de perfection toute parnassienne, où chaque adjectif est bien à sa place, les tentures lourdes et les fauteuils profonds. Et contrairement à ce que l'on disait autrefois en Gaule, bis repetita non placent...

Mais pour qui voudra un petit plaisir coupable, la chose est brève et bien tournée : voilà deux heures de sentimentalité à peu de frais. On ne fait pas pire à la télévision.

Présentation de l'éditeur :
« En 1916, à la mort d’Arthur, son jeune amant tué au combat, Vincent de l’Etoile, héros d’ En l’absence des hommes, s’est enfui. En Italie, d’abord, puis au Moyen Orient, en Egypte, au Soudan, en Abyssinie sur les traces de Rimbaud, en Syrie, au Liban ; errance de vagabond inconsolable, miséreux et rêveur ; puis c’est la traversée de l’Atlantique dans un bateau d’émigrants, l’Amérique, le New-York des années vingt. Après quelques années de dérive à traîner son deuil à travers le monde, Vincent retourne en France en 1923 ; c’est un peu comme s’il acceptait enfin la mort d’Arthur. Quand il retrouve sa ville natale, il ne reconnaît rien et peine à trouver sa place dans ce Paris des années folles. Son mentor, l’écrivain Marcel Proust, est mort lui aussi. Mais le hasard va le mettre en présence de Raymond Radiguet qui vient de publier Le diable au corps. C’est un très jeune homme, talentueux, brillant, charismatique qui séduit profondément Vincent. L’attrait est réciproque bien que Radiguet soit hétérosexuel. Avec cette énergie et cette joie de vivre qui est la sienne, l’écrivain en vogue, protégé de Cocteau, entraîne son nouvel ami dans les milieux intellectuels parisiens et les folles nuits de Montparnasse. Mais il existe une face sombre de Radiguet. Une fêlure chez ce garçon de vingt ans qui malgré sa gloire éclatante et brutale semble pressentir le sort tragique qui le guette et cette fièvre typhoïde qui va le tuer en décembre 1923.

» Déambulation hypnotique à travers le monde, qui convoque les fantômes de Kafka, Rimbaud, Nizan ou Dos Passos, voyage solitaire où le héros se perd et se dissout plus qu’il ne se reconstruit, où le déracinement demeure même une fois retrouvées ses racines, ce très beau livre à la fois grave et lumineux, est un chant d’amour déchirant à la gloire des êtres aimés à jamais disparus, un livre sur la douleur vécue comme exil intérieur. »



mercredi 13 avril 2011

Essai sur la jalousie -- L'enfer proustien





Nicolas GRIMALDI, Essai sur la jalousie -- L'enfer proustien, PUF, Paris, septembre 2010 (163 pages).

Cinq cents messages m'avertit la page d'accueil de Blogspot. Déjà ? Moi qui me reproche constamment mon manque de discipline, de ne pas écrire à chaque jour, de ne pas assez lire, moi dont les heures ne sont pas assujetties au travail, mais qui les dissipe en occupations aussi futiles qu'inutiles. Cinq cents, la machine ne peut se tromper. Voici donc le cinq cent-unième.

Le MALRAUX est depuis une dizaine de jours ouvert à la même page, barrée de son signet, en diagonale, comme un évangile oublié. L'homme précaire et la littérature attendra encore un peu. Trop de livres sont arrivés en même temps à la bibliothèque, et de forts volumes, qu'avec la meilleure volonté je ne pourrai finir. Un rhume de printemps est passé là-dessus et cent paresses aussi. C'est donc du côté de PROUST, comme toujours, que je me suis rendu avec ce bref essai sur la jalousie.

Qu'en ferez-vous, vous qui n'avez pas franchi les premières cent pages de la Recherche ? Eh bien ! ces petites mais denses cent soixante-trois pages pourraient, filons la métaphore alimentaire, constituer une agréable mise en bouche, comme on dit maintenant en restauration; et la révélation qu'avec le Temps la Jalousie est, bien plus que l'Amour, le sujet capitalissime de l’œuvre de PROUST.

GRIMALDI analyse la thèse de PROUST que loin de découler de l'amour, la jalousie est un sentiment qui le précède; mieux, qui est essentiel à la naissance de celui-ci. Il suit deux des personnages du roman, Swann et le Narrateur, le premier avec Odette, le second avec Albertine. Deux femmes pour qui ils ont, à prime abord, du désir certes, mais qui ne les intéressent pas vraiment, qui ne sont même pas de leur genre. Pourtant, ils donneront chacun tête première dans les filets de la jalousie quand, après leur avoir cédé, ils découvriront que, contrairement à leurs prétentions, elles ne sont que mensonge et fabulation. D'où une angoisse qui engendrant le soupçon aboutira à la jalousie et à sa souffrance.

La jalousie souffrance, la jalousie maladie, la jalousie incurable, car la mort de l'autre ne l'éteint pas, mais au contraire la maintient ardente, car, c'est le cas du Narrateur, le soupçon sur les infidélités d'Albertine et sa double vie vient, rétroactivement, troubler le souvenir de leur liaison.

La jalousie n'a aucun rapport à la réalité, elle est inventée et vécue comme une fiction, elle est comme un jeu pour le jaloux, à laquelle il feint de croire d'autant mieux qu'en fait on n'y croit pas : elle est « une scénographie de l'imaginaire ». Témoin, la petite fille qui pleure parce que sa poupée est malade, tristesse réellement sentie, même si elle sait que sa poupée n'est pas plus malade qu'elle n'est un enfant.

Les historiens (on ne les lit pas assez) nous enseignent que « l'amour » est une invention bien récente. Une idéologie. Et la jalousie, la mère de cette idéologie. Voilà donc une bien instructive lecture, qui nous en apprend plus sur nous -- n'avons nous jamais été jaloux, amoureux -- que tous les manuels de psychologie et, surtout, tous ces livres qui nous promettent le bonheur avec l'autre. Il ne s'agit peut-être pas de perdre ses illusions, mais d'apprendre à jouer... Bonne lecture.
« On arrive, sous forme de soupçons, à absorber journellement à doses énormes cette même idée qu'on est trompé, de laquelle une quantité très faible pourrait être mortelle, inoculée par la piqûre d'une parole déchirante. C'est sans doute pour cela, et par un dérivé de l'instinct de conservation, que le même jaloux n'hésite pas à formuler des soupçons atroces à propos de faits innocents, à condition, devant la première preuve, de se refuser à l'évidence. »
Marcel PROUST, La prisonnière.

mercredi 6 avril 2011

Citation

Jean PAULHAN, au comité de lecture de Gallimard, sur un manuscrit pouvait dire :

« C'est très bien, c'est bien écrit, c'est bien fait, c'est bien composé, mais c'est un livre que c'est pas la peine. »