jeudi 30 juin 2011

Je ne suis pas une laitue damascène

Pour bien comprendre les dangers que font courir Internet, par la tentation de facilité, à la presse, et, par abus de confiance, à tout un chacun, on prendra connaissance de la supercherie rapportée dans le Monde du 24 juin dernier, dont voici le titre :
Un blogueur peut encacher un autre

Sur son blog,Amina, «la lesbienne de Damas», se disait en danger. Elle avait reçu le soutien de la cybermilitante américaine Paula Brooks. Mais,en fait, Amina s’appelle Tom,et Paula, Bill.
Pour moi, qui ne suis que moi, encore qu'il me soit presqu'impossible de le prouver, j'avoue quelque envie pour ces deux papis imposteurs. Laitue, et de Damas encore, imaginez l'audience que mon confidentiel de blog aurait eue ! Las, je préfère la qualité de mon lectorat. Pour les non initiés, le nom du légume sert de pudique métaphore pour ménager la susceptibilité de tel/le de mes lecteurs/trices qu'indispose le nom ou adjectif, qui commence également par un « l » et se termine lui aussi par un « e » et désigne les disciples de Lesbos. Vous voyez, lecteurs, que nous sommes, dans nos pages, au delà du politiquement correct, dans l' « implicitement correct » !

Comme le dit au jour le jour Philippe Meyer, citant Molière : « Le ciel vous tienne en joie ».

lundi 27 juin 2011

Le neuf se fait attendre - II

Arthur BERNARD, Le neuf se fait attendre, Éditions cent pages, Grenoble, octobre 1995 (186 pages).

Liquidons ces quelques commentaires qui traînent dans mes brouillons (tout en prenant garde de modifier, merci Blogspot, la date de publication).

Je vous ai laissés, deux chapitres lus, sur une tentative de vous communiquer mon enthousiasme. Je persiste et signe aujourd'hui ayant lu les huit suivants.

L'intrigue est toute simple, et, ô joie, n'appelle aucune exploration ombilicale.

En quelques mots :

En une ville X, avec sa cathédrale « joyau de l'art roman », le personnage A, au cinéma, rencontre le personnage B. A accueille B chez lui, quartier bourgeois, adresse du bon côté de la rue. A est fondé de pouvoir, B intérimaire. Pétanque et péripéties diverses dans le petit monde de la ville, où il est question de l'espoir du genre humain. Retour sur l'histoire familiale desdits A et B. A rencontre A', liaison puis mariage dans la haute. B rencontre B', liaison puis mariage à la périphérie. On se perd un peu de vue, ainsi va la vie. Quelques temps après, rencontre fortuite, avec rejetons de part et d'autre : « L'avenir nous appartient [...]. C'est demain l'an 2000, le neuf se fait attendre ! »

J'insiste : quel bijou de prose sur ce scénario somme toute conventionnel. Mais, depuis que le roman est roman, combien de fois nous a-t-on, même chez les meilleurs, resservi Montaigu et Capulet ?

Le style :
« On avait mis Dupuis dans le nouveau cimetière, près des voies de chemin de fer à l'ouest de la ville, sur le décumane*, l'ancien était trop plein, trop habité. Dans le nouveau, s'alignaient les débuts de rangées, des commencements pour toutes ces fins, quelques mètres carrés remués ou maçonnés, un terrain encore vague un vague gazon, des allées ocres la terre battue, le tennis des allongés. Un mur de moellons séparait à peine les pauvres morts de ces halles préfabriquées où l'on vend de tout pour tout, aqualand pour la piscine et le poisson d'agrément, jardineland pour les semis et les rosiers, zooland pour les zoophiles. »

« On ne va pas skier le reste de notre vie sur les neiges d'antan. »

« La pasta, le minestrone étaient tombés sur le joues de Lièvremont (personnage A), le menton tirait vers le bas. Il tenait par la main un garçonnet, cinq ans à peine, habillé comme papa pour son âge un vrai petit homme, l'homme descend de l'homme se dit Cœurderoy (personnage B), la voilà la vraie malédiction du genre humain. »
* Voilà un mot qui m'a donné du fil à retordre, même Google s'y est perdu. Remontant au latin, il s'agit d'une « allée qui va du levant au couchant. »

Citation : Jacques CHESSEX

« Vous prendriez Flaubert comme médecin ? Ou pour un sage ? Ou pour un mage ?

- Ne vous moquez pas trop vite, Monsieur l'ironiste, Flaubert est tout cela à la fois. (...) Soyons précis. Dans une époque où consternent l'aplatissement de la langue et l'épaississement extatique de la bêtise, où l'esprit critique fait place à l'injure et à l'arrogance épanouie des bateleurs de télévision, où la précipitation et le bâclage suintent des pages de trop de livres annoncés comme des découvertes essentielles, où la suffisance universitaire relève de la pantalonnade de tréteaux, la colère, l'humour et l'ironie de Flaubert sont une formidable source de résistance à ces bassesses.

- Et vous relisez Flaubert ?

- Quand submerge la fatuité, vite relire L’Éducation. Quand triomphent le cynisme mercantile et le profit, au plus tôt reprendre Un cœur simple. Quand dégoûte la monotonie des platitudes littéraires et politiques, sans tarder se replonger dans toute la Correspondance. »

Jacques CHESSEX, L'Interrogatoire , p. 110-111

Voilà un auteur qui avait un avis sur notre monde. Je n'apprendrai maintenant à personne que, pour moi, l'auteur refuge, en cas de déprime sociétale est PROUST.

dimanche 26 juin 2011

Vies de Job - I


Pierre ASSOULINE, Vies de Job, Gallimard, Paris, janvier 2011 (491 pages).

Vanté par la critique ce roman porte sur Job, certes, mais surtout sur ce que la lecture de ce livre de la Bible a apporté à l'auteur. C'est le premier livre de cet auteur que je lis, dont je suis pourtant le blog et les articles (il est au Monde).

J'aime son style, une phrase lente qui a du souffle; différent certes du style vif et léger qui fait mon bonheur, ce n'est pas la moindre de mes contradictions. Il est tout aussi agréable de déambuler paisiblement sur un chemin ombragé, à main gauche le lent cours du canal du Midi que de suivre le parcours torrentueux de la rivière du Nord au dégel.

J'en suis encore au prologue quand je tombe sur le paragraphe suivant :
« Tout homme a besoin de son au-delà, quelle que soit sa forme. Sinon la vie ne serait que désarroi. Ne resterait plus qu'à errer dans la ville en couvrant d'anathèmes tous les jours de son existence tout en se gardant bien de maudire celui de sa naissance. Misère de l'homme sans au-delà. »
Feu rouge. Pas d'accord avec ce besoin de béquille post-mortem. Si j'entends bien, avec Michel DEBRAY, l'utilité -- la nécessité -- d'un spirituel : l'au-delà permettant à l'ici-bas de fonctionner, je rejette la malédiction qui frapperait celui qui ne donne pas dans la crédulité universelle (ce que les gens qui en sont nomme foi). Résolument du côté de Michel ONFRAY à cet égard. Pas crédule, lucide sur la condition humaine : les dieux sont une explication, un liant; un mythe -- une idéologie dirait-on de nos jours.

Je poursuis cependant.

vendredi 24 juin 2011

Si beau, si fragile - Essais critiques

Daniel MENDELSOHN, Si beau, si fragile - Essais critiques, Flammarion, Paris, 2011 (428 pages); titre original : How Beautiful it is and How Easily it can be Broken, traduit par Isabelle D. Taudière .

J'ai emprunté à la bibliothèque ce recueil « d'essais critiques » de Daniel MENDELSOHN, un autre des nombreux auteurs américains qui ont plus d'audience en France que dans leur propre pays, et j'ai pris beaucoup de plaisir à en lire quelques unes -- je n'avais pas lu tout le livre lors de sa parution en anglais en 2008. Il est en effet très agréable de lire ce qui ressemble plus à de la critique, et qu'on ne retrouve plus vraiment dans les quotidiens, l'heure étant, on le sait, davantage à la réclame qu'à la réflexion.


Je m'en suis tenu, hier, aux textes portant sur les films, notamment Troie de Wolfgang PETERSEN et Alexandre d'Oliver STONE « qui nous en disent beaucoup plus long sur les angoisses des Américains face à la débâcle en Irak que ne pouvaient imaginer les auteurs de ces films. »

C'est toutefois l'article Le Magicien, analyse de l’œuvre du cinéaste James CAMERON, que j'ai le plus apprécié. Le point de départ est le récent Avatar que,  partant du classique Le magicien d'Oz-- qui a influencé CAMERON --, MENDELSOHN aborde d'un angle bien différent que celui de la critique que l'on a pu lire dans la presse : « un régal visuel d'une grande maladresse idéologique ». L'auteur retrace l'évolution du réalisateur depuis son premier grand succès Terminator en passant par Alien, le retour et Titanic et analyse avec beaucoup de finesse l'approche de celui-ci vis à vis de l'humain et de la machine, de la réalité et de la technique. Pas si simple -- simpliste -- qu'il n'y parait.



mercredi 22 juin 2011

Michel-Ange face au mur


Armand FARRACHI, Michel-Ange face aux murs, L'un et l'autre, Gallimard, Paris, novembre 2010 (118 pages).

Dessiner un portrait subjectif d'un créateur, voilà l'objectif de l'auteur, ce créateur étant Michel-Ange. C'est ainsi qu'il nous est présenté, face au mur, ce peintre malgré lui, qui se voyait davantage sculpteur. Peintre, il le fut, à la demande de Jules II, le pape Della Rovere, le bâtisseur de Saint-Pierre de Rome, de la chapelle Sixtine. Le récit d'Armand FARRACHI nous découvre en effet un personnage ni très avenant, ni très aimable « un homme qui n'aimait ni la vie, ni le bruit ni le temps ni rien... -- on dirait sans doute narcissique, de nos jours --, mais constitue surtout une intéressante réflexion sur la création -- la peinture -- telle qu'aurait pu l'entendre Michel-Ange, la création des formes qui « apaise la violence du monde et protège un peu de ses assauts. » La couleur qui lui rappelait Florence : le gris, le jaune le violet. Pourtant n'oublions pas que, souvent, pour lui, la création partait de la destruction, et pouvait demeurer inachevée.


Le Cercle littéraire de la BnF - Entretien du 14... par BNF

Présentation de l'éditeur :
« Il fallait peindre, et peindre encore, jusqu'à la nausée, peindre dans l'inconfort de postures forcées, peindre debout, assis, agenouillé ou accroupi, raidi par l'immobilité, muscles contraints, tête baissée, ou se tenir longtemps couché, le nez dans le plâtre et les couleurs délayées, en fermant les paupières contre les projections, de même qu'en sculptant contre les éclats du marbre, et lorsqu'il se redressait pour essuyer les brosses, une si rude fatigue accablait ses muscles et lui serrait les os qu'il avançait bossu, nuque torse, vertèbres jointes et, plein de tourment, s'accrochait un instant à la rambarde avant de se risquer sur une échelle, doutant s'il pourrait redescendre sans être précipité au sol, et si ce vertige lui venait de l'étourdissement des sens ou de la tentation du vide. »

Temps perdu

L'informatique a de ces mystères ! Ouvrant le site qui héberge mon blog, site qui fait partie de la grande famille Google, quelle ne fut pas ma surprise de constater que le dernier article publié, Le neuf se fait attendre, portait la date du 13 juin. Rien depuis. Tous les autres, dont le dernier, un recueil de citations daté à l'origine du 20 juin, recevaient une date de publication antérieure de quelques semaines, reportés pour la plupart en mai !

À la réflexion, j'ai constaté que les articles recevaient comme date de publication non pas celle où ils étaient mis en ligne, mais celle où ils avaient été enregistrés comme brouillon pour la première fois.

Ainsi, l'article sur Michel-Ange face au mur, mis en ligne ce matin, est-il daté du 30 mai.

Voilà qui se révèle fort contrariant.

lundi 13 juin 2011

Le neuf se fait attendre


Arthur BERNARD, Le neuf se fait attendre, Éditions cent pages, Grenoble, octobre 1995 (186 pages).


Les hasards de la vie offrent au passant d'ici-bas entre les aléas du quotidien des plaisirs qui le rendent supportable; certains petits, on songera à la première gorgée de bière, et d'autres de conséquence, ne craignons pas le mot, la petite mort. J'en connais un que je qualifierais de « ni-ni » -- on me dit pessimiste --, ni minime, l'occasion est trop belle, ni considérable, plaçons haute la barre , bref un plaisir médian : la phrase de mon libraire : « J'ai un livre qui devrait vous plaire ».

L'objet de la recommandation est un roman d'Arthur BERNARD, dont Wikipedia et même Google troublent à peine la discrétion, et qui date de 1995. Une découverte d'autant plus heureuse qu'elle vient rajeunir la moyenne d'âge de mes auteurs vivants, dont l'effectif compte beaucoup d'octogénaires et nonagénaires. À septante ans, quoi : une jeunesse ! Mon deuxième Grenoblois, avec Pierre SENGES.

Les deux premiers chapitres me confirment l'avis du libraire : nous sommes dans la légèreté. Du côté de Daniel BOULANGER et Roger GRENIER. Et comme il s'agit de piquer votre intérêt, allons-y de quelques extraits :
« La notairesse portait dans la rue des jupes au-dessus du genou et au-dessous de son âge sous un manteau long fendu, le long et le court quel aller-retour, une dialectique ! […] en plus elle avait des idées avancées ! »
Ce n'est pas du ZOLA pour la description, on donne dans l'ellipse; remarquez cet au-dessus et cet au-dessous; à la limite du zeugme, mais fort efficace, et cela dit tout : vous voyez la dame, la reconnaissez. Et la douce assonance. Peut-être aurait-on pu faire l'économie des points d'exclamation.

Et aussi, dans la foulée de la définition du tourisme d'il y a quelques jours :
« Si l'on voyage c'est pour la ressemblance plus que pour le dépaysement, c'est pareil avec les bébés, ces vies nouvelles dans le commerce, ils sont toujours un portrait tout craché, quelqu'un de la famille, l'un ou l'autre côté. »
Pour longue qu'elle soit, la phrase pétille de grâce avec ses virgules, le sens faisant en l'espèce le liant que la construction semble dissimuler. On flirte avec la sentence, la maxime, et cela vous brise le cliché du tout craché.

Vivement le chapitre trois.

Merci, cher libraire.
Présentation de l'éditeur :
« Charles Lièvremont, un fondé de pouvoir installé dans un appartement trop vaste pour lui seul, héberge un soir Victor Coeurderoy, intérimaire sans domicile fixe, rencontré à la sortie d'une séance de cinéma. Les deux nouveaux amis s'entendent bien et sans qu'ils aient à se le dire, Coeurderoy devient le compagnon de vie de Liévremont. Avenue Signorelli, leur existence s'écoule avec la régularité d'un fleuve tranquille. À la manière d'un Bouvard et d'un Pécuchet -en moins, beaucoup moins ambitieux- les deux acolytes élaborent des projets de voyage qui n'aboutiront pas, font des rencontres ensemble, partagent tout, sauf l'intimité qu'ils savent préserver dans un respect naturel et réciproque. À la lecture de ce roman, on se surprend à penser que c'est peut-être ça, l'amitié... Rien d'extraordinaire n'arrive dans ce récit d'une belle camaraderie au charme un peu désuet. Pourtant, on ne quitte pas le livre avant la fin. L'anodin est au centre du roman d'Arthur Bernard et le romanesque au coeur de ses personnages. »


Rédigé sur mon iPad.


dimanche 12 juin 2011

Écrivains en robe de chambre (suite)

Quelques extraits encore du livre de François BOTT :

À propos de Roger NIMIER : « Sous sa plume, la carrière des écrivains revêtait le charme des mythologies ou le prestige des grandes performances. L'histoire littéraire devenait une histoire de famille. »

« Mourir jeune, c'est la Légion d'honneur de la littérature » : Emily BRONTË, Flannery O'CONNOR, Carson McCULLERS, Sylvia PLATH : « demi-pensionnaires de l'existence. »

Au sujet de Jean DUTOUR : « La mythologie pour tous, le donjuanisme petit bourgeois, la philosophie première, l¡Apothéose d'un immonde crémier, ce sont autant de sujets que Jean DUTOUR traite, dans un style élégant, avec éclat, abondance, désinvolture. Avec succès. Et quoi de plus? On souhaitait timidement qu'il ait un jour quelque chose à dire, qui lui tienne à cœur.
Le champion de la courtoisie meurtrière et, bien sûr, de la littérature brève. Les natures distraites se préoccupent des négligences de l'univers, et les natures singulières sont attirées par les extravagances que commet l'espèce humaine.

« Trop de gens écrivent au dessus de leurs moyens. » Et pourtant il ne connaît pas Mlle BOMBARDIER.

Pour les voyageurs sédentaires dont je suis : « Certaines enfances sont heureuses quand il leur suffit de traverser la rue pour rencontrer l'exotisme. »


Rédigé sur mon iPad.

vendredi 10 juin 2011

Vialatte par Meyer


Philippe Meyer - Alexandre Vialatte reste méconnu par Alexandre_Vialatte

Tourisme

C'est dans la chronique radiophonique de Philippe MEYER que j'ai entendu cette citation que, voyageur sédentaire impénitent, je fais mienne.

« Le tourisme est l’industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux chez eux, dans des endroits qui seraient mieux sans eux. »

Jean Mistler

– Envoyé à l'aide de la barre d'outils Google

lundi 6 juin 2011

Citation

« Où va la nuit quand il fait jour
où va le temps quand il est tard
où va le jour quand il fait nuit
où va la vie quand il est temps ? »

Claude ROY in Écrivains en robe de chambre de François BOTT


Rédigé sur mon iPad.

Petits changements

À vous qui me lisez, je viens d'effectuer quelques modifications à la présentation de la page du blog et d'y ajouter quelques gadgets qui vous permettront soit de le suivre depuis la page d'accueil de votre fureteur, soit de vous y abonner et, partant, de le recevoir par courriel.

Bonne lecture.

Écrivains en robe de chambre (suite)

Encore le sujet du voyage, on découvre dans le recueil de François BOTT :
« Ce qui est amusant dans le voyage, c'est que l'on traverse, dans le sens de la largeur, des vies qui continueront à pousser jusqu'à la mort, dans le sens de la longueur. »
Paul MORAND


Rédigé sur mon iPad.

dimanche 5 juin 2011

En reprise : Il est des prisons pires que les mots

Le commentaire qui suit, datant de 2009, étant constamment l'objet de commentaires-pourriels, je me vois contraint de le supprimer et de le réintroduire.

Carlos Ruiz ZAFON, L'ombre du vent, traduit de l'Espagnol par François Maspero, Livre de Poche - Grasset, Paris, 2001 (639 pages)

Voilà une phrase qui revient à plusieurs reprises dans le roman de ZAFON, dont j'achève la lecture.

Tirant du côté d'Alexandre DUMAS par le côté échevelé de l'intrigue, on se croirait dans une chanson de Charles AZNAVOUR qui aurait la longueur de la Tétralogie.

Les cœurs battent toujours la chamade, l'aurore est toujours grise, les larmes sont toujours lavées par la pluie ruisselant sur les joues, les chambres sont toujours arpentées de long en large, les femmes sont toujours soit des maritornes édentées, soit des apparitions aux galbes inoubliables.

Pourtant, on se laisse envouter, feignant de ne pas voir les fils, d'ailleurs un des protagonistes, le vilain, et qu'il l'est, vilain, ce vilain, est comparé à une araignée qui tisse sa toile.

Je reviendrai une fois le livre terminé, sans doute demain, sur l'intrigue qui, en dépit du style fleuri, se construit sur une structure très intéressante. Oui, l'araignée et sa toile...

samedi 4 juin 2011

Écrivains en robe de chambre


François BOTT, Écrivains en robe de chambre : histoires littéraires, La Table ronde (poche), Paris, mars 2010 (280 pages).

Égaré sur les tablettes des nouveautés Langue et littérature de la bibliothèque, il est arrivé avec lenteur ce recueil d'histoires littéraires de François BOTT, un des mes plus ou moins confidentiels auteurs préférés, et qui ne rajeunissent pas -- il est né en 1935, ce qui en fait presque une jeunesse si on le compare à mes autres favoris qui sont tous, eux, nonagénaires --, ce qui ne laisse pas de m'inquiéter, moi qui suis enclin à l'inquiétude, car qui donc leur succédera ?

En robe de chambre donc : ne vous attendez toutefois pas à des récits « pipole », ça n'est pas le genre de la maison, mais à autant de croquis presque chuchotés sur une petite quarantaine d'écrivains du XXe siècle, français pour la plupart. On voit que l'auteur aime la légèreté chez ses écrivains, quoiqu'il y en a quelques uns, CIORAN et GENÊT notamment, qui sont dans la catégorie poids lourds, mais tous ont, lui au premier titre, un amour de la langue française -- de sa grammaire -- et de sa clarté, telle qu'elle rayonnait dans la première moitié de ce siècle douloureux. Oui, chaque croquis est comme une petite nouvelle qui nous donne à voir non pas l'intimité personnelle de ces écrivains, fors certains repères biographiques, mais leur intimité d'auteur, leur style.

Le drame, pour moi, est que cet exercice si agréable de lecture qui me fait découvrir des auteurs et des titres peu ou mal connus, ajoute à ma liste déjà nombreuse de « à lire »; devrais-je quitter le monde ? Pis, je voudrais les avoir tous déjà lus, tant ils me semblent, sous la plume joyeuse de BOTT, à la fois indispensables et importants.

Chose certaine, ma vieillesse ne sera pas oisive, mais sans nul doute délicieuse.

Présentation de l'éditeur :

« Il a traversé le siècle avec son éternel mégot, et son fantôme déambule encore dans Paris, faisant l’éloge des passions de jeunesse ou le procès (narquois) des empêcheurs de vivre. Avec une antipathie particulière pour les amiraux, et beaucoup d’affection à l’égard des plombiers-zingueurs… »

Ces deux phrases, merveilleuses de précision et de concision, ressuscitent Prévert. Il en va de même pour la quarantaine d’écrivains réunis dans ce recueil de portraits et de chroniques : les voici croqués sur le vif, de Marcel Aymé à Léon Werth, en passant par Raymon Chandler, Joseph Kessel ou Boris Vian. Entrer dans leur intimité, les découvrir « en robe de chambre », ne retire rien à leur œuvre, bien au contraire : comme l’écrit François Bott dans sa préface, « sous l’influence de leurs écrits, la vie des auteurs revêt, en effet, les apparences et les couleurs d’une mythologie ».