jeudi 22 février 2007

Joie


Rendu à peine à la page 54, et déjà c'est la joie renouvelée de lire Daniel BOULANGER, ce jeune octogénaire de Senlis. Oubliée ma récente morosité.

Le narrateur, en panne d'inspiration devant son nouveau personnage, Augusta Friselli, danseuse et espionne de premier ordre, a recours aux services d'un nègre à succès, par auteurs interposés, Romain Marquenterre, rouquin portant assez beau et, par devers lui, auteur de maximes telles : « il n'y a de fatal que le hasard ».

L'affaire conclue, voici Romain, et nous aussi, à Accourcy, sur les traces de l'évanescent personnage en devenir littéraire.
« L'art de vivre de Romain Marquenterre se résume dans la formule : prendre son temps en douceur comme on prend sa température. »
À ma connaissance, ce roman est le premier qui, si j'ose dire, donne la parole aux téléphonâtres et à leur portable, ce qui nous donne de savoureuses bribes de conversations.

J'en suis là, et je poursuis allègrement.

mardi 20 février 2007

On me dit que...


... mon écriture n'est pas toujours limpide. Il est vrai que je puis tendre à m'écouter écrire, si j'ose dire.

Comprenez-moi, la rédaction de lois a ses règles, et la concision, de même que, pour l'essentiel, la clarté en sont les deux principales. On me tenait pour « M. Bref », demandant, avec une douce ironie, si je n'étais pas rémunéré aux blancs plutôt qu'aux mots...

J'ai donc ce travers de vouloir écrire ample, aimant les incises et les relatives, qui n'étaient interdites dans mon travail.

S'il vous plait, un petit effort... et ne contrariez pas mon vice, je suis assez tourné vers la flagellation.

J'ai assez de difficulté à écrire, surtout quand, en parallèle, le lis un ouvrage comme le Dictionnaire égoïste de la littérature française de Charles DANTZIG, paru chez Grasset en 2005 (968 pages). De quoi vous jeter dans la dépression la plus sombre face à votre écran. Grand plaisir de lecture, comme tout dictionnaire personnel, mais grande leçon d'humilité (qu'à l'évidence, ni scribes, ni éditeurs n'ont retenue).

Parlant vice, je dois compléter mon article sur Le sexe en solitaire; il est bien plus facile de parler d'un roman que d'un essai.

Je retourne à BOULANGER,

Enfin...


Daniel BOULANGER, Le ciel est aux petits porteurs, Grasset, Paris, 2006 (245 pages)

J'abandonne sans regrets Saramango et ses papiers blancs. J'avais l'impression de faner : quel ennui. Sans doute n'est-ce pas le meilleur roman pour aborder cet auteur; je saurais gré au lecteur (je n'ose employer le pluriel ici) qui le connaît, et fréquente mes pages de me recommander un titre. Un auteur est un peu comme un ville, il faut savoir par où y entrer...

Et pour ce qui est des petits papiers, les citoyens du Québec vont devoir en utiliser sous peu, peut-être voudront-ils quand même lire La Lucidité... quand on est indécis, la littérature peut être bonne conseillère, ne serait-ce que parce qu'elle nous retient confortablement en bonne compagnie chez soi.

Fin de la digression en forme de prologue.

Je reçois donc, à l'instant, le plus récent ouvrage d'un de mes auteurs favoris, Daniel BOULANGER.

D'entrée de jeu, la quatrième de couverture :
« Des nègres littéraires, je ne connaissais rien, manies, méthode, obsessions. Un coin de voile de leur vie se leva pour moi quand je rencontrai mon personnage, Romain Marquenterre, nègre de première classe. Oserai-je dire que je l'envie ? Ses confidences en tout cas donnent d'étranger reflets à l'amertume. »
J'en salive déjà. Et ne puis résister à la tentation de vous donner l'incipit :
« J'ai toujours aimé m'asseoir au bord de l'eau, et dans mes trente années à Paris la Seine m'a vu presque chaque jour le derrière et les mains sur une pierre du quai, face au Louvre ou plus loin dans l'herbe où l'on trouve encore des pêcheurs. »

jeudi 15 février 2007

Transition bis



Eh bien ! le roman de José Saramago, La lucidité, ne contribue pas beaucoup à soulager le dépit amoureux que ma causé la lecture du récent roman d'Alain Fleischer. Que nenni !

Je ressens bien une vague culpabilité, diantre, c'est un nobel, après tout; rien n'y fait, je m'ennuie ferme. Il faut dire que je trouve le texte un peu raboteux, problème de traduction ?

J'y reviendrai demain.

mercredi 14 février 2007

Comment enseigner la langue française ?

Écouter l'émission d'Alain Finkielkraut du samedi 10 février depuis le site de France Culture.

Vaut également pour le Québec, surtout en ce moment où se pose plus que jamais la question de la nation et de l'identité, tandis que semble se développer une fronde des ensouchés, qui me semble être annonciatrice de ténèbres bien plus inquiétantes que celles vécues pendant ce qu'on a appelé la grande noirceur.

« À nos enfants, nous devons apprendre que la langue n'est pas faite pour parler seulement à ceux que l'on aime, mais qu'elle est faite surtout pour parler à ceux que l'on n'aime pas. C'est en leur transmettant avec autant de bienveillance que d'exigence les vertus pacifiques du verbe que l'on peut espérer qu'ils en viennent aux mots plutôt qu'aux mains. »
Alain Bentolila (un des deux invités de l'émission)

http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/repliques/index.php?emission_id=14

dimanche 11 février 2007

Transition


Comme cela m'arrive souvent, la transition se fait difficilement entre deux livres. Ce qui explique pourquoi j'en lis généralement deux de front, un essai et un roman. Mais, las, le pendant du roman d'Alain Fleischer que je viens de terminer est un livre sur le bridge, activité que j'ai reprise depuis quelques temps, mais c'est une autre histoire...

Vous aurez compris que j'ai ressenti, j'ai relu mes commentaires, un grand dépit amoureux à la suite de L'amant en culottes courtes. Depuis, je n'arrive qu'à peine à entrer dans le dernier Saramago, La lucidité, lequel, pourtant, avec toutes ces élections qui nous pendent au bout du nez (je parle du Canada), et la sinistre revanche des ensouchés (je parle du Québec), ne manque pas d'actualité.

Par ailleurs, un ami qui me veut du bien me presse de lire Les bienveillantes, prix Goncourt, et prétendu évènement littéraire de l'année 2006. J'en ai lu quelques pages au hasard, et pas des pires, pour ceux qui savent le sujet, et déjà le style m'irrite pas ses constructions boiteuses ou fautives. C'est mal parti, d'autant que l'écoute de l'émission Répliques (disponible en baladodiffusion) ne m'encourage guère à poursuivre plus avant.

Si je m'écoutais, je me réfugierais bien de nouveau du côté de chez Proust. Mais je viens d'avoir un appel de mon libraire qui m'informe que le plus récent (je n'ose écrire le dernier) Daniel Boulanger est arrivé.

C'est sans doute avec lui que je ferai ma transition... en attendant de revenir à Saramago.

mardi 6 février 2007

L'amant en culottes courtes - fin


Alain Fleischer, L'amant en culottes courtes, Seuil, Paris, 2006, 615 pages


C'est fait, j'ai terminé la lecture du roman. Et suivi le narrateur de treize ans dans son mois à Londres au mois de juillet 1957.

J'y ai, finalement, retrouvé l'auteur que j'aime, son style ample et son bon usage de la métaphore. Mine de rien, le personnage qui se dédouble, partagé entre l'apprentissage d'une langue, l'anglais, et la découverte de la langue, l'organe, comme instrument de plaisir. L'avion en balsa qui est un jeu de petit garçon en culottes courtes, qui ne connaîtra qu'un vol inaugural, et la plongée dans la sexualité féminine, pour l'inauguration de sa vie d'homme.

Et pourtant, j'ai un aveu à faire : je ne suis pas un instant arrivé à m'intéresser à cet Alain Fleischer là. Pis encore, j'ai fait l'impasse sur près de trois cents page de l'ouvrage (les lire, quelle corvée, je n'ai pas pu).

Une fois passées les trente pages du chapitre III, La première fois, récit détaillé de la découverte de la femme, en cette nuit du 22 juillet, qui m’ont laissé de glace, j’ai courageusement abordé le chapitre IV, Les autres fois, las, trois cents pages pour la dernière semaine : et le narré d’émois à répétition, et de l’exploration sexuelle. Trop c’est trop.

Cap donc sur le chapitre V, La dernière fois, (enfin, me dis-je). Une variation cette fois sur l’acte : la copulation pendant les periods. Pas une goutte de sang ne nous est épargnée. Cette dernière fois fut donc aussi une première fois, mais pour moi une fois de trop. Ne restaient alors qu’une petite cinquantaine de pages, l’affaire fut vite bouclée, on quitte Londres pour Budapest, via Paris, à la recherche de la famille magyare perdu, et l’affaire est bouclée.

Vous l’aurez compris, malgré toute ma bonne volonté, malgré l’amour que je porte au romancier Alain Fleischer, je n’ai aucun intérêt pour le personnage Alain Fleischer : que n’en a-t-il pas fait une nouvelle de son initiation londonnienne ?

Vivement un roman d’Alain Fleischer, et foin de l’autobiographie.

La guerre en silence

Lors d'un dîner samedi dernier, alors que chacun y allait de conseils de lectures, le roman de RAHIMI a été mentionné, et je me suis souvenu que je l'avais commenté lors de sa parution en 2000. Il a depuis été réédité chez le même éditeur.

Atiq RAHIMI, Terre et cendres, traduit du persan (Afghanistan) par Sbrina NOURI, P.O.L., Paris, 2005 (93 pages) – Titre original Khâkestar-o-khak, Éditions Kharavan, Vincennes, 1999.

DASTAGUIR a pris la route. Il est accompagné de son petit-fils, YASSIN. Il va voir son fils MOURAD qui travaille, là-bas, à la mine. Là-bas, loin du village. DASTAGUIR est porteur d’une nouvelle pour son fils : comment la lui annoncer est l’histoire de ce bref et douloureux roman.

YASSIM dit : « La bombe était très forte. Elle a tout fait taire. Les tanks ont pris la voix des gens et sont repartis. Ils ont même emporté la voix de grand-père. Grand-père ne peut plus parler, il ne peut plus me gronder... ». YASSIM n’entend plus.

Rude et sobre, le style d’Atiq RAHIMI, exilé en France depuis 1985, pour dire la guerre ; mais la guerre n’est pas dite, non, elle est ressentie par les personnages, différemment selon qu’ils sont enfants, adultes ou vieillards. La prose vit la guerre avec eux, et nous prend dans l’attente de DASTAGUIR sur le bord du chemin, près du pont. Avec le message qu’il faut transmettre à MOURAD.

Il est cruel de penser que l’exil et la guerre peuvent être nécessaires à l’écrivain – HUGO à Guernesey devant la mer – pour transcender un fait divers : la condition humaine. On aura compris, même si les mots pour l’évoquer ne coulent pas de source, tout le bonheur que la lecture de ce roman procure.


Rappelons que l'auteur a lui-même adapté ce roman au cinéma.


lundi 5 février 2007

Tout faux

La Grande Mademoiselle du Devoir se fend d'une charge contre les « suffisants », ses confrères, qu'elle accuse de mépriser le bon peuple, et de croire que, hors du Plateau, point de salut il n'y a :
« Lorsqu'ils changent de camp, c'est-à-dire lorsqu'ils traversent, croient-ils, la frontière entre les médias populaires et ceux qui voudraient l'être davantage sans y parvenir complètement, ils se révèlent tels qu'en eux-mêmes, incultes et stupides. Il faut l'être pour tenter de ridiculiser Le Devoir devant plus d'un million et demi de téléspectateurs en déclarant qu'on ne comprend pas les mots dans ce journal. Cet anti-intellectualisme primaire (à vrai dire, en existe-t-il un secondaire?) est symptomatique d'un état d'esprit qu'on imagine mal ailleurs. Quel journaliste américain serait assez bête pour rire de la langue soutenue du New York Times de la même façon? Un journaliste français qui reprocherait au journal Le Monde son vocabulaire enrichi se déconsidérerait pour le reste de sa carrière. »
Elle a tout faux : c'est principalement en raison de la piètre qualité de sa langue que cette gazette est difficilement accessible : abus de métaphores douteuses, telles Au Québec le saumon remonte la pente ou Les Russes posent la première pierre de la station orbitale; méconnaissance des règles de la composition : sait-on seulement ce que sont une introduction, un développement et une conclusion ? En un mot comme en cent, le Devoir est davantage parlé qu'écrit, et c'est ce qui empêche une bonne intelligence du texte.

Cela dit, on s'amuse bien en la lisant, celle, jouant les snobs anti-snobs, qui voudrait tant être moraliste, mais qui, d'avoir trop longtemps trempé dans l'eau bénite, n'arrive qu'à être moralisatrice.

vendredi 2 février 2007

Tard, la nuit

Chanson à écouter la nuit, en noir profond :
La marée, je l'ai dans le cœur
Qui me remonte comme un signe
Je meurs de ma petite sœur, de mon enfance et de mon cygne
Un bateau, ça dépend comment
On l'arrime au port de justesse
Il pleure de mon firmament
Des années lumières et j'en laisse
Je suis le fantôme jersey
Celui qui vient les soirs de frime
Te lancer la brume en baiser
Et te ramasser dans ses rimes
Comme le trémail de juillet
Où luisait le loup solitaire
Celui que je voyais briller
Aux doigts de sable de la terre
Léo Ferré, La mémoire et la mer

jeudi 1 février 2007

Encore Fleischer

Voici mes notes de lectures du premier roman d'Alain FLEISCHER que j'ai lu et commenté dans le cadre de l'émission Nulle part ailleurs à la SRC :

Alain FLEISCHER, Quatre voyageurs, Seuil, Paris 2000 et Points n° 907

Quatre savants européens partent pour les États-Unis dans le cadre d’une mission de recherche ayant pour objet Le Monde et ses doubles.

Ce thème deviendra très vite celui du roman en ce que chacun des savants se retrouvera à tour de rôle, et pour une journée, dans le corps de l’autre.

Ainsi, le narrateur, le Hongrois SCHWARTZ, le Français BLANC, le Portugais ROSA et l’Irlandais GREEN se verront revêtus de l’apparence physique d’un de leurs confrères, mais garderont l’identité de leur être originel.

Cette situation se compliquera d’autant lors des rencontres avec hôtes sur différents sujets reliés au double et à la réalité virtuelle dans ces États-Unis où le faux se veut plus réel que le réel (chambres imitant les pièces de palais européens, Rita HAYWORTH virtuelles).

Ceci n’aurait donné qu’un intéressant roman de science-fiction n’eut été le travail d’écriture que l’auteur a fait sur les notions de double et d’identité qui pousse le lecteur à s’interroger sur ce qu’est le… réel.

S’ouvrant par une « nouvelle » à la KAFKA où quatre savants s’enfoncent dans une réalité trouble et sans issue, que le narrateur lira tout au cours du roman, celui-ci comporte en outre un incompréhensible roman québécois de série noire, À corps perdu, de Virginie PUCE !

Tout n’est que jeu (couleurs, inversions, répétitions) et miroir dans ce superbe roman, avec lequel j’ai perdu tout sens de la … réalité.

Citation

Parlant FLEISCHER, cette citation tirée du roman Les trapézistes et le rat, Seuil, Paris, 2001 et Points n° 1151 :
«... la vie ordinaire dans une grand ville... peut-elle offrir entièrement l’un à l’autre deux êtres sans que rien de l’un échappe à l’autre, cette vie moderne, urbaine, permet-elle d’épuiser tout le bonheur possible, toute la jouissance possible, avant que l’épuisement ne vienne de l’extérieur, celui de la fatigue, de l’usure, de la lutte contre le temps et contre les autres ? »

L'amant en culottes courtes


Alain Fleischer, L'amant en culottes courtes, Seuil, Paris, 2006, 615 pages

J'ai commencé ce roman d'Alain FLEISCHER il y a quelques semaines déjà, et avec un certain retard car je l'ai reçu en novembre, alors qu'il figurait toujours sur les listes des prix littéraires. Or, contrairement aux autres livres de l'auteur, je n'arrive pas vraiment à embarquer dans cette aventure d'une première fois, cette fois où un garçon, qui est maintenant un adolescent, devient un homme. Comme on le disait en termes bibliques, cette fois où il connaît la femme.

J'ai franchi avec son personnage, Alain -- l'auteur -- le Channel, l'accompagnant à Londres en ce mois de juillet de 1957, celui de ses treize ans, et après une trentaine de chapitres et près de deux cents pages, j'attends toujours le moment; pas tant celui de l'initiation du narrateur, mais celui où je ressentirai quelque chose... Et je n'en suis qu'au premier tiers !

Moi qui ai dévoré ses romans précédents de Fleischer, depuis Quatre voyageurs en 2000, attenant chaque année un nouvel opus. Pour peu, je dirais que je suis déçu, mais patience... Mais je m'ennuie des fictions enlevantes, des métaphores puissantes, de la prose baroque des Les Trapézistes et le Rat, Les ambitions désavouées, Les angles morts, ou La Hache et le Violon. Pour une fois ouvertement autobiographique, et je le regrette presque.

Mais, je poursuis, et garde encore de l'espoir.