jeudi 30 décembre 2010

Programme double II : Soigner

Patrick AUTRÉAUX, Soigner, L'un et l'autre - Gallimard, Paris, septembre 2010 (94 pages).

« Soigner, c'est-à-dire soigner jusqu’au bout, c’est traverser un champ dont on ne connaît ni l’état du sol, ni la nature des herbes. C’est accepter les fleurs d’orties, la gadoue putride, les entorses et aussi les odeurs fraîches, l’ombre piquetée de soleil d’un arbre solitaire. C’est fatigant et dur. On se fait mal au dos, on en a marre, on voudrait que ça se termine vite, on se le reproche, on essaie de sourire et de ne pas se presser, et on pleure en cachette après l’avoir entendu appeler ce nom d’enfant que lui seul utilisait. »

Je vais refermer l'année 2010 sur l'autre livre de la collection L'un et l'autre que j'ai lu il y a maintenant quelques semaines. Ne craignez rien, lecteur, il n'y aura pas de bilan, ni de best of. Peut-être quelques résolutions, dont mieux lire, j'entends aller vers des livres essentiels, me tenir à l'écart de l'agitation provoquée par la réclame, laquelle, justement, réclame toujours beaucoup de temps. Toutes ces Pléiades acquises au fil des années « pour la retraite ». J'y suis. Écrire ? vaste projet, tant écrivent déjà.

Revenons à Soigner. Il s'agit d'un récit plus personnel, plus intime aussi, que ceux que l'on trouve dans la collection; au point que l'on peut -- certains critiques l'ont fait -- se demander qui est « l'autre » ici. Le grand-père ?  Assurément. Mais, pour moi, l'autre serait la maladie, celle qui change tout, celle qui marque un avant et un après, celle qui nous fait autre à nous même.

Pendant que je lisais ces quelques pages, fort touchantes, mais sans pathétique, une amie se voyait confrontée au plus près à la maladie de sa mère. Atteinte de la maladie d'Alzheimer, elle se voyait révéler un cancer, déjà fort avancé. Que faire : infliger d'autres soins pénibles à cette vieille dame, au prix de quelle douleur, et à quelle fin ? Le temps a décidé, en quelque sorte, pour l'une et l'autre. La mort est venue. Et maintenant mon amie se retrouve bien seule, qui prenait jour après jour soin de sa mère, dont la vie était réglée sur celle-ci : qui en somme, était devenue la mère de sa mère. Mais sans espoir. Voilà, mon amie a perdu son « autre ». Il lui reste bien des questions, et nul n'a la moindre réponse pour l'éclairer. Sans doute le temps deviendra-t-il cet autre, oubli et mémoire opéreront la métamorphose qui, à défaut de réponse lui donneront un peu de paix. Souhaitons-le.

Comment soigner ?

mardi 28 décembre 2010

Programme double I : connaissez-vous PIGAULT-LEBRUN ?

Stéphane AUDEGUY, L'enfant du carnaval, Gallimard : L'un et l'autre, Paris, octobre 2009 (135 pages).

Voici l'un des deux livres, toujours dans la belle collection L'un et l'autre, qui m'ont conduit jusqu'à la veille de Noël,  période de l'année qui, à première vue, propice à la lecture, mais en réalité remplie d'une frénésie, marchande pour l'essentiel, qui absorbe temps et énergie.
* * * 
L'enfant du carnaval raconte l'histoire, je n'ose écrire biographie, d'un fantôme : PIGAUT-LEBRUN (prénoms : Charles Antoine Guillaume) qui vécut de 1753 à 1835 et qui fut un temps célèbre comme dramaturge, romancier et essayiste. Un temps, car sa place se trouve reléguée aux banquettes arrières de la postérité littéraire, lui qu'admiraient FLAUBERT et quelques autres écrivains de conséquence du XIXe, comme en font foi les quelques lignes que lui consacrent -- encore -- les dictionnaires. Et sa disparition des librairies. Stéphane AUDEGUY qui, avec Fils unique, nous avait donné une vie de l'autre ROUSSEAU, François, autre beau fantôme historique. Le titre est celui d'un des romans les plus populaires de PIGAULT-LEBRUN, un des rares qu'on puisse encore trouver.
 
Il se dégage de ce livre une douce mélancolie : « la  disparition d'un auteur, avec armes et bagages, a de quoi laisser rêveur; la rêverie n'étant pas, on le sait, le plus mauvais moyen de se promener dans les jardins du XVIIIe siècle; et singulièrement dans ses allées les moins fréquentées. » Il y a la matière à réflexion sur ce qui reste et ce qui passe, la postérité, et surtout sur les voies mystérieuses de celle-ci; ce que MALRAUX appelait, pour les Beaux-Arts, la métamorphose. Pourquoi, en effet, un auteur, célèbre de son vivant et longtemps après sa mort physique disparait-il à nouveau, et pour de bon, assez brutalement ? Pourquoi tel, à peine reconnu de quelques happy few de son vivant surgira-t-il en pleine gloire cent ans plus tard ? Et pourquoi si la littérature exaltait Hubert AQUIN ou Marie-Claire BLAIS, l'histoire ne préférerait pas, comme document de la vie d'ici au siècle dernier, la prose académique des demoiselles BOMBARDIER, BROUILLET ou LABERGE ?
« PIGAULT-LEBRUN est l'un de ces vieillards des Lettres que tout le monde ou presque néglige. J'aime sa voix éraillée mais joyeuse, où passe encore un peu de cette folie française [...]; dans ce qu'aujourd'hui certains jugent, dans leur vocabulaire hésitant entre HEGEL et l'automobile, dépassé, on peut voir l'un des possibles du monde et de la littérature qui, après avoir connu son heure, en attend une autre. Et peut-être ne viendra-t-elle pas. »
Je vous souhaite de vouloir vous promener dans ce beau jardin, et vous laisse sur une phrase qui m'a laissé songeur :
« Toute écriture suppose une politesse, quelque geste machinal  signalant que, pendant un instant au moins, on fera passer l'autre avant soi. Alors nous prononçons ces mots que nous n'écoutons plus : après vous. »
* * *
     

jeudi 23 décembre 2010

Mon zombie et moi


Pierre CASSOU-NOGUÈS, Mon zombie et moi - La philosophie comme fiction, Seuil : L'ordre philosophique, Paris, septembre 2010 (341 pages).
Sur France Culture : La fabrique de l'humain

Début d'année sérieux avec cet essai qui a pour ambition « une façon nouvelle de faire de la philosophie, s'appuyant sur et passant par la fiction. » Bigre, si l'auteur s'appuie sur la fiction, l'éditeur écrase un peu la grammaire avec cette phrase bancale qui fleure l'anglais. En mon temps, on appelait ce genre de construction un solécisme. Mais, chacun le sait, non seulement l'année change, mais le temps et les mœurs aussi. J'ai déjà deux chapitres « derrière la cravate », et ce n'est pas très digeste. Me rendrai-je au bout avant le 12 janvier, date à laquelle je dois rapporter le livre à la bibliothèque ?

Mais, pour passer d'une année à l'autre, je me suis permis, j'en demande pardon d'avance à qui cela pourrait agacer, un grand plaisir proustien : la lecture de « l'exécution » du baron de Charlus chez les Verdurin dans La prisonnière. Quand on s'y penche, on retrouve dans ces quelques pages l'essentiel de la Recherche : l'illusion mondaine, la décadence d'une classe, son remplacement par une autre, les mœurs, la sexualité, la cruauté de l'homme pour l'homme dans la comédie/tragédie humaine.

Tintin au pays des philosophes


Il y a eu l'émission de France Culture Les nouveaux chemins, voici, en quelque sorte, la version écrite.

Citations

Dans la foulée de mon article du 1er décembre dernier sur Une saison avec Bernard Frank, je m'étais constitué un petit florilège que je ne puis m'empêcher de vous offrir et qui vous donnera une idée de son style et de sa verve. Pourrait-on dire qu'il y a en lui un moraliste qui sommeille ? On ne peut lui dénier en outre un talent de portraitiste, quiconque connaît Jean DANIEL ne pourra manquer de sourire à la lecture du commentaire de FRANK sur la fameuse émission d'Apostrophes.
 « En échappant à Paris... j'ai évité les aigreurs de la quarantaine, maladie typique de l'écrivain qui n'a pas franchi les petits tirages de sa jeunesse et qui voit arriver au galop une flopée d'écrivaillons qui seraient bien capables, les bougres, de lui dévorer au passage sa maigre pitance. »

« Il y a la littérature et les femmes, dans cet ordre. J'ai tout le temps vécu entre ces deux pôle : la littérature pour avoir les femmes et les femmes pour avoir la littérature. Je crois qu'on est plutôt choisi par les femmes mais on se donne l'illusion, surtout un écrivain. »

« La vraie littérature, les écrivains morts sont notre refuge, notre paix intérieure, notre prière du soir qui nous console de la petitesse de nos contemporains. Ma vraie nature, c'est l'étude des grands écrivains morts... Le contemporain est en critique le sujet le plus aride, le plus ingrat qui soit. Je ne vous en conseille pas la culture. »

« Du xérès : Les Français le boudent mais c'est l'un des meilleurs vins du monde. Stendhal n'avait pas tord de maudire notre vanité bourgeoise. Les Anglais, qui ne peuvent rien faire comme tout le monde, ont ridiculisé le xérès en le baptisant sherry : comme s'il s'agissait de leurs toutous ou de leurs bonnes femmes ! Voilà un vin noble par excellence réduit à l'état d'esclavage. »

« Les maris trompés ignorent leur bonheur. Ils sont peut-être trompés, mais ils restent des maris. Un amant n'a pas ce refuge, s'il est trompé, il n'est plus rien. »

« Il faut avoir entendu Jean Daniel interroger Soljenitsyne pour comprendre dans leurs beautés les tourments de l'anticommunisme noble. Quand Jean Daniel admire, il importe que l'objet de son admiration se le tienne pour dit et ne s'avise pas de les compromettre, lui et son journal par des fantaisies de langage intempestives. Autrement dit, lorsque quelqu'un de l'importance de Jean Daniel et sur les épaules de qui reposent tant d'espoir, tant de responsabilités -- car cela ne va pas toujours seul à l'intérieur d'une rédaction --, il en veut pour son argent. »

« Comme toute personne qui écrit, Modiano a un grain. Un grain rusé. Un grain fragile. Pourvu que ça dure ! Modiano a l'air tellement triste qu'on lui a accordé le talent sans confession. Drieu s'est suicidé. Nimier s'est tué en voiture, nous avions besoin d'un jeune homme qui passe. »

mardi 21 décembre 2010

Lecture onirique

... We are such stuff
As dreams are made on, and our little life
Is rounded with a sleep.

Prospero a bien raison dans la Tempête, mais voici que je lis, et rédige, même pendant mon sommeil. Il y a quelques jours, alors que, ayant terminé la lecture du roman de Patrick LAPEYRE, La vie est longue et le désir sans fin, je me suis mis, en rêve, à en rédiger le commentaire. La prose me semblait sèche, et comme j'essayais de formuler ma pensée, une pluie d'adjectifs et d'adverbes s'abat sur moi, et sur le roman, lequel n'en est, par ailleurs, pas dépourvu, et ruisselle en torrents sous mes pas.

Un cauchemar ? Allez psychologues, analysez.

La vie est brève et le désir sans fin

Patrick LAPEYRE, La vie est brève et le désir sans fin, P.O.L., Paris, août 2010 (348 pages).

Ce n'est pas tant le désir qui m'a paru sans fin que le roman. Encensé par la critique, on parlait même d'un Jules et Jim contemporain -- ce qui n'a pas manqué d'attirer mon attendtion--, distingué par le prix Femina et publié chez un « bon » éditeur : ce roman, comment aurais-je pu ne pas me le procurer ? D'autant plus que longue était la liste d'attente à la bibliothèque.

Bien sûr, il y a Manon Lescaut, le livre et l'opéra, comme l'explique l'auteur dans le vidéo; certes la phrase est vive, la construction et le traitement des dialogues audacieux et le style, marqué d'ellipses, donne dans le moderne (pour ne pas dire le jeune). Et pourtant, la référence au roman de Pierre-Henri ROCHÉ et au film de TRUFFAUT et une allusion aux Nuits de la pleine lune de mon cher ROHMER n'y ont rien changé : ce roman de « casuistique conjugale » m'a agacé et, pis, ennuyé.

Nora revient à Paris et dans la vie de Louis, puis elle retourne à Londres dans celle de Murphy. Et encore, et toujours. On remet cela, on déprime, on remet cela encore une fois jusqu'à la conclusion quantique où cela aurait tout aussi bien pu ne pas arriver, ou arriver simultanément, un peu comme dans l'expérience du chat de Schrödinger.

Quelques personnages secondaires dont on se demande ce qu'ils font là (ils semblent se le demander eux-même) : les parents de Louis : s'agit-il de prouver que dans le couple tout est perdu, souvent à cause de la femme ? Les collègues de Murphy, trader à Londres, bientôt réexpédié aux États-Unis sont la preuve de l'inflexibilité des lois du marché et de la cruauté du libéralisme. Même le personnage gay semble incapable de « s'encoupler ».

Ce n'est pas tous les auteurs qui ont le sens de l'onomastique pour leurs personnages, et en l'espèce LAPEYRE n'est pas MODIANO : Blomdale, Laumett, Dill, Meellow...

Étant, je l'avoue grammaticalement vieux jeu, je ne cesse de déplorer des phrases comme celles-ci :
« Il [Murphy] s'est contenté de la regarder pencher la tête en chipant des cerises dans un plat en grès blanc posé sur la table du jardin. » Où le participe se rapporte au sujet « il » du verbe et non au complément « la », ce qui n'est pas l'intention de l'auteur. On ne se refait pas, et je traîne mon passé de rédacteur de lois...

Alors que le Jules et Jim se concluait sur un « ni sans toi, ni avec toi », le roman de LAPEYRE semble, toujours le chat de Schrödinger, se conclure, au choix, sur un simultané « et avec Louis, et avec Murphy » ou sur un « ni avec l'un, ni avec l'autre » ou bien « ... il est probable aussi qu'il y a une infinité d'univers où ni l'un ni l'autre n'ont jamais existé. »

Pour moi, j'en arrive à souhaiter qu'il existe un univers où je n'aurais pas lu ce roman.

jeudi 16 décembre 2010

Sortir

On ne fait pas que lire, on va, notamment, au cinéma, où on l'a vue, dans Les amours imaginaires, Monia CHOKRI, et puis on aime fréquenter les restaurants et autres bars. Quel est son Montréal ?


Montréal par Monia Chokri from Ulysse, la culture du voyage on Vimeo.

mercredi 15 décembre 2010

Indignation

Philip ROTH, Indignation, traduit de l'anglais (É.-U.) par Marie-Claire PASQUIER (titre original Indignation), Du monde entier - Gallimard, Paris, septembre 2010 (195 pages).


Voici un roman de ROTH qui m'a, si j'ose dire, pris de court. Par sa relative brièveté certes. Et aussi parce qu'il m'a semblé assez différent des quelques ouvrages précédents, où les héros étaient des hommes vieillissants confrontés à la maladie et, assez directement, à leur propre fin.

Ici, Marcus MESSNER, est un jeune homme de dix-neuf ans, dominé par un son père, un boucher casher qui vit à Newark, dans le New Jersey, et dont le commerce -- nous sommes au début des années cinquante -- résiste mal à la concurrence des nouveaux supermarchés d'alimentation. Pour échapper à une atmosphère familiale étouffante, il décide de poursuivre ses études dans au Winesburg College, en Ohio. Il le fait aussi, et peut-être surtout, pour échapper à la conscription militaire qui le conduira en Corée, où il est certain qu'il périra. Le succès scolaire devant, selon lui, lui permettre d'accéder aux rangs plus élevés de la  hiérarchie et, partant, d'éviter le combat : il se voit donc condamné à réussir.

Et pourtant, rien n'est simple pour lui en dépit de son zèle et de ses efforts : si le roman est l'histoire de son apprentissage de la vie américaine, et de ses valeurs morales, il est avant tout, selon moi, le récit de son aliénation progressive. Ici, ROTH prend le contrepied de tout ce que l'on sait -- ou croit savoir -- des Trente Glorieuses. Peu d'espoir dans ces pages, guère de monde meilleur, matériel ou spirituel, que la grisaille d'une vie médiocre :
« Ma tâche ne consistait pas seulement à plumer les poulets, mais à les vider. On leur ouvre un peu le cul avec un couteau, on plonge la main, on attrape les viscères et on les extirpe. Je détestais faire cela. Écœurant, dégoutant, mais il fallait que ce soit fait. C'est cela que j'avais appris de mon père, et que j'avais aimé apprendre de lui : que ce qui doit être fait, on le fait. »
À défaut de réussir brillamment ses études, c'est à une autre boucherie, non moins sanglante et dégoutante, que Marcus est promis : celle de la guerre de Corée. Bel et radieux avenir ! Et pourtant, il aura travaillé d'arrache-pied Marcus, mais hors ses études, il ratera tout, ne parvenant pas à s'intégrer à la vie du collège, sa vie sexuelle même, et amoureuse, constituera pour lui un humiliant échec.

Le lecteur sera sans doute, comme je l'ai été, surpris, à mi-parcours du livre, par la révélation, par Marcus lui-même, qui est le narrateur, d'un fait le concernant qui vient bouleverser la lecture du roman, et que je vous laisse découvrir. À partir de cette révélation, je me suis senti comme prisonnier, sachant ce fait, comme Adam et Ève ont su après la tentation, du piège tendu par l'auteur. À dire le vrai, je ne m'en suis pas remis, et mon plaisir de lecture en a été affecté. En sera-t-il de même pour vous ?

lundi 13 décembre 2010

Soigner

Patrick AUTRÉAUX, Soigner, L'un et l'autre - Gallimard, Paris, septembre 2010 (94 pages).
« Soigner, c’est-à-dire soigner jusqu’au bout, c’est traverser un champ dont on ne connaît ni l’état du sol, ni la nature des herbes. C’est accepter les fleurs d’orties, la gadoue putride, les entorses et aussi les odeurs fraîches, l’ombre piquetée de soleil d’un arbre solitaire. C’est fatigant et dur. On se fait mal au dos, on en a marre, on voudrait que ça se termine vite, on se le reproche, on essaie de sourire et de ne pas se presser, et on pleure en cachette après l’avoir entendu appeler ce nom d’enfant que lui seul utilisait. »

Passant du roman assez triste de Philip ROTH à ce récit de Patrick AUTRÉAUX je demeure dans la littérature un peu ennuagée qui, somme toute, convient bien à notre mois de décembre. La tristesse douce qui en ressort fait un agréable contrepoids à l'agitation marchande.

samedi 11 décembre 2010

Carnet d'adresses

Didier BLONDE, Carnet d'adresses, L'un et l'autre - Gallimard, Paris, octobre 2010 (117 pages).

« Chaque fois que je rencontre dans un roman l'adresse d'un personnage, troublé, j'hésite, suspends ma lecture, m'arrête. J'examine dans tous les sens cette carte de visite qui m'est présentée, l'air de rien, comme une invitation. L'auteur me fait signe, c'est là qu'il me donne rendez-vous, il faut que j'aille y voir. »

Vous n'ignorez pas, qui me suivez sur ces pages éthérées, combien j'aime la collection L'un et l'autre. Cette brève suite de récits, autant d'adresses, autant de chapitres, est arrivée chez mon libraire il y a quelques semaines déjà, et m'a procurée de très bons moments de lecture. Cela valait bien, le soleil en moins, toutes les Caraïbes et tous les Pacifiques touristiques.

 Imaginez : vous découvrez que vous habitez à quelques numéros du  95, rue Charles-Lafitte, l'adresse Arsène LUPIN ! Plus tard, vous découvrez que dans la propriété qui jouxte, sur l'arrière, cet immeuble a vécu la sueur de l'auteur, Maurice LEBLANC. Le pavillon des muses, au 96, boulevard Maillot. Vous découvrez en outre qu'au moment même où LUPIN commençait sa carrière, vivait à cet endroit Robert de MONTESQUIOU, ami intime de Marcel PROUST, qui aurait servi de modèle au baron de CHARLUS. Réalité, littérature : l'imagination part au galop.

Qui dit adresses, à  Paris, dit Patrick MODIANO. Le 45, rue de Courcelles, où est passé Ambrose GUISE, le héros de Quartier perdu. Dans le même appartement où, de 1900 à 1906 a habité la famille PROUST. Là encore où emménage, dans le roman Du côté de Guermantes, le petit Marcel, le narrateur de la Recherche du temps perdu.

Autre adresse, que j'ai moi-même cherchée lors d'une de mes promenades du côté de la montagne Sainte-Geneviève, le 24, rue Neuve-Sainte-Geneviève : la pension VAUQUER. La rue s'appelle maintenant Tournefort, la maison, une pension bourgeoise, n'existe plus, mais vous retrouvez la description de BALZAC : « là où le terrain s'abaisse par une pente si brusque et si rude que les chevaux la montent ou la descendent rarement. ». Allez-y voir, grâce à Google Map : il faut bien que l'informatique soit utile.

Poursuivant votre parcours littéraire, vous trouverez l'adresse d'Alphonsine DUPLESSIS qui, demi-mondaine oubliée, survit sous les noms de Marguerite GAUTIER ou Violetta VALÉRY, selon que vous fréquentez DUMAS ou VERDI. Et combien d'autres...

N'hésitez pas à partir, vous aimerez votre promenade.

Écoutez quelques extraits sur France Culture : Fiction - micro-fiction

vendredi 10 décembre 2010

Sortie

Je me promenais sur le site de NPR et suis tombé sur ce clip d'une reprise du succès de David BOWIE par le groupe WARPAINT. En dehors de mes sentiers habituels, j'avoue.

mercredi 8 décembre 2010

En cours

Patrick LAPEYRE, La vie est brève et le désir sans fin, P.O.L., Paris, août 2010 (348 pages).
Philip ROTH, Indignation, traduit de l'anglais (É.U.) par Marie-Claire PASQUIER (Indignation), Du monde entier - Gallimard, Paris, septembre 2010 (195 pages).

Attiré par un sujet à la Jules et Jim, je m'étais procuré ce roman dès son arrivée chez mon libraire, ce qui fait que, contrairement à mon habitude, je lirai un « prix littéraire », en l'occurrence, le Femina. Ce n'est pas un style que, de prime abord, m'attire beaucoup, mais, après une cinquantaine de pages, je commence à m'attacher à l'histoire.

Entretemps, arrive de la bibliothèque le roman de ROTH; trois petites semaines devraient suffire, mais c'est sans compter sur la frénésie de vous savez quoi et autres falala-la-la. Je mets donc de côté le LAPEYRE et me lance dans cette Indignation. On n'est plus du tout dans la veine « vieillard décrépit et malade » dont Exit le fantôme était le plus récent exemple, mais dans une sorte de roman initiatique et identitaire. Les années cinquante, mais sans le glamour Man Men. Cela dit après à peine la même petite cinquantaine de pages.

Patience lecteur, j'y reviendrai.

Présentation des éditeurs :
« La vie est brève et le désir sans fin est un livre sur les affres de l’amour, vues du point de vue masculin. Il met en scène deux hommes, l’un marié, à Paris, l’autre pas, à Londres, tous les deux amoureux de la même femme, assez énigmatique, et qui va de l’un à l’autre. Il y a celui qui hésite, et celui qui attend, tous les deux souffrent. Comment choisir ? Qui choisir ? Ce roman est l’histoire d’une inépuisable et inéluctable souffrance amoureuse plus forte que tout. Et elle est racontée de l’inimitable manière qu’à Patrick Lapeyre de la vie comme elle ne va pas. Petites touches d’une acuité et d’une intelligence qui laissent confondu. Evénements apparemment anodins qui ne le sont en fait pas du tout. Poétique de la métaphore, métaphores tellement inattendues et qui sont en réalité rien moins, une à une et peu à peu, qu’une pensée du monde. Humour profondément lucide et humain, généreux. D’où vient, lisant ce livre d’une insondable mélancolie que l’on ne puisse faire autrement que sourire, constamment sourire. Peut-être du bonheur d’avoir été reconnu ? »


« Nous sommes en 1951, seconde année de la guerre de Corée. Marcus Messner, jeune homme de dix-neuf ans, intense et sérieux, d'origine juive, poursuit ses études au Winesburg College, dans le fin fond de l'Ohio. Il a quitté l'école de Newark, dans le New Jersey, où habite sa famille. Il espère par ce changement échapper à la domination de son père, boucher de sa profession, un homme honnête et travailleur, mais qui est depuis quelque temps la proie d'une véritable paranoïa au sujet de son fils bien-aimé. Fierté et amour, telles sont les sources de cette peur panique. Marcus, en s'éloignant de ses parents, va tenter sa chance dans une Amérique encore inconnue de lui, pleine d'embûches, de difficultés et de surprises.
» Indignation, le vingt-neuvième livre de Philip Roth, propose une forme de roman d'apprentissage : c'est une histoire d'audace et de folie, d'erreurs et de tâtonnements, de résistances et de révélations, tant sur le plan sexuel qu'intellectuel. Renonçant à sa description minutieuse de la vieillesse et de son cortège de maux, Philip Roth poursuit avec l'énergie habituelle son analyse de l'histoire de l'Amérique - celle des années cinquante, des tabous et des frustrations sexuelles - et de son impact sur la vie d'un homme jeune, isolé, vulnérable. »

lundi 6 décembre 2010

Le masque et la plume

Certes, on y parle de cinéma... mais voici une émission, light, comme on dit en France, que j'aime bien écouter pour cette si française façon de « discuter ».


Le masque et la plume
envoyé par franceinter. - L'actualité du moment en vidéo.

De la lecture

Un blog de lecture doit faire état de tout ce qui touche cette belle activité. Dans le cadre de l'émission de France Culture La grande table Pierre BAYARD, dont on se souvient du Comment parler des livres que l'on n'a pas lus et Charles DANTZIG parlent de ce qui nous intéresse, ainsi que de leurs plus récents ouvrages. Attention, c'est dans la deuxième partie de l'émission.

jeudi 2 décembre 2010

Marchez aux puces

Nous vivons, chacun le sait, une époque formidable. Et subissons une invasion que nulle loi sur l'immigration ni contrôle aux frontières ne saurait ralentir : les punaises.

Prochaines victimes : les bibliothèques et librairies d'occasion.

Car, selon des experts, américains il va sans dire, les petites bestioles peuvent se loger, et leurs œufs itou, sans discriminations aucune dans vos Pléiades ou Poches. Ils proposent, of course, des solutions pour enrayer le fléau : la congélation ou le micro-onde.

Il y a des jours, de plus en plus fréquents, où je me sens las, très las.

mercredi 1 décembre 2010

Une saison avec Bernard Frank -- portrait

Martine de RABAUDY, Une saison avec Bernard Frank -- portrait, Flammarion, Paris, avril 2101 (141 pages).

Si vous ne connaissez pas Bernard FRANK, vous pourriez commencer à le fréquenter avec Solde, dont j'ai parlé récemment, ce titre ayant été réédité cette année, puis avec Un siècle débordé. En tout état de cause, ce bref portrait pourrait précéder ou, à tout le moins, accompagner votre lecture car il vous dévoilera plusieurs aspects de ce personnage pour qui comptaient, dans l'ordre, la littérature et les femmes. Surtout le livre de Martine de RABAUDY vous présentera un monde littéraire déjà révolu, une cinquantaine d'années sur deux siècles, et ne peut pas ne pas vous donner le goût d'aller voir du côté de tous ces écrivains qui y sont mentionnés.

Pour moi, je ne résiste pas à la tentation de vous citer ces lignes de Virginia WOOLF, que FRANK aurait bien signées : « Mon esprit travaille quand je paresse. Ne rien faire est souvent pour moi la voie la plus profitable. »