vendredi 31 août 2007

À surveiller

En cette période désespérante entre toutes de « rentrée » où tout « sort », il faudra sans doute jeter un coup d'oeil au titre suivant, qui ne devrait pas causer d'accidents cardiaques aux marchands et à leurs porte-paroles de la presse :

Livres, Un roman de claude pujade-renaud, Retour à port-royal - Actualités littéraires, NouvelObs.com
«Le Désert de la grâce», par Claude Pujade-Renaud, Actes Sud, 288 p


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lundi 27 août 2007

Converser, vous dites ?

Benedetta CRAVERI, L’âge de la conversation, Tel-Gallimard, Paris, 2005

Je ne résiste pas à la tentation de ressortir le bel essai de Benedetta Craveri, paru d'abord en 2002, puis en format de poche dans la collection Tel en 2005 et, l'ayant relu, en diagonales certes, de vous en parler. À la télé les rediffusions, au web les relectures !

Pourquoi voudrait-on lire près de cinq cents pages sur la conversation en France entre 1630 et 1789 ? Sauf pour quelques universitaires ou francophiles irréductibles (en reste-t-il ?). Les Français ont, comme chacun sait, toujours parlé (« cause toujours… ») ; on sait moins, en revanche, qu’ils n’ont pas toujours su comment le faire. D’aucuns affirment qu’ils ne le savent plus guère, mais c’est un autre débat.

C’est donc l’histoire de cet apprentissage de l’art de la conversation que nous révèle Benedetta Craveri dans son captivant ouvrage où nous ferons, sur un siècle et demi, la connaissance de personnalités, pour la plupart, certes, tombées dans l’oubli, mais dont le rôle, même si nous n’en soupçonnons guère l’importance, a été capital dans l’évolution des mœurs et de notre langue.

Nous voici conviés à visiter une remarquable galerie de portraits et introduits dans ce que nous appelons aujourd’hui – en dépit de l’anachronisme – les salons. Car, à l’époque, on reçoit dans la ruelle, laquelle est munie de toutes les commodités de la conversation, chères aux Précieuses et non ce lieu urbain qui l’est si peu.

On verra l’évolution du salon, la durée de vie d’un « genre » de salon couvrant généralement une trentaine d’année, chaque génération y apportant son élément distinctif, sans oublier les rivalités entre salons « montants » et « descendants », ni celles qui opposent ces dames pour obtenir la présence de telle ou telle sommité de l’heure. Madame Geoffrin, Madame Dudeffand, Madame de Tencin et Julie de Lespinasse, chacune connaîtra, avec son public, son heure de gloire, puis son déclin.

Cette évolution ne vise pas que la forme, le fond aussi change. Ainsi, il était inconcevable, et du dernier vulgaire, que l’on parlât de politique chez Madame de Rambouillet, la célèbre Arthénice, – un des tous premiers salons –, ou même de romans, alors que, un siècle plus tard, toute la fleur des Lumières se pressera chez Madame Geoffrin – un des premiers salons bourgeois –, véritable lieu de contre-pouvoir, où les premiers « intellectuels » parleront de liberté et d’égalité et où se feront les élections à l’Académie.

On découvre enfin la double importance de l’institution du salon. Par celle-ci, les femmes assumaient une mission éducatrice tant sur le plan de la langue : c’est principalement grâce au salon que la langue française a connu un si large rayonnement en Europe et, plus tard, en Amérique, notamment dans la diplomatie, alors que sur le plan des mœurs et de la sociabilité, chacun, noble ou bourgeois, voudra atteindre le même niveau de raffinement qu’il y rencontrait.

Commentaire de Voltaire : « Le langage français est de toutes les langues celle qui exprime avec le plus de facilité, de netteté et de délicatesse, tous les objets de la conversation des honnêtes gens ; et par là elle contribue dans toute l’Europe à un des plus grands agréments de la vie. » .

Les temps ont bien changé et je me permettrai un sic transit gloria mundi.

Une anecdote, enfin, pour les lecteurs de Nouvelle-France. La Grande Mademoiselle – il ne s’agit pas d’un éphèbe officiant sur les planches de tel établissement du Village, mais de la cousine de Louis, quatorzième du nom – payait de la relégation ses choix politiques du temps de la Fronde. Elle transforma Saint-Fargeau, sinistre château médiéval, en un lieu où chacun voulait être reçu. L’accompagnaient dans son exil quelques jeunes et jolies dames, et Saint-Simon écrira sur l’une de celles-ci : « Madame de Frontenac n’avait que vingt ans et cherchait par tous les moyens à se débarrasser de son mari. Le comte était “aimable”, “spirituel” et “pas dépourvu d’usage du monde”, mais cela ne suffisait pas pour que la jeune femme l’accueillît dans le lit conjugal et cédât à ces instances. » On aura reconnu dans le mari le bouillant gouverneur du Canada…

lundi 20 août 2007

Citation

Les souffrances, les peurs, les humiliations subies dans l'enfance, on les retrouve parfois comme une vieille blessure, avec un pouvoir intact de faire mal. Sur le coup, quand on les avait éprouvées, anesthésié par le choc, on n'avait rien senti, tout entier mobilisé pour survivre à ces années noires. Mais longtemps après, des décennies plus tard, parfois dans le bonheur et l'opulence et tout souci disparu, la douleur que l'on croyait éteinte se réveille, aussi vive que dans le passé, plus mordante encore d'insister, comme un membre fantôme qui vous dévore alors qu'il n'est plus là, comme si le mal ne vous avait jamais quitté et qu'il n'avait servi à rien de vieillir.
Jean Clair, Journal atrabilaire.

Journal atrabilaire


Jean Clair, Journal atrabilaire, L'un et l'autre - Gallimard, Paris, 2007 (225 pages)

Il aurait sans doute été préférable d'intituler ce livre Journal d'un atrabilaire, car ce n'est pas tant le journal qui mérite l'épithète que son auteur, ancien directeur du musée Picasso. Lequel est en rupture, peu ou prou, contre l'ensemble du genre humain et de la modernité, exception faite, on le remarquera, de qui il fréquente dans ses rèves, seuls êtres avec qui il semble ne pas être brouillés, situation qu'il corrige dès le réveil.

De ne pas partager les idées d'un auteur ne nous décourage pas de le fréquenter, on lit bien Balzac sans pour autant être monarchiste légitimiste. De ces cinq saisons, d'un automne à l'autre, on appréciera davantage les réflexions sur la vie et l'écriture que le dénigrement du style administratif et les louanges du catholicisme (vraisemblablement de la mouvance de Saint-PieX).

On me pardonnera toutefois d'avoir quelques réserves, précisément, sur le catholicisme (et j'ajouterais in petto toutes les religions du Livre), religion d'amour, représenté par madones en pieta et christs en descente de croix. Passons les inquisitions et autres « croix ou meurs » comme cris d'amour du prochain, pour dénoncer non pas l'amour de la vie, mais plutôt de la souffrance et de la résignation à la douleur. Je me sens, à cet égard, bien plus proche de l'athée Michel Onfray (voir les articles que je lui consacre) et de son hédonisme solaire.

Cela dit, le style vaut le détour, mais l'excès de bile empêche, selon moi, l'auteur d'atteindre le rang de moraliste. Un bougon, mais avec du panache ! Je vous renvoie, si le temps vous presse absolument, aux livres d'André Blanchard, qui a su, lui, transformer ses humeurs en véritable oeuvre d'art.

jeudi 16 août 2007

Un cerveau, deux cerveaux, trois cerveaux... Marleau !

Un éditorial de Jacques Juillard du Nouvel Observateur sur la décadence du théâtre français.

Coïncidence, j'ai terminé tout juste avant de partir pour le festival de Stratford un pamphlet de Régis Debray, Sur le pont d'Avignon, sur le même sujet, mais encore plus véhément. Témoin cette question :
« Mais qu'est-ce qu'on vous a fait pour que vous nous traitiez comme ça ? »
Cette question je me la suis souvent posée au CNA pendant -- et surtout après -- de longues et soporifiques soirées. Me demandant si, enfin, quelqu'un allait effectivement venir, ou supportant les divagations microphoniques d'un second crû de Robert Lepage. Le public d'Ottawa est bon public, certes, mais victime consentante. Pour moi, de guerre lasse, j'ai renoncé à m'abonner.

Je ne vais pas vous faire le coup du « c'était bien mieux avant, du temps de... », et je sais qu'il n'est pas culturellement correct de dénoncer la tyrannie des théâtreux, mais je me languis de textes, de sens et, audace ultime, de plaisir. Or, de nos jours, seuls sont à l'affiche l'ennui et le mépris des gogos incultes assis dans le noir.

Je reviendrai sur la question, et sur le livre de Debray.

Actualité, Les philosophes et les femmes

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mercredi 15 août 2007

Journal atrabilaire


Semaine de relâche après mon retour de Stratford, procrastination aidant. Et comme je me sens un peu flemmard, fe vous renvoie au blog de Pierre Assouline qui décrit bien le livre que je suis en train de lire. J'y reviendrai toutefois dans quelques jours.

La république des livres » Blog Archive » Atrabilaire et réactionnaire, c’est Clair ?

En attendant, un extrait, métaphore assez eucharistique :
Tirer un livre qui dormait sur l'étagère, l'ouvrir, commencer de le lire, c'est réveiller une parole assourdie en lui prêtant sa voix. C'est toujours un peu le « Ceci est mon corps... Faites ceci en mémoire de moi ». C'est ressusciter, dans l'élection du livre, et perpétuer une présence qui semblait morte ou oubliée : il y a toujours un miracle de la lecture, très proche du mystère de l'Eucharistie, qui nous redonne un corps chaud et familier là où l'instant d'avant il n'y avait que silence et poussière. Le papier imprimé qui ressort de la poudre accumulée du temps, rejoint le pain enfariné dans cette communion.



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mercredi 8 août 2007

Tous n'en mouraient pas...

Un ami très cher -- l'amitié n'a pas de prix -- m'envoie une courriel dont je reproduis ici le texte. On appréciera l'avertissement :
« J'ai trouvé, moi aussi une phrase profonde à mettre en bas de mes courriel, gracieuseté de Beaubourg, le musée. Sur leur site , il est écrit ( en majuscule
dans le texte ) :

TOUTE SORTIE DES ESPACES EST DÉFINITIVE. »
À méditer, comme celui-ci, angoissant :
Un train peut en cacher un autre.

jeudi 2 août 2007

Anacoluthe

Une fort belle et juteuse anacoluthe dans le Monde d'aujourd'hui :

« Utilisant comme garantie la valeur de la maison achetée, la chute des prix a rendu nombre de ménages insolvables. »

Le monde étant ce qu'il est...

Une fois faites les adaptations nécessaires pour le contexte canadien, ce texte, un peu cynique, de Paul Krugman, suscite en moi de profondes inquiétudes. Et, cent cinquante ans plus tard, Tocqueville a toujours, et plus que jamais raison.

The Voters Speak: Baaa! - New York Times

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Festival de Stratford - Jour 5

Festival de Stratford - Jour 4

La pièce qui a valu à Edward Albee son premier Pulitzer et, créée le 12 septembre 1966, a tenu l'affiche quatre mois à Broadway.

Time happens, I suppose ... To people. Everything becomes ... too late, finally. You know it's going on ... up on the hill; you can see the dust, and hear the cries, and the steel ... but you wait; and time happens. When you do go, ... finally ... there's nothing there ... save rust; bones; and the wind.

-Agnes





The Stratford Festival of Canada - King Lear, Oklahoma!, The Merchant of Venice, An Ideal Husband, To Kill a Mockingbird, My One and Only, The Comedy of Errors, Othello, Of Mice and Men, A Delicate Balance, The Blonde, the Brunette and the Vengeful Redhead, Shakespeare's Will, The Odyssey, Pentecost

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Festival de Stratford - Journée 3

Festival de Stratford - Jour 2

Une très belle prestation de King Lear.

Même si je m'étais préparé par la lecture de la pièce et des commentaires, dans l'édition bilingue de la collection Bouquins, ce n'est pas sans appréhension que je suis entré dans la grande salle du Festival. Trois heures d'un texte intense, dans un anglais ancien, représentent pour moi un réel défi.

Eh bien ! grâce à la mise en scène simple et fluide de Brian Bedford, qui tient en outre le rôle titre, mon attention n'a pas flanché. Le tout soutenu par une distribution solide et convainquante.

Shakespeare n'a pas son pareil pour créer ses personnages noirs, surtout s'il s'agit de femmes, ici : Gonerill et Regane. Quelle perfidie.

Les deux intrigues de la pièce, double tragédie familiale, s'enchaînent et se répondent très bien, avec, au centre, un orage terrible, métaphore céleste du chaos terrestre dans lequel se démènent les protagonistes, les thèmes se croisant et se développant jusqu'au dénouement fatal, la mort de Lear, qui, vaincu, se détache de sa propre vie.

Du très bon théâtre, qui a ravivé ma crainte, non pas de la vieillesse, j'y suis presque, mais des effets du vieillissement : il n'est pas si aisé de raison et coeur garder...

The Stratford Festival of Canada - King Lear, Oklahoma!, The Merchant of Venice, An Ideal Husband, To Kill a Mockingbird, My One and Only, The Comedy of Errors, Othello, Of Mice and Men, A Delicate Balance, The Blonde, the Brunette and the Vengeful Redhead, Shakespeare's Will, The Odyssey, Pentecost

Pour le synopsis (les notes sur le site anglais de Wikipedia sont plus détaillées) :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Roi_Lear

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