mercredi 30 mars 2011

Esprit de non repos

Dans le cadre de l'émission Micro Fictions, de France-Culture : Esprit de non repos de Pierre SENGES. Accordez-vous, je vous prie, ce petit cinq minutes d'écoute.

Présentation de l'émission :

Des auteurs de fiction envoyés dans l’espace ?

C’est cette image à la fois naïve et fausse, et pourtant éminemment poétique et merveilleuse, qui a incité la fiction à France Culture à nouer des liens avec l’Observatoire de l’Espace du Cnes, et partant, à établir un partenariat menant à l’écriture de courts textes de dix auteurs de littérature. Ces textes ont été conçus dans la perspective d’une réalisation radiophonique, ce qui explique les nombreuses didascalies et indications de mise en ondes.

Que peut provoquer la confrontation avec l’espace, en termes d’inspiration, de processus de création, d’écriture, de représentation et d’univers sonore, une fois débarrassée des clichés et métaphores convenues ? Comment traiter plus spécifiquement de la frontière et des limites, quand il s’agit d’évoquer l’univers, l’infini ? Qu’est-ce que la fiction peut dire de l’espace, comment peut-elle raconter ou bien au contraire détourner les outils scientifiques, les travaux, les enjeux et les avancées en ce domaine, que peut-elle décrire, que peut-elle rapporter de ce voyage imaginaire pour les auteurs, une aventure pourtant réelle, concrète, celle que vivent les femmes et les hommes qui travaillent dans l’univers spatial  ?

Dix auteurs : Stéphane Audeguy, Patrick Delperdange, Eric Faye, Nathalie Kuperman, Bertrand Leclair, Gaëlle Obiégly, Tarik Noui, Noëlle Revaz, Violaine Schwartz et Pierre Senges, se sont ainsi lancés dans cette aventure et proposent aujourd’hui dix courts textes, publiés par Espace(s) et diffusés sur France Culture dans l’émission « Micro-Fictions » en mars 2011.

jeudi 24 mars 2011

Malraux, Mémoire et métamorphose

Jean-Louis JEANNELLE, Malraux, Mémoire et métamorphose, Gallimard, Paris, mars 2006 (441 pages).

Que voilà de séreuses lectures depuis quelques temps. Depuis qu'un lourd pavé appelé roman mais qui tenait du galimatias m'a brouillé avec le genre, je m'en tiens en effet aux essais. Je m'apprête toutefois à y revenir avec Les jardins statuaires de Jacques ABEILLE, dont la critique a fort unanimement salué la reparution, et dont la bibliothèque vient, de sa voix informatique, de m'aviser qu'il  m'attend dans la section mauve des nouveautés. Trois semaines pour près de cinq cents pages.

Je ne cacherai pas que je n'ai pas tout lu de l'essai de Jean-Louis JEANNELLE, mais les extraits dont j'ai pris connaissance ont aidé à ma relecture de celui de MALRAUX, L'homme précaire et la littérature, ultime réflexion, comme disent les éditeurs, de celui-ci sur la Métamorphose. Relecture, car je n'y étais pas revenu depuis la publication en 1977. Et pourtant il s'agit d'une lecture, car, somme toute, et pardonnez le lieu commun, on ne relit pas plus un livre qu'on se baigne deux fois dans le même fleuve. C'est un peu cela la Métamorphose... Bref, un livre dont la lecture requiert un effort certain, mais dont on ressort mieux éclairé sur la littérature. J'y reviendrai.

Encore MALRAUX : j'ai accompagné la lecture, histoire de réentendre cette voix et cette diction incomparables, du visionnement de trois documents, que je me suis procurés sur le site de la Boutique de l'Institut national de l'Audiovisuel (INA) réalisés en 1974 et portant, justement, sur la notion de Métamorphose. Ils s'intitulent Les dieux de la nuit et du soleil, Les maîtres de l'irréel et Le monde sans dieux et sont regroupés sous les titre Les métamorphoses du regard.



Présentation de l'éditeur :

« " Quels livres valent la peine d'être écrits, hormis les Mémoires ? " écrivait Malraux dès 1928. En dépit de ce que laissait présager ce geste de reconnaissance à l'égard d'un genre vieux de plus de cinq siècles - rien de moins que Le Miroir des limbes, composé des Antimémoires, puis de La Corde et les Souris -, la dimension mémoriale a sans doute été, de toute l'oeuvre d'André Malraux, si ce n'est la moins fréquentée, sûrement la moins explorée.

» L'étude que lui consacre aujourd'hui Jean-Louis Jeannelle ouvre les chemins de cette " odyssée de la mémoire", depuis le simple journal de bord jusqu'à l' " antipacte mémorial". L'auteur montre l'origine, la logique et la chronologie d'une composition très éclatée que le lecteur a, sans cela, du mal à percevoir.

» C'est là l'originalité profonde d'une démarche qui consiste à mettre en lumière la réflexion théorique sur un genre hérité d'une lignée apparue avec Commynes et à établir entre les Antimémoires de Malraux et les Mémoires de quelques autres - du général de Gaulle à Simone de Beauvoir -, ou encore entre Malraux et un auteur hanté par la mémoire comme Péguy, l'un de ces "dialogues au sommet" dont Malraux lui-même était coutumier.

» Livre en abyme, livre en rebonds, livre en facettes, livre en éclats: tout ce jeu de mémoire et de contre-mémoire constitue la meilleure des introductions à ce thème omniprésent dans toute l'œuvre d'André Malraux : la métamorphose. »

lundi 21 mars 2011

Retour sur le XXe siècle

Tony JUDT, Retour sur le XXe siècle : Une histoire de la pensée contemporaine, traduit de l'anglais (É.-U.) par P.-E. DAUZAT et S. TAUSSIQ, titre original : Reappraisals: Reflections on the Forgotten Twentieth Century, Éditions Héloïse d'Ormesson, Paris, octobre 2010 (618 pages).
Étrange traduction pour le titre de ce recueil d'articles de Tony JUDT publiés entre 1994 et 2006. Certes, il constitue un bon tour d'horizon des vues de l'auteur sur le siècle dernier « oublié ». Oubli qui, pour lui, tient bien plus de l'aveuglement historique; ce qui lui donne l'occasion de critiquer vivement l'intelligentsia libérale américaine (on dirait ici de gauche), notamment pour la rationalisation qu'elle a fabriquée pour soutenir la politique du second président BUSH, cache-sexe moral, pour lui, des brutales orientations néo-conservatrices.

On se penchera avec intérêt sur ces critiques de la politique d'Israël et du soutien américain à celle-ci, lesquelles lui ont valu de violentes attaques, lui qui, dans les années soixante, avait été un fervent socialiste-sioniste. Elles lui ont même valu d'être excommunié  de la revue The New Republic !

On ne parle plus guère d'engagement, à moins que ce ne soit pour la galerie, terme et notion tombés en désuétude. Tony JUDT était, lui, un historien authentiquement engagé.

Je vous invite, pour de plus amples commentaires sur cet ouvrage à vous reporter à l'article Through the Past, Darkly du New York Times.

mercredi 16 mars 2011

Entretiens d'un été

Régis DEBRAY, Entretiens d'un été, Desclée de Brouwer, Paris, octobre 2010 (262 pages);
Éloge des frontières, Gallimars, Paris, novembre 2010 (95 pages).

Je viens de connaître un de ces moments d'immense frustration : je ne trouvais pas mon carnet de notes. Je m'en sépare rarement, mais je le soupçonne, s'étant depuis quelques jours senti négligé au profit de l'iPad, d'avoir eu quelques velléités d'autonomie; et me punir par sa disparition de lui avoir préféré une machine. Sans lui, je suis démuni, il est mon garde-mémoire, d'autant plus qu'il ne m'est pas possible d'annoter un livre emprunté à la bibliothèque. Panique générale et branle-bas de combat, il est finalement réapparu en un endroit fort inhabituel. Je respire, et vivement une bonne tasse de thé (ce sera un avongrove blanc).

DEBRAY est une de mes figures de référence chez les penseurs contemporains, et je le suis depuis une trentaine d'années. J'ai été très tôt séduit par la médiologie, cette discipline à laquelle il a donné son nom, et qu'il ne faut pas confondre avec une sociologie des médias.
« La médiologie étudie les voies et moyens de l'efficacité symbolique,soit par quel biais une idée devient idéologie, organisation, modèle de conduite, source d'inspiration. »
En d'autres termes, comment un prédicateur membre d'une secte dissidente du judaïsme devient Christ, comment celui-ci engendre le christianisme, puis comment le christianisme devient chrétienté. Idem pour le marxisme.

DEBRAY est aussi -- et peut-être avant tout -- un très bon écrivain et un philosophe. D'aucuns le qualifieront intellectuel, mais, à la lecture du livre, on constatera qu'il récuse cette appellation. On s'intéressera d'ailleurs à l'échange avec l'historien Pierre NORA sur la notion d'intellectuel et l'idée de pouvoir intellectuel. Et à la typologie que celui-ci dégage : d'abord l'intellectuel professionnel -- ou, selon DEBRAY, médiatique --, dont Bernard-Henri LÉVY est le meilleur exemple; ensuite l'intellectuel sectoriel, celui qui, spécialiste d'un domaine, garde toutefois une vision des enjeux sociaux de sa science; enfin l'intellectuel généraliste -- notre auteur en serait --, celui qui dans un monde soumis à l'omniprésence de l'information et de l'opinion, tentera d'exercer un jugement « un service public de l'intelligence ». Cela dit, DEBRAY déplore la disparition de « tout ce qui faisait lien entre cette aristocratie démocratique et ceux qui ne font pas métier d'écrire et de lire. »

Ce sont les dialogues entre DEBRAY et les personnalités qu'il a invitées qui font l'intérêt de ce livre, transcription d'une série d'entretiens menés à l'été 2009 sur France Culture. Y sont abordés les principaux sujets qui le passionnent, de la médiologie aux faits religieux -- le dialogue avec Élisabeth BADINTER sur la laïcité vaut qu'on s'y arrête --, de la révolution, et des formes qu'elle prend aujourd'hui, à la mondialisation, le lecteur pouvant ensuite approfondir sa réflexion en lisant ses différents livres.

En complément de lecture, le bref Éloge des frontières, livre qui reprend le texte d'une conférence donnée en mars 2010 à Tokyo. Il y critique le très consensuel « tout sans frontière », monde « sans dehors ni dedans. » Toujours avec un style qui a du panache, et la phrase qui fait mouche. Que ce soit dans la sphère privée ou l'espace public, vive les limites. C'est emporté, on sourit, mais on ne peut que lui donner raison :
« L'indécence de l'époque ne provient pas d'un excès, mais d'un déficit de frontières. Il n'y a plus de limites à parce qu'il n'y a plus de limites entre. Les affaires publiques et les intérêts privés. Entre le citoyen et l'individu, le nous et le moi-je. Entre l'être et son paraître. Entre la banque et le casino. Entre l'info et la pub. Entre l'école, d'un côté, les croyances et les intérêts de l'autre. Entre l'État et les lobbies. Le vestiaire et la pelouse * . La chambre et le bureau du chef de l'État. Et ainsi de suite. »
Rappelez-vous les derniers journaux que vous avez lus ces derniers jours; cette idée de déficit de frontière n'est-il pas plus que pertinent ?

* Ici, on écrirait « la patinoire ».

lundi 14 mars 2011

Liseuse

Le meilleur moyen de résister à la tentation étant, selon Oscar WILDE -- la citation exacte varie selon les sources --  d'y céder, j'ai, après près d'un an de procrastination, fait œuvre de résistance en me procurant une tablette informatique iPad. Outre quelques gadgets dont je vous épargne le détail, je suis intéressé à tenter l'expérience du livre électronique.

L'appareil étant d'occasion, il y avait déjà quelques titres dans la bibliothèque, dont les Fables de La Fontaine. J'ai, pour moi, dirigé mes recherches du côté de chez PROUST et de La recherche du temps perdu. La plupart des titres qui la composent sont disponibles en format facilement lisible, mais pas Le temps retrouvé. J'ai donc dû, depuis le site de la BNF, téléchargé la version numérisée page par page de l'édition originale de 1927.

J'avoue avoir ressenti une certaine émotion en « ouvrant » le livre, à voir le papier marqué par le passage du temps,  ainsi que la typographie de l'époque. Et un plaisir certain en constatant l'efficacité de l'outil de recherche.

Je suis, en effet, arrivé en quelques secondes au passage où Mme VERDURIN apprend le naufrage du Lusitania. Ce passage, très ironique, qui illustre le fameux texte de LUCRÈCE :
Suave, mari magno turbantibus aequora ventis, E terra magnum alterius spectare laborem. Il est doux, quand sur la vaste mer les vents soulèvent les flots, d'apercevoir du rivage les périls d'autrui.
C'est en effet un de nos travers que de s'émouvoir des cataclysmes qui frappent aux antipodes, mais de demeurer indifférent, sinon hostile, aux malheurs se manifestent à notre porte. Mais pas de digression philosophique, revenons à la liseuse.

L'appareil n'est pas plus lourd qu'un bon volume de quelques centaines de page, mais sa minceur fait oublier ce poids. Certes, le contact d'une plaque vitrée ne procure, sous le doigt, la sensation du papier, mais comme je place la liseuse dans une jaquette de cuir, le côté « froid » est quelque peu estompé.


Ce n'est toutefois pas Le temps retrouvé que j'ai lu hier soir, mais une cinquantaine de pages de La chartreuse de Parme. J'ai bien aimé l'expérience, quoique je crois que je vais surtout utiliser la liseuse pour les essais et les livres dits pratiques.

À suivre, comme on dit.