lundi 30 avril 2012

Brève de fiction I : Tea ?

C’était toujours un grand plaisir pour moi que d’accepter de *** une invitation à dîner, lequel prenait des allures de fête de Noël s’étirant au moins la durée de la grand-messe et des deux messes basses rituelles de l’office de minuit. Chacun y allait pour la tablée, certes, la compagnie, brillante cela tombait sous le sens, mais surtout pour l’ite missa est qui en était la conclusion. L’amphitryon, sachant déjà, ce qui était la moindre des attentions à l’égard de ses convives, comme pas un accorder vins et plats, moins toutefois le participe, avec lequel, le cas n’était pas rare chez les esthètes de son âge, il conservait une sorte de délicatesse, comme, par ailleurs, avec certains archaïsmes grammaticaux (que faisait donc le ministère avec les deniers publics voués à l’élévation des peuples ?), mais nul hormis quelques latinistes ne s’en plaignait, pouvait, à la fin du repas, d’un chung, que nul n’osait plus appeler tasse, décrire le contenu d'icelui, avec tous les termes de l’art : non plus un thé, mais une liqueur ample et savoureuse, dans laquelle même un Proust eut hésité à tremper le moindre biscuit, la littérature en aurait bien été diminuée, de peur de porter atteinte au rare caractère aromatique boisé de l’infusion où s'alliaient, en outre, de riches notes gourmandes de chocolat, de pacane et de sucre roux à des flaveurs fruitées évoquant notamment le coing et groseille, avec, non moins spectaculaire que le finale de telle symphonie, une fin de bouche délicatement acidulée et sucrée rappelant le caramel frais. Du thé ? mais c’était une matinée au jardin botanique que vous aviez là, sous le nez, autrement plus riche en sensations que celles où le petit Marcel rencontrait duchesses et barons en l’hôtel de Guermantes, dans le calice de fine porcelaine blanche, et chacun se passait, avec le respect dû aux Saintes Espèces, les coupelles contenant les feuilles – avant et après infusion –, la vue, l’odorat et le toucher étant également sollicités, lesquelles avaient été acquises, lors d’un récent voyage à Paris, dans un établissement portant le nom d’un sacrement et d’une institution, laquelle était depuis longtemps tombée en désuétude, sauf, par une curieuse inversion des mœurs et une coïncidence non moins étrange, à la fois chez ceux qui à l’horizontale préfèrent la compagnie de leurs semblables et chez ceux qui, trempés dans une bien différente eau lustrale, eussent fait passer les inquisiteurs de la Contre Réforme pour des tièdes que le Seigneur vomit de sa bouche, établissement où officiaient, murmurant des noms de Ponant et d’Orient extrême, de diaphanes éphèbes de lin fin vêtus et où les fidèles, non moins émus que les pèlerins en Saint-Pierre de Rome, pouvaient, à l’étage, contre le don d’une somme équivalant peu ou prou à celle requise pour une indulgence plénière, communier avec tout le recueillement nécessaire lors d’une fervente cérémonie du thé, quoiqu’il ne s’agît que d’un chakai, la version abrégée du grand cha no yu, lequel, chacun le sait, ne peut réunir que quatre participants au maximum, selon les sept règles formulées par Sen No Rikyu. La messe dite, on chercherait longtemps ses mots pour décrire le recueillement qui marquait le passage au salon, où l’on ne s’installait que le temps nécessaire, sorte de délai de viduité sociale, pour entreprendre bientôt le remerciement pour l’exquise soirée et l’éloge de l’hôte, puis, l’un après l’autre, vêtus pour affronter les rigueurs de l’hiver, de se disperser sereins dans la nuit.

dimanche 29 avril 2012

Mon tour du « Monde »

Éric FOTTORINO, Mon tour du « Monde », Gallimard, Paris, mars 2012 (542 pages); versions papier et ePub.

Le cinéma a la bande-annonce, le livre, dans sa version électronique, a désormais pour équivalent l'extrait gratuit, qu'il est possible de télécharger sur ordinateur, liseuse ou tablette. J'en suis devenu assez friand, et avouerai que mes habitudes sinon de lecture, du moins de découverte des livres en ont été modifiées. L'extrait lu, je puis désormais élire d'acheter le livre, papier ou électronique, ou encore de le réserver à la bibliothèque -- ce qui est le plus souvent le cas. Reste toujours, cela dit, le plaisir de bouquiner chez son libraire...

Témoin l'extrait du dernier livre d'Éric Fottorino, ci-devant directeur du Monde, qualifié de récit, mais qui ressemble fort à des mémoires. L'éditeur offre une bonne soixantaine de pages qui, rapidement, m'ont séduit. Je suis, depuis près de trente ans, un « compagnon de route », et peut-être même un fidèle du grand quotidien parisien, d'une part, et, d'autre part, j'ai beaucoup apprécié, en 2007, le roman Baisers de cinéma de Fottorino : je ne pouvais, en conséquence, qu'être intéressé par son « tour du Monde ». Dès les premières pages, j'ai été pris par le style vif et direct -- journalistique, au bon sens du terme en quelque sorte, de l'auteur, par le côté « comment cela se fait » certes, mais surtout par l'évocation très vivante du monde parisien de la presse, et l'incroyable mutation qu'il a connu sur une trentaine d'années. Sans parler quelques conseils d'écriture, dont le fameux « Sujet, verbe, complément, et pour les adjectifs vous repasserez me voir... » -- que dire des adverbes ? Ou, de Françoise Giroud : « Si vous avez du talent, n'attendez pas la cinquième ligne pour le montrer, ou on ne lira pas la cinquième »... illustré, dans telle de nos gazettes matinales, par le fort en gueule de service. Captivé au point de mettre de côté le Duras...

Je sais quelques uns de mes lecteurs, fort curieux, et ce n'est pas la moindre de leurs qualités, que ce récit devrait, comme il l'a fait pour moi, captiver.

Présentation de l'éditeur :
« Longtemps j'ai rêvé du Monde. J'y serais entré même à genoux ! Depuis mon premier article, paru en 1981, j'étais encore étudiant, jusqu'à mon départ, en février 2011, près de trente années se sont écoulées. Je me souviens de tout. La rue des Italiens, les séances de Bourse au palais Brongniart, mes premiers reportages. Je revois les affamés d'Ethiopie, le visage de Mandela, la trogne de Noriega. Je revois les kolkhozes d'Ukraine, le marché aux grains de Chicago, les élégantes du Viet Nam. J'entends la voix de Jacques Benveniste, qui croyait à la mémoire de l'eau, Jane Birkin parlant de Gainsbourg, tant de silhouettes, tant de reportages. Le journalisme fut mon pain de tous les jours. Je suivis d'un coeur léger ses mots d'ordre : voyager, rencontrer, raconter. Puis recommencer. Elu directeur, j'ai plongé dans l'aventure collective. Il a fallu garder confiance quand les dettes s'accumulaient, et que le Net ébranlait la galaxie Gutenberg. Il a fallu réinventer ce journal dans l'urgence et la douleur, sans gros moyens, avec la foi du charbonnier. Il a fallu aussi approcher le pouvoir et le tenir à distance. La mer était souvent agitée. J'ai tout revu, tout revécu. J'ai tout aimé ou presque, sachant avec Cioran qu'il faut parfois avaler l'amer avec le sucré. J'ai quitté Le Monde mais Le Monde ne m'a pas quitté. »
 P.S. Un clic sur le titre de l'ouvrage vous conduira à la page des éditions Gallimard où vous pourrez lire quelques pages.

vendredi 27 avril 2012

Esthétique de la ponctuation

Un court billet, sur France Culture, of course, de sept minutes sur l'esthétique de la ponctuation.




mercredi 25 avril 2012

Duras, au début.

Marguerite DURAS, Les impudents, in Œuvres complètes, vol. 1, Bibliothèque de la Pléiade - Gallimard, Paris, 2011. Première édition chez Plon en 1943, édition en poche chez Folio - Gallimard.

« Maud ouvrit la fenêtre et la rumeur emplit la chambre. Le soleil se couchait. »

Tel est l'incipit du premier Duras, du proto-Duras pourrait-on dire, que je commence à l'instant, le gros coffret Pléiade aura assez attendu. Pourquoi pas Duras ? Il en a été question la semaine dernière dans nos gazettes avec l'annonce de la venue, en septembre prochain, au théâtre du Nouveau Monde, de sa pièce La maladie de la mort, montée par Patrice Chéreau.  Pourquoi pas Duras, en effet ? Je sors d'un autre monument, Camus, et de son posthume Le Premier Homme, grand plaisir de lecture, texte dont il sera question dans un prochain billet. Et de ressentir, alors que je rédige ces notes, une sorte de passage à vide, un « que lirais-je  ? » qui me voit prendre, entreprendre, puis abandonner plusieurs titres : 1984 de George Orwell; Les Barbares de Jacques Abeille -- suite du très beau Les jardins statuaires; Mrs Dalloway de Virginia Woolf, dans la foulée des émissions de France Culture; et une Vie du lettré de William Marx. Cioran ? je tourne autour, irrésolu : attendre les beaux jours pour Cioran.

Non : ce sera Duras et Les impudents, roman qu'elle n'a pas renié, mais tenait pour mauvais, à ce que je lis dans la notice, et dont elle n'a autorisé la reprise, en format de poche, qu'en 1992. Ce sera ça : oui.

lundi 23 avril 2012

Toujours l'escalier

Une de mes plus fidèles lectrices, et qui a les coquilles en horreur, qu'elle me signale au passage, une fois le méfait commis, comme on chasse le papillon, émue des déboires littéraires de mon amie au bain a eu la bonté de me signaler La lanterne d'Aristote, le nouveau roman d'un auteur que j'aime bien, Thierry LAGET, dont j'ai naguère commenté le Bibliothèques de nuit. Roman dont je me suis rappelé qu'il figurait sur ma liste de réservations à la bibliothèque.

Le lien vous conduira à la notice que les éditions Gallimard consacre au livre, et vous pourrez, si vous cliquez sur l’icône symbolisant un livre (ce n'est pas très lisible, comme beaucoup d'autres sites français, celui-ci est assez tarabiscoté, sans doute conçu par des sadiques hostiles à Internet) vous pourrez lire une bonne trentaine de pages.

jeudi 19 avril 2012

Troubles de lecture

Quel terme pour qualifier le sentiment que j'ai ressenti, mardi, à l'écoute des Nouveaux chemins de la connaissance où l'on nous entretenait du roman de Virginia Woolf, Mrs Dalloway ?

Sentiment dont les prémices se manifestèrent dès lundi avec la première des quatres émissions consacrées au très fluide auteur* britannique, qui fait, par ailleurs, son entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade.

Angoisse ? ce serait exagéré, et je m'en voudrais que tel des quelques happy few qui m'accompagnent s’inquiétât plus que de coutume de l'état de ma santé mentale; désarroi ? sans doute plus juste.

Pourquoi ce trouble ?

Parce que je n'ai pu m'empêcher d'aller tirer le recueil Romans et nouvelles (1917-1941) -- paru dans La Pochothèque, de lire la notice qui précède le roman, son incipit : « Mrs Dalloway dit qu'elle achèterait les fleurs elle-même. »; de faire une petite recherche sur les sites anglais et français de Wikipedia sur l'auteur et sur le roman, avec un détour par le groupe de Bloomsbury, recherche qui m'a conduit à l'adaptation cinématographique de 1993 avec la radieuse Vanessa Redgrave; et de télécharger le film, après avoir lu quelques critiques. Voilà donc un bon deux heures non point perdues, on perd rarement son temps à lire, mais soustraites à la lecture du Le premier homme de Camus, que je tarde à finir et dont je  vous entretiendrai bientôt. D'ici là, j'aurai écouté les trois autres épisodes des Nouveaux chemins et vu le film en question.

Vous voici témoins des ravages causés par Internet chez l'honnête homme  !





* Je n'arrive pas à écrie « à la très fluide auteure... » : ne m'en voulez pas, je suis d'un autre temps.

mardi 17 avril 2012

Foglia - Portraits de famille

Pierre Foglia est billettiste à la Presse. C'est le dernier survivant d'une espèce non pas en voie de disparition, mais bien disparue. J'entends pour les gazettes d'ici. Lui a succédé celle des donneurs de leçons et conseils en prêt-à-penser. On le lit pour le plaisir : le fond et la forme, et pour le style (oui, je m'y suis fait). Tout mécréant que je soie, je fais brûler in petto un cierge afin qu'une âme charitable nous fasse, comme on l'a fait pour Vialatte le Grand, don du recueil de ses billets. L'intéressé s'y oppose -- il faudra donc procéder post mortem, mais souhaitons lui longue vie, et tant pis pour nous. On l'a fait pour les textes de la demoiselle de Très Grande Vertu qui sévit toujours au Devoir, dont je ne me résous pas à dire que nous nous en contenterons tant ce recueil est inutile, sauf peut-être, dans deux ou trois siècles, pour un futur sociologue, mais nous ne serons plus que ... cendres.

Voici donc son plus récent opus : chats, Tchekhov, confitures, et ce qu'on a dit de plus sensé sur la triste fin de l'ex Cynique Serge Grenier.

Portraits de famille, la Presse, 16 avril 2012.

Souffrez-vous de stendhalite ?

Il s'agit, vous le découvrirez si vous écoutez le billet radiophonique de Philippe Meyer, d'une pathologie du tourisme, qui frappe l'humain en transhumance d'une obsession du « faire ».



Et tant qu'à faire dans la déploration humaniste,  voici la citation d'Horace qui conclut le billet : Caelum, non animum mutant, qui trans mare currunt. Autrement dit, « en traversant la mer, on change de ciel, non d'esprit ».

« Le ciel vous tienne en joie », bien évidemment !


vendredi 13 avril 2012

Le testament américain

Le testament américain

Le nouveau Bartelt est disponible en ligne, sur papier, comme d'habitude, « un jour, un jour ». En voici, depuis la page de Gallimard, une bonne vingtaine de pages, que l'on peut aussi télécharger sous format PDF.

jeudi 12 avril 2012

Le dramaturge et le philosophe

Après moi, réalisation des Éternels pigistes, texte de Christian Bégin et mise en scène de Marie Charlebois; au théâtre La Licorne.

Belle soirée, hier, à La Licorne et, surtout, un sujet de réflexion qui me permet de faire un lien avec l'essai de Dany-Robert Dufour, L'individu qui vient... après le libéralisme, dont il a été récemment question dans ces pages.

J'ai crû comprendre, au fil des conversations au sein du petit groupe auquel j'ai été invité, merci à l'intéressé, à me joindre, que certaine critique reprochait à l'auteur d'avoir donné dans la facilité du théâtre populaire. Il est vrai que, usons d'une comparaison musicale, l’œuvre est plus proche d'une chanson de Bécaud que d'une de Ferré, et que si, avec comme sujet l'Autre, et le difficile rapport avec icelui, il n'est pas vraiment du côté de Beckett, il ne tombe pas pour autant dans le Boulevard. Peut-être lui fera-t-on grief de manquer de confiance dans son Autre, le public, et de trop souligner : celui-ci comprend qu'on lui représente une sorte de « jour de la marmotte », inutile de le dire.

Astucieuse la métaphore des bouteilles, belle trouvaille en vérité, qui revient tout au long de la pièce. Je ne suis pas certain, toutefois, que l'on puisse, comme le laisse entendre le programme, et la tirade, vers la fin de la pièce, du personnage incarné par Christian Bégin, que l'on puisse mettre sur le même plan le besoin de l'Autre et le très catholique « aimez-vous les uns les autres ». La notion de besoin recoupe celle d'intérêt, et le capitaliste qui a besoin du consommateur (ce dernier étant le successeur du prolétaire) n'a guère de souci réel pour lui en tant qu'individu autre que de stimuler son désir de consommer. Témoin la cupidité de l'époque, et le « toujours plus » qui sévit de bas en  haut de la société.

Ce qui nous conduit tout droit à l'essai de Dufour : ce n'est pas tant de charité dont nous avons besoin dans notre rapport avec l'Autre que de sympathie.



mardi 10 avril 2012

Citation

Le corps, et tant qu'à faire l'âme aussi, ayant leurs raisons qui échappent à la nôtre, et des exigences qui nous les font soumettre aux soins de gens qui savent, je dois, avec plus ou moins de régularité, en consulter un dont la pratique éloignée constitue, mutatis mutandis disent les gens de loi, qui ont plus de verbe que de lettres, surtout dans l'enflure, mais encore du latin, un périple au long cours dont je profite pour avancer, mettant mes transports en commun, dans la lecture de Les souvenirs sont au comptoir, dont je vous entretiens parcimonieusement depuis un moment. Avec suffisamment d'assiduité toutefois pour que par lassitude sans doute et désir de me voir passer à autre chose l'un d'entre vous se le procure, voire le lise, enfin satisfaite ma vanité de colporteur littéraire et bavard de la blogosphère.

Vous n'échapperez donc pas à la citation.

Soit un octogénaire marchand, riche mais parti de peu et loin de Paris, en voici le crayon par Rinaldi :
 « L'homme appartenait à une famille de notaires, ce qui n'était jamais un handicap, et son père, puisqu'il refusait sa succession car ne le tentait pas l'avenir du notable de province à qui l'on pardonne ses goûts en amour à cause se son argent, lui avait avancé quelques fonds pour ses débuts dans l'immobilier, mais ce n'avait été, au commencement, que l'achat d'un appartement que l'on retape en vitesse avant de le revendre avec un bénéfice qui autorise l'acquisition de deux autres taudis[*], et ainsi de suite. On assurait même que, courtier en tableaux, courant les brocantes et les rues de Naples où les faux en peinture cuisent dans le four près de la pizza et y gagnent les craquelures des siècles, il avait exploité à ses débuts un stand aux puces, avec ce goût des objets sur lesquels beaucoup dans la tribu déversent le trop-plein d'un amour qui ne se trouve pas sans peine ni sans argent d'exutoire auprès des humains... Doté d'une santé à la Raspoutine que sa sobriété ménageait par surcroît, d'une sensualité de chien en rut chevauchant même l'ours en peluche qu'on lui jette, de son physique qui l'avait tant servi on n'avait plus idée [...] : en raison du dessèchement imputable à l'âge, de la dureté qui dévaste les traits, conséquence des moments de tension et des nuits blanches où le jongleur est beaucoup plus proche de la section financière du parquet que d'un restaurant tel celui du Palais-Royal [...]. Ne l'avait pas arrangé non plus le côtoiement de ses pairs, aujourd'hui ses amis, demain des adversaires, souvent des victimes [...]. On plaignait ceux qui avaient tenté de le rouler : méticuleux dans la vengeance, s'il avalait toutes les couleuvres il les recrachait en aspic [...].

Ah ! cette transsubstantiation de ces couleuvres en aspic. Peut-on mieux ?

[*] Un ami qui s'y connaît bien mieux que moi, dans le jargon du métier, m'assure que, à Montréal du moins, on parle de « poubelle ». Métaphore autrement colorée mais non moins  juste.

lundi 9 avril 2012

Escalier (l'esprit de l')

Nicolas BOUVIER, L'usage du monde, dessins de Thierry VERNET, Petite Bibliothèque Payot/Voyageurs, France, première édition 1963 (418 pages). Également in Oeuvres chez Quarto/Gallimard.

L'Iran et l'Afghanistan étant, pour d'autres raisons, sujets d'actualités, j'ai repensé la nuit dernière, par une sorte d'esprit de l'escalier nocturne à mes conseils impromptus de lecture -- je n'en prendrai pas l'habitude, ne craignez rien --, à mon amie en panne de lecture, et L'usage du monde de Nicolas Bouvier, jeune Suisse « bien né, sur le berceau duquel les fées se sont penchées », récit d'un voyage, en Fiat Topolino, qui dura dix-sept mois, au début des années 1950 de Yougoslavie à l'Afghanistan, de Belgrade à la Khyber Pass, m'est apparu comme un possible et très heureux viatique de ce moment de détente intime qu'est le bain, quoi de plus agréable, en effet, que de voyager par procuration dans le confort vaporeux de sa salle de bain, plaisir qu'elle pourra prolonger dans ses nombreux allers-retours, nettement moins périlleux toutefois, entre la métropole et la capitale fédérale.

dimanche 8 avril 2012

Conseils impromptus

Une fort bonne amie me faisait part de son désarroi littéraire, ayant terminé coup sur coup la lecture de deux titres du genre qu'on retrouve bien en évidence sur les étals des marchands de livres (ne pas confondre avec des libraires). Lire au bain, ce qu'elle aime à faire, on la comprend, et là ,je dois avouer, par parenthèse, que la liseuse électronique ne convient guère, un ouvrage qui vous tombe des mains vous gâte doublement le plaisir qu'on était en droit d'attendre de l'opération. Comme elle arrivait à sa station de métro, je n'ai pu, comme conseil, que lui lancer Patrick Modiano et Jean Rhys, cette superbe vieille dame indigne des lettres britanniques, avant la fermeture des portes.

De retour à la maison, face à ma bibliothèque, le souvenir m'est revenu, aidé par la lecture du journal quelques jours plus tôt, des livres de Franz Bartelt que je m'empresse, une semaine plus tard, il faut savoir lenteur garder, de lui recommander. Et à vous aussi autres lecteurs qui me pratiquez. On me pardonnera l'auto-citation (bien moins ennuyeux que l'auto-fiction) de mes articles.

De Franz Bartelt, donc :
Pleut-il ? chez Gallimard, recueil de nouvelles (autre article sur le même livre);
La mort d'Edgar, chez Gallimard, recueil de nouvelles;
Nadada, chez La Branche, roman;
Le bar des habitudes, recueil de récits.

S'agissant de Jean Rhys, je vous recommande notamment les titres suivants -- je remercie encore et toujours Angelo Rinaldi de me l'avoir fait découvrir il y a maintenant une bonne dizaine d'années, comme quoi on a toujours besoin d'un plus critique que soi... :

La prisonnière des Sargasses, chez l'Étrangère Gallimard (Wild Sargasso Sea);
Les tigres sont plus beaux à voir, chez l'Imaginaire Gallimard (Tigers are better looking).

mercredi 4 avril 2012

À voix nue : Danièle Sallenave

On peut bien ne pas connaître Danièle Sallenave, depuis quelques jours immortellement installée au fauteuil n°30 à la place de Maurice Druon, ancien secrétaire perpétuel, -- je n'ai lu, pour moi, d'elle que son Le principe de ruine en 1994, dans la collection L'un et l'autre -- , mais on gagnera beaucoup, et beaucoup d'agrément, à écouter la série d'entretiens diffusée la semaine dernière dans l'émission de France Culture À voix nue. Vous avez la semaine pour les télécharger, mais cinq cents jours pour les écouter.

Cinq petites demi-heures, pour votre jogging par exemple, oubliez un peu Madonna, et vous entendrez parler de Sartre, Beauvoir et Camus, de lecture (je vais réécouter la troisième émission et vous en transcrire quelques extraits), de vie et d'amour. Vous noterez le contraste des voix, flutée pour l'animatrice Virginie Bloch-Lainé, et d'alto pour l'écrivain : une bien étrange sonate.

Le castor de guerre : modèle d'une vie pleine - Beauvoir, Sartre, Camus.


Le Renforcement d'être.


Mémoire, pensée, issue.



mardi 3 avril 2012

Citation

« Je ne suis pas un vrai misanthrope, vous savez. J'aime les gens. C'est juste, comment dire ? Je ressens souvent en leur compagnie un léger ennui que je n'éprouve jamais quand je lis Gracq, Dostoïevski, Flaubert, Balzac, Sollers ou quand j'ouvre un pot de confitures de pêches de vigne au pinot noir. »
Pierre Foglia, Le sport, la vie in La Presse.

D'accord, à deux réserves prêt : Sollers et la confiture.  Ajoutez Modiano et Boulanger. Et aussi la marmelade de poires et citrons de Stonewall Kitchen.