samedi 1 octobre 2011

Voix

Thomas BERNHARD, Extinction, adaptation de Jean TORRENT, lecture pas Serge MERLIN, réalisation Blandine MASSON et Alain FRANÇON au Théâtre Prospero dans le cadre du Festival international de littérature.

Je n'ai rien à ajouter aux commentaires élogieux déjà reçus par la lecture de l'adaptation du dernier roman du romancier autrichien Thomas BERNHARD. Sauf à vous faire part d'une observation fruit de ma réflexion sur celle-ci.

L’œuvre  est d'autant plus puissante qu'elle est portée par une voix. Serge MARLIN joue de celle-ci comme d'un instrument qui va du pianissimo au fortissimo, une voix qui murmure puis qui rugit selon le sens que le comédien veut donner au texte. Une voix qui, en outre, s'appuie sur le silence pour créer une atmosphère de tension à laquelle il est impossible d'échapper : une fascination auditive, en quelque sorte.

Je fréquente régulièrement les diverses scènes de Montréal, une bonne vingtaine de pièces par année, bon an mal an, et je ne me souviens pas d'y avoir, depuis longtemps, entendu une voix. Je ne voudrais pas donner dans la nostalgie de l'insupportable « dans mon temps », mais qui, chez nos comédiens, succède aux voix de la génération qui est montée sur les planches dans les années cinquante, la dernière à avoir été formée avant la télévision ? Les voix des ROUX, MILLAIRE, GROULX, LACHAPELLE, FAUCHER par exemple. J'en viens à me demander si l'habitude du microphone n'a pas fini par tuer la voix chez nos comédiens. Chacun sait qu'il est impossible pour eux de ne se consacrer qu'au théâtre et que le recours à la télévision et au cinéma leur permet de vivre décemment. Mais je crains que nous n'en payions le prix. Or en France, d'où Serge MARLIN est originaire, il est possible, il en est la preuve, pour un comédien de ne vivre que du théâtre.

Je me demande en outre si la voix n'est pas, victime de l'amplification, également victime de la préséance du metteur en scène. Tenez par exemple la réclame du Théâtre du Nouveau Monde pour la saison en cours : Yves DESGAGNÉ raconte L'École des Femmes un histoire de Molière. Ce qui me semble révélateur d'une certaine pipolisation du rôle du metteur en scène : c'est lui qui nous compte une histoire; pas Molière. Il me semble que le théâtre, de plus en plus spectacle, privilégie le visuel dans la représentation au détriment du texte, lequel n'est plus guère porté que par des voix interchangeables, c'est désormais le visuel qui fait sens, et non plus le son.

La lecture d'hier me le fait regretter.

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