mercredi 8 août 2012

Lazare

André MALRAUX, Le miroir des limbes - II La corde et les souris - VI Lazare in Œuvres complètes III, Bibliothèque de la Pléiade - Gallimard, Paris, 1996 ( 1428 pages).


« J'ai été atteint d'une maladie du sommeil... »

Tel est l'incipit de Lazare, ultime segment du Miroir des limbes de Malraux. J'y suis revenu, ma première lecture remonte si ma mémoire est bonne -- mais l'est-elle jamais, l'âge venant ? aux début des années quatre-vingt, à l'occasion d'une grippe estivale dont la violence m'a brutalement terrassé et laissé à toutes fins utiles incapable de vaquer aux moindres activités quotidiennes. On pourra se surprendre, et imaginer que, malade, j'aurais de plus distrayantes lectures, mais si Proust demeure mon vade-mecum littéraire, j'ai toujours trouvé chez Malraux, que l'on ne lit plus guère et qui repose, on le regrette, sur une tablette poussiéreuse de la boutique aux poncifs, l'idéal viatique des jours de grisaille. Lazare, c'est celui qui est revenu... J'accompagne aussi ces moments de Bach par Gould, propice à la méditation.

Écrite à la suite d'une hospitalisation, en 1972, à la suite d'un malaise, il s'agit d'une réflexion sur la Mort -- celle qui hante l'être humain, pas le trépas -- et, peut-être, Malraux le croit-il alors, sa dernière œuvre. La Mort est présente, on le sait, dans toute l’œuvre de Malraux. Est-ce Sartre qui aurait dit que Malraux vivait appuyé sur la mort comme d'autres sur la cheminée ? Tout comme l'Art, cet anti-destin. Mais ici, c'est par la maladie que la Mort pourrait arriver, pas celle dont il était coutumier dans ses combats de la Guerre d'Espagne et de la Résistance, où, à la suite d'une perte de conscience, il se découvre un « je-sans-moi », plus Malraux, mais un corps malade, qui sera un cadavre : rien face au Temps.  Il s'étonne toutefois de ne pas souffrir :
« Nous appelons maladies mortelles les maladies dont on meurt; comment appeler celles dont on pourrait mourir ? Une maladie qui n'a de nom que pour les médecins semble une énigme, quand elle échappe à la souffrance qui a un nom pour tout le monde. En face de cette menace informe, mon sentiment le plus constant est la stupéfaction. »
Pourquoi ne pas trouver réconfort et force dans la réflexion de qui nous a précédé en destin, nous dont le seul avenir est l'austère silence de l'urne, limité à la durée de la concession -- rien, au cimetière, ne se périme plus rapidement que la perpétuité --, et faire nôtre sa quête : «  Je cherche le point crucial de l'homme, où le mal absolu s'oppose à la fraternité. » On aura aussi inventé des dieux pour cela, mais je ne participe pas de cette école.

Ne nous y trompons pas, rien de lugubre dans cette réflexion, qui s'articule autour d'une conversation -- un dialogue sans doute largement fictif, mais néanmoins plein de vérité -- avec un  médecin, où le lecteur qui n'est pas familier avec celle-ci un condensé de l’œuvre  malraucienne. Sans oublier quelques chats, dont celui du Cheshire, incontournables hôtes de passage...

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