samedi 19 mai 2007
De retour
Je me suis permis de faire le carnet buissonnier ces dernières semaines, non que j'aie moins lu, quoiqu'assez irrégulièrement, mais parce que le passage à l'écrit ne se produisait pas; l'idée du texte y était, point l'envie du clavier.
Un mois sans roman, et je ne m'en porte pas plus mal. Essais et récits qui ont nourri l'esprit autant qu'il l'auront diverti. Bref, un bon mois. Et pour vous (je pourrais sans doute me contenter du singulier, sauf votre respect, tant votre nombre, mon lectorat et mince), ce sera une rafale de billets.
Chronologiquement donc.
J'ai toujours lu avec délectation Jean Daniel, tant ses éditoriaux du Nouvel Observateur, que ses essais et rares romans. C'est un incontournable témoin du XXe siècle, pour qui s'intéresse un tant soit peu à l'histoire politique et intellectuelle de la France.
Jean Daniel a connu Camus, dont il est proche, ce qui ne l'a pas empêché de se séparer de lui à propos de la guerre d'Algérie. Il nous offre donc une admiration, pour l'homme, pour l'oeuvre. Je serais tenté de dire qu'il nous en offre deux; car il a, chez lui, une façon de se placer par rapport à son sujet qui tend à le mettre en valeur : il a, en quelque sorte, l'humilité ostentatoire, pratiquant un genre inusité, l'auto-hagiographie.
On apprend ainsi que c'est bien lui qui est à l'origine de la boutade selon laquelle il est préférable d'avoir tord avec Sartre plutôt que d'avoir raison avec Aron. La formule a fait des émules, par exemple chez André Blanchard, dont je parlerai sous peu, dans Contrebande : « On dirait que la déchristianisation a des lettres : vieux vaut avoir tord avec Satan que raison avec Dieu. »
Ce petit travers mis de côté, Jean Daniel prend rappelle la carrière journalistique de Camus, et les exigences de celui-ci dans l'exercice de ce métier. Il nous parle d'un temps où la presse n'était pas encore avant tout un commerce. D'un temps où écrire un article était autre chose que la fonction copie/colle, où « il vaut mieux être les seconds à donner une information vraie que les premiers à en publier une fausse ».
Imagine-t-on de nos jours un directeur de journal déclarer à un de ses rédacteurs : « Désormais, inspirez-vous plus de Chamfort que de Chateaubriand » ?
Une précieuse introduction pour qui aimerait retourner à Camus, ou, simplement, aller vers lui, car il semble bien que celui-ci aura échappé au purgatoire, cinquante ans après sa mort, où semblent être tombés son contemporain Sartre, pour ne pas parler des Mauriac et Malraux. Et, pour nous aussi qui l'avons, naguère ou autrefois, étudié au collège, dans l'inconscience et la naïveté de l'adolescence.
Jean DANIEL, AVEC CAMUS -- COMMENT RÉSISTER À L'AIR DU TEMPS, Gallimard, Paris, 2006
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