mardi 12 février 2008

Les Disparus

Daniel MENDELSOHN, Les disparus, traduit de l'anglais par Pierre Guglielmina, Flammarion, Paris, 2007 (650 pages)

J'aimerais revenir sur ce livre, et en donner quelques extraits, car je n'arrive pas à bien exprimer, ce qui finalement n'a que peu d'importance, la raison de mon admiration pour celui-ci. De même que la richesse du projet de l'auteur qui mêle à sa quête de ses parents disparus une quête du sens des premiers chapitres de la Bible en une métaphore extrêmement puissante.

Qui sont ces disparus; pourquoi ce mot disparus ? Il y a d'abord le sens de « considérés comme morts, même si le décès n'est pas attesté », et il y a le sens « qui a cessé d'exister ».

C'est donc autant la volonté de savoir « comment et pourquoi » des parents sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale, que la volonté de témoigner non de leur trépas, mais de leur existence, voire leur vie quotidienne, qui ont poussé l'auteur à partir à la recherche de six des ses parents disparus.

Ces quelques citationss diront mieux que moi l'objet de la quête de Mendelsohn helléniste et historien, qui " passe sa vie entière à se retourner pour jeter un dernier coup d'oeil " :

Savoir les détails pour l'histoire, apprendre les histoires pour l'Histoire.

Qu'est-ce que la mémoire ? Qu'est-ce que la mémoire ? La mémoire c'est ce dont on se souvient. Non, on change l' histoire, on " se la rappelle ". Une histoire, pas un fait. Où sont les faits ? Il y a la mémoire, il y a la vérité -- on ne peut pas savoir, jamais.

Ce ne sont que des histoires, personne n'en a la preuve. N'écrivez que sur les faits.

Nous voulions découvrir les faits. ... j'avais commencé à m'intéresser énormément aux histoires, à la façon dont ces histoires se multipliaient et donnaient naissance à d'autres histoires et que même si ces histoires n'étaient pas vraies, elle restaient intéressantes en raison de ce qu'elles révélaient des gens qui les racontaient. Ce qu'elles révélaient des gens qui les racontaient faisait aussi partie des faits, des documents historiques.

Certaines histoires ne sont pas toute l'histoire.

On aurait dit qu'elle (dans la rédaction de sa thèse sur sa grand-mère) ne s'intéressait pas tant à l'histoire de sa grand-mère qu'à la façon de raconter l'histoire de sa grand-mère -- à la façon d'être le narrateur.

Comment le grand-père raconte des histoires; la longue préparation, tout l'arrière-plan, toutes ces boîtes chinoises, et puis, soudain, la descente rapide et habile vers le final, la ligne d'arrivée où les liens entre les détails découverts tout du long, les faits apparemment sans intérêt et les anecdotes subsidiaires sur lesquels il s'était attardés au début devenaient brusquement évidents.

C'est toujours les petites choses. C'est ce qui fait la vie. La chose la plus intéressante, ce sont toujours les détails.

La recherche de l'élément qui allait permettre de tout fixer, de rendre compte des versions contradictoires.

Pour le bénéfice de qui : les morts n'ont pas besoin d'histoires : c'est le fantasme des vivants qui, à la différence des morts, se sentent coupables. Les morts n'ont plus d'intérêt pour rien. C'est bien nous les vivants qui avons besoin des détails. Ce dont les morts ne se soucient plus rendra fous les vivants.

Nous n'aurions jamais pu imaginer où nous conduirait cette histoire héroïque. Géographiquement, émotionnellement, moralement. Car nous n'avions pas pensé que cette recherche des faits, ces histoires, nous pousserait, contre notre gré, à juger les gens.


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