Michel ONFRAY, La puissance d'exister, Grasset, Paris, 2006 (230 pages)
Le fil qui me conduit d'un livre à l'autre semblera aléatoire,mais ce n'est qu'une apparence. Ainsi, à la lecture du recueil de nouvelles de Sylvain TRUDEL, j'ai été frappé par son anticléricalisme virulent. Lequel, mais c'est un autre débat, est monnaie courante au Québec. De même que par sa non moins virulente critique de la petite bourgeoisie et de toutes ses valeurs.
Pendant ce temps, j'avais à l'esprit la revendication athée de Michel ONFRAY, philosophe que je fréquente depuis une quinzaine d'années, et dont le nouvel ouvrage n'était pas encore arrivé chez mon libraire (les livres, comme chacun sait, voyagent mieux par bateau, ils savent se laisser désirer) et qui, l'étant finalement, m'a permis de mettre le doigt sur ce qui m'agaçait dans la gesticulation de TRUDEL : son nihilisme.
Dieu sait -- sans jeu de mots, ou peut-être, si -- que le nihilisme se porte bien : il donne au Trissotin des gazettes et autres médias une stature d'autorité, lui permettant de singer la posture cynique et, par effet de mimétisme, verra tout un chacun, pontifier dans les salons au rythmes de perpétuels « y'a qu'à... », s'agissant de l'intégration, de la tolérance, des femmes, des gays, des libéraux, des conservateurs, bref sur tout sujet tenant la vedette plus des vingt-quatre heures télé règlementaires, répétant, au fond, les mêmes lieux-communs.
Le propos d'ONFRAY, et son projet, sont tout autres, et il est clair qu'il ne se fait pas foule d'amis dans le paysage bien-pensant (des deux bords, étonnamment). Il invite à faire table rase de l'héritage judéo-chrétien, lequel continue, sous des oripeaux séculiers, à hanter notre pensée. Et de l'encombrer :
« Avec des vocabulaires différents, dans des formules et formulations séparées, avec des acteurs se croyant adversaires, on a toujours préféré les mêmes valeurs : honorer son père et sa mère, se dévouer pour la patrie, laisser à autrui une place cardinale -- amour du prochain ou fraternité --, fonder une famille hétérosexuelle (...). Cette épistémé mérite qu'on la connaisse, l'analyse, la décortique et la dépasse. »Bref, il nous invite à une indispensable déchristianisation pour établir, grâce à un athéisme postchrétien un véritable hédonisme.
Étrange fil de lectures en effet : de la dépression, La fatigue d'être soi, constatée par Alain EHRENGERG, dans une société où l'individu est jeté contre l'individu, avant d'être jeté tout simplement, comme tout objet de consommation au cynisme négatif du nouvelliste TRUDEL, qui, pour autant, ne manque pas de style ni de souffle, pour en revenir à une façon autre de penser le monde, et de le vivre avec ONFRAY.
Me suivrez-vous ?
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